ROWENA
Assise face à sa fenêtre, un livre auquel elle ne prêtait aucune attention sur les genoux, Rowena perdait son regard sur la pluie qui s'abattait sur le parc depuis l'aurore et l'empêchait de distinguer nettement le mur d'enceinte, frontière délimitant les jardins privés des Serdaigle des terres qu'ils faisaient cultiver. Elle ne pouvait que deviner sa présence et, les couleurs délavées et l'habitude aidant, celle du bois et des toits du manoir Ollivander. Elle aurait voulu pouvoir arrêter la pluie et déraciner les arbres pour apercevoir la bâtisse dans son entièreté et savoir qu'elle était toujours là, qu'un feu ronflait dans la cheminée de la grande salle du rez-de-chaussée et que l'ombre de Mrs Ollivander se dessinait derrière les fenêtres étroites. Elle avait besoin de voir toutes ces choses, de suffisamment loin pour pouvoir encore se bercer de fausses certitudes, se dire que Nicholas était bien son meilleur ami et qu'il la comprenait, qu'ils se comprenaient.
Mais la pluie continuait de tomber, la forêt d'exister, et elle n'avait plus que ses souvenirs de la veille en tête quand elle songeait aux Ollivander. Elle se sentait presque trahie tant la désillusion était forte. Elle avait toujours pensé que Nick et elle partageait les mêmes opinions, les longues minutes qu'ils passaient à se moquer de leurs pères, de leurs robes et de leurs petites traditions la confortant dans cette idée. De toute évidence, elle avait surestimé leur alchimie politique et en faisait désormais les frais.
Dès qu'elle fermait les paupières, elle revoyait le visage de son ami, sa moue perplexe tandis qu'elle se révoltait contre le marchandage dont on la rendait victime. Elle revoyait la banalité avec laquelle il avait pris la nouvelle de ses fiançailles avec Jonas Ackerley quand elle ne pouvait faire autrement que s'en indigner. Elle revoyait la cécité dont elle avait fait preuve en oubliant quel était le destin qui l'attendait quand lui, malgré sa passion pour contes et légendes inventés de toutes pièces, ne l'avait jamais perdu de vue. Elle ne savait au juste ce qu'elle ressentait. Était-elle en colère qu'il ne la comprenne pas ou admirative qu'il ait en toutes circonstances gardé les pieds sur terre quand elle avait cru que son nom lui donnerait droit à un traitement de faveur ? Lui en voulait-elle à lui ou s'en voulait-elle à elle-même ?
Toutes ces questions lui donnant le tournis, elle referma son livre d'un coup sec et se releva, s'emparant d'une cape d'un bleu profond suffisamment épaisse pour la protéger de la pluie. Traversant le château plongé dans le silence, elle se rendit aux écuries et fit seller sa jument, Nya. Assurant qu'elle allait seulement faire un tour et n'avait nul besoin d'escorte, elle glissa son pied dans l'étrier et passa les portes et le pont levis au petit galop, espérant ainsi atténuer les effets de l'averse.
Quelques minutes plus tard, elle confiait Nya à Marwin et pénétrait dans la grande salle du manoir Ollivander, où Mary sculptait les motifs sur ce qui était toute évidence la dernière création de son mari.
— Nicholas est dans la bibliothèque ? s'enquit Rowena après l'avoir laissée l'étreindre et lui avoir assuré qu'elle n'allait pas tomber malade malgré ses nombreuses allées et venues sous la pluie.
Mary laissa échapper un rire clair.
— Cela vous étonnera autant que moi, mais non ! Il est en train d'empaqueter ses affaires dans ses appartements afin de pouvoir partir dès l'aube pour Greenbriar. Enfin, je ne dois rien vous apprendre, il m'a dit que c'était votre discussion qui l'avait convaincu qu'il était grand temps qu'il participe à nouveau à cette sympathique petite joute.
La nouvelle surprit tant Rowena qu'elle ne sut que répondre.
— Vous pouvez le rejoindre, je me doute que sa compagnie doit autrement plus vous intéresser que la mienne. Marwin vous escortera.
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Time of Founders
FanfictionOn dit que pour raconter une histoire, il faut toujours commencer par le début. Chercher le fil des événements, et le dérouler jusqu'à remonter aux origines. Il est des histoires que tout le monde connaît. Des fins, heureuses ou malheureuses, qui so...