Ah ! belle nature, belles collines verdoyantes qui m'emplissent de bonheur, de chaleur et d'odeurs propres à la Provence, ce pays de la cigale et du thym, du pastis et du bon vin, des champs de lavandes à perte de vue et la bonne odeur du romarin. Quand je reviens ici, je me souviens des bons moments passés quand j'étais encore enfant, petit rigolo qui ne pensait qu'à s'amuser ! Que de souvenirs !
Le matin, je me levais pour aller à l'école. Ma mère venait me réveiller lorsque le coq du poulailler chantait son aubade. Difficilement, je m'étirais, me frottais les yeux, baillant à m'en déboîter la mâchoire. L'édredon de plumes d'oies de mon père me pesait chaudement sur les jambes et le traversin me laissait des marques de draps sur les joues. Ah, quelle belle époque, je voyais le soleil derrière les collines endormies qui se levait doucement. Souvent, avant de faire ma toilette, j'admirais par la fenêtre le paysage resplendissant qui s'offrait à moi. Je pouvais y rester de longues minutes ; d'ailleurs je restais jusqu'à ce que ma mère vienne me tirer par l'oreille pour que je me prépare enfin, après d'incessantes répétitions auxquelles je n'obéissais pas. J'allais alors dans la salle d'eau. J'enlevais mes pantalons de pyjama blancs et bleus clairs, ma chemise mal boutonnée, « le samedi au dimanche » comme on aimait dire avec ma mère. Les fesses à l'air, je traversais la pièce fraîche en direction de la bassine en zinc qui nous servait de baignoire. Je prenais le gant tout blanc réservé au corps et rapidement je me lavais avec du savon de Marseille. Ma mère venait me rincer avec le broc en tôle émaillée blanc et bleu, rempli d'eau fraîche de la source. Je peux dire que ce n'était pas mon moment préféré. L'hiver, l'eau était tiédie par le poêle dans le salon. Mais là, le poêle était éteint à cette période de l'année et l'eau était ma foi bien froide ! Ensuite je prenais le gant blanc et rose pâle qui était réservé au visage et de même que pour le corps, je me savonnais. Une fois la toilette du matin passée, je m'habillais. Pour l'école, j'avais une culotte courte en flanelle grise, un marcel sous la chemise blanche parfaitement repassée, des bretelles en cuir tanné qui appartenaient à mon grand-père quand il était enfant, mon gilet assorti à la culotte courte, mes grandes chaussettes et mes souliers vernis (qui grinçaient énormément au début que je les portais et qui me faisaient horriblement mal aux pieds). Je me peignais ma tignasse indomptable de boucles brunes et m'en allais gaiement dans la cuisine, où régnait une bonne odeur de chocolat chaud. Ma mère me préparait tous les matins mon bol de lait de chèvre mélangé avec du cacao, et une petite tranche de pain généreusement tartinée de confiture de figues qui nous restait de l'automne. J'allais ramasser toutes les figues des alentours de la maison. Et des figuiers sauvages, ce n'est pas ça qui manque ici !
Le lait venait du pastré du coin qui allait faire paître son troupeau dans les collines et qui nous déposait la bouteille pleine tous les matins devant la restanque au bout du chemin.
Pendant que je déjeunais, j'admirais ma mère qui s'affairait à nettoyer la bouteille de lait vide. Ah ! Elle était belle ma mère. Aussi fraîche que le printemps.
« Allez, mon chéri ! Boulègue ! Tu vas être en retard à l'école. Finis ton petit déjeuner, va te rincer la bouche et il faut encore que tu ailles au poulailler pour ramasser les œufs pour en donner au pastré ! »
Elle avait raison ma mère, j'avais encore du chemin avant d'arriver l'école et je n'étais pas en avance.
Je me levais en finissant ma tartine de pain d'une bouchée. Je posais mon bol presque fini dans la pile, prenais un verre dans le placard et le remplissais d'eau. Je me rinçais la bouche énergiquement et partais dans la chambre chercher mes cahiers pour l'école, que j'accrochais grâce à une lanière de cuir. J'embrassais ma mère et partais pour le long chemin qui m'attendait. Avant d'avoir pu faire quelques mètres, ma mère me rappelait. J'oubliais toujours la bouteille de lait vide à remettre au bout du chemin devant la restanque pour le pastré...
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Ma Provence
Short StoryC'est une nouvelle qui parle de la provence (sans blague XD), qui raconte l'histoire du narrateur allant vers l'école à travers champs dans les débuts du XX eme siècle. Nous voyons, au fil des générations, une évolution du village dans lequel il vi...