4 | Je t'aimerai

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   Six stylos. Trois surligneurs. Cinq bâtons de colle. Une règle cassée. Une paire de ciseaux. Deux crayons à papier. C'est ce qu'Adam a réussi à se procurer auprès de ses charmants camarades - parce qu'il a déjà perdu la plupart de ses affaires à lui - pour construire une tour. Personne ne sait vraiment de quelle façon il a réussi à faire tenir les stylos empilés sans qu'ils ne tombent, et c'est pour ça que tous les élèves le regardent passionnés, voyant en lui un talent inouï. Le professeur, lui, ne voit que l'échec des futurs examens d'Adam. Il soupire et frappe la paume de sa main violemment contre son bureau. L'élève sursaute et effleure malencontreusement la tour avec son coude. Elle s'affaisse et s'écrase au sol.
   Adam marmonne des mots incompréhensibles en se baissant pour ramasser. Il repose tout sur sa table et fronce les sourcils en détournant son regard vers la fenêtre qui donne sur la cour un peu plus bas. Les autres étudiants reprennent leur concentration et écoute Mr Pounto qui reprend sa leçon.
   Les vingt minutes restantes se sont écoulées et la sonnerie se fait enfin entendre. Le petit brun se lève d'un seul coup, sans efforts, et quitte la salle. Il se dirige au pas de course vers les escaliers et les dévale sans faire attention à ce qui se passe autour de lui. Il pousse la porte et sort. Le ciel est bleu, mais un gros nuage le traverse, dessinant une gigantesque ombre sur le béton. Adam dirige ses yeux directement vers les bancs, et plus précisément le banc où elle se trouve. Mais ils sont désertiques. Le jeune homme garde l'expression du visage blasé qu'il avait en sortant de la salle de cours, et continue de fixer dans la même direction.
   Les bons camarades du fameux arrivent en riant.
   – Jolie la tour ! lance Sam, en baissant les yeux vers le bassin d'Adam, tentant de faire comprendre sa blague salace.
   Les garçons se taisent et observent Sam en essayant tous tant bien que mal de retenir leurs rires, ne voulant pas donner satisfaction à leur ami trop facilement.
   – Non mais sérieux, j'ai attendu tout le cours pour faire cette blague !
   Les quatre autres adolescents abandonnent et explosent de rire. Sam souris fièrement. Adam secoue la tête en rigolant et aperçoit quelque chose, ou plutôt quelqu'un, qui agrandit encore plus son rictus. Elle. Il ne sait pas pourquoi ni comment, mais cette fille-là, elle a un truc que les autres filles n'ont pas. Les autres, elles n'ont jamais attiré son attention, elles ne l'ont jamais intéressé, et surtout, il n'a jamais ressenti cette sensation au fond de lui qui lui donne envie de la revoir chaque fois. Il l'observe s'asseoir sur le banc et sortir son livre.
   – Eh ! Eh ! Adam, j'ai encore une blague ! Attends, attends, merde ! Je me souviens plus du début ! dit Sam en tapant sa tête avec ses mains.
   Matt s'approche et lui confit :
   – Attends, on va t'aider à te frapper !
   Ils se ruent tous sur lui, excepté Adam qui est trop occupé à observer désespérément dans le sens opposé, et se mettent à maltraiter Sam, qui lui, n'arrive plus à respirer tant il se tord de rire.
   La fille dont le nom est inconnu relève les yeux vers la victime, puis regarde Adam en positionnant son bouquin sur ses lèvres pour cacher son sourire. Mais il remarque bien qu'elle rit, alors il lui rend une mimique.
   Elle ouvre son livre en glissant ses doigts contre les pages et se replonge dedans.
   Le charmé marche vers son groupe de pote et s'adresse discrètement :
   – Les gars... Vous voyez la fille là-bas ? Tous les lundis, elle a une heure de permanence en même temps que nous.
   Les garçons le regardent sans dire un mot, attendant la suite de ses propos.
   – Hum, bah en fait...
   Adam s'arrête d'un coup de parler pour chercher une tournure de phrase. Ils ne comprennent pas, mais ne disent rien, jusqu'à qu'Antoine brise le silence en léchant sans raison la joue de Tony, qui lui, lui saute dessus pour le mettre à terre. Les autres compères rigolent de nouveau et leur sautent dessus. Adam les observe, l'air démuni.
   – Putain, mais quelle bande de retardés...
   Il lève les yeux au ciel, l'énorme nuage a fait son chemin, il ne reste plus qu'un grand étendu bleu.

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