⋅ Partie 1 ⋅

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Préfecture de Yamanashi, à l'ouest de Tokyo - 16h29

Le Parc des Violettes portait ce nom en hommage aux petites fleurs mauves du même nom qui poussaient à foison, de part et d'autre des allées sinueuses du jardin public. Il n'était pas très grand, au final, ni même très réputé. Cependant, il était bien connu des enfants du quartier, qui venaient se défouler sur le petit terrain de football au fond du parc. À première vue, on ne devinait pas qu'il y avait un terrain de foot, car pour y accéder, il fallait passer la clôture grillagée et descendre quelques marches d'escalier avant de fouler du pied la terre battue du terrain. Le seul indice qu'il nous était donné de voir depuis les allées du parc, c'était un ballon occasionnel, lancé un peu trop haut par un enfant très enthousiaste.

C'est cet endroit que rejoignait chaque jour une lycéenne à la sortie des cours, pour retrouver son petit frère et rentrer à la maison avec lui. Le nez dans une de ces romances adolescentes un peu niaises qu'elle aimait tant à lire, elle vint s'asseoir sur un banc en fer forgé qui surplombait le terrain, et d'où elle aperçut une tignasse brune semblable à la sienne s'agiter en contrebas. Sitôt assise, la jeune fille vit un enfant monter les marches quatre à quatre pour s'arrêter devant elle, les cheveux défaits et les joues rouges, ainsi qu'un sourire jusqu'aux oreilles.

— Hé Naho ! la salua-t-il. Tu voudrais pas venir jouer avec nous, dis ?

La dénommée Naho leva les yeux de son livre pour contempler haussa un sourcil interrogateur en direction de son petit frère. Dans sa mission de le ramener à la maison, il n'a jamais été question de faire du sport – chose qu'elle abhorrait par ailleurs.

— C'est mort, Tohru, tu sais très bien que j'aime pas le foot.
— Oh, s'il te plaît ! couina-t-il. On est sept, il nous manque quelqu'un pour faire deux équipes de la même taille !
— Même pour cent mille yens, je joue pas au foot, répondit-elle, avant d'esquisser un un sourire narquois.
— Allez, onee-chan, s'il te plaît !

La brune soupira en entendant son petit frère l'appeler ainsi, alors qu'il ne le faisait jamais en temps normal. Non pas qu'elle fût attendrie par ça, bien au contraire, elle savait bien qu'il en coûtait à son frangin pour qu'il utilise ce mot gentillet. Tout ça pour jouer au foot, pensa-t-elle. Et quand sa sœur ferma son livre dans un bruit sec, Tohru sut qu'elle capitulait et allait venir jouer avec lui.

— Yes ! dit-il en claquant des doigts. Par ici, grosse tarte.
— La ferme, morveux, répliqua aussitôt Naho en se levant.

Ledit morveux lui arrivait déjà à l'épaule alors qu'il était en dernière année de primaire, ce qui la fit grogner. Non, vraiment, elle allait lui mettre la raclée de sa vie.

— Ça va, tu connais les règles du foot au moins ? la nargua Tohru en sautillant sur les marches pour descendre.

Naho coula vers lui un regard assassin, ratant dans le même temps une marche d'escalier, qui la fit atterrir brutalement sur la terre. Elle grogna ; ce serait vraiment la poisse de se fouler la cheville avant même d'avoir joué.

— Oui, pas les mains. Continue comme ça, ma main elle va servir à autre chose si tu vois ce que j'veux dire, le menaça-t-elle en agitant le bras de manière éloquente, et cela fit ricaner son cadet.
— On va voir ça alors !

Ils entrèrent sur le terrain de football. La brunette lâcha son sac dans un coin du terrain, sur un amas de manteaux et cartables abandonnés par leurs propriétaires obnubilés par le ballon rond, puis elle rejoignit le groupe d'enfants débordant d'énergie.

— Viens, on va te mettre dans une équipe !

Et tandis que les écoliers se répartissaient dans un camp ou dans l'autre en criant et en protestant, comme seuls les enfants de dix ans savent le faire, Naho laissa son regard vagabonder rêveusement autour du terrain. À l'aube de l'été, le parc était en fleur et elle aimait ça, cette explosion de couleurs. Une silhouette plus discrète que les autres, à l'ombre d'un hêtre, attira cependant son attention. Un garçon de son âge environ, dont elle ne pouvait cependant pas distinguer les traits, les observait depuis son coin d'ombre. Tout ce dont elle voyait de lui, c'était ses cheveux framboise, mais il n'avait pas l'air particulièrement amical. Plus du genre à rôder dans les ruelles pour aller racketter les mamies, à en croire les pensées de la jeune fille.

Sumire Koen ✧ au Parc des Violettes |IE|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant