À Ciara.

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C'était comme d'essayer d'attraper de la fumée avec ses doigts. Impossible. C'était comme de tenter d'apprivoiser un animal sauvage. Difficile. C'était comme de s'efforcer de nager à contre courant. Une perte de temps.

Elle était indomptable. Innaccessible. Irrésitiblement imprévisible. Sauvage. Unique. Elle vous donnait la sensation de planer, de voler, de lâcher prise. C'était comme d'être à trois mètres au-dessus du ciel.

Et comme l'ascension fût délicieuse ! Comme la chute n'en fût que plus douloureuse ! Parce qu'elle, elle est faite pour être aimée, adorée, adulée. Mais pas pour aimer. Elle n'aime pas. Ce qu'elle cherche, c'est le sentiment d'être aimée. La douce sensation d'être l'Alpha dans la vie des autres. Mais on lui pardonne. On passe outre. Parce qu'être avec elle, c'est être à trois mètres au-dessus du ciel.

Je me souviens du jour où je l'ai rencontrée. C'était un soir de juillet, à la soirée de la petite-amie de Jeff, mon copain de toujours et colocataire.

- On va s'éclater, tu verras, qu'il avait dit.

Ce qu'il entendait par là, c'est qu'il allait la sauter toute la soirée. Mais Jeff c'est un mec poli et respectueux. J'ai enfilé un t-shirt et un jean. J'ai passé la main dans mes cheveux - le style soigneusement débraillé a été inventé par moi - et on a quitté l'appartement, un pack de bières sous le bras.

Dès que nous sommes arrivés, je me suis réfugié vers le fond de l'appartement, là où se trouvait l'alcool. J'étais juste à côté du balcon. Comme ça, si Miguel lance ce jeu débile À qui boira le plus ? comme il le fait chaque fois, je peux m'éclipser vite fait.

Je l'ai tout de suite remarquée. Tout le monde l'a remarquée. Et je sais qu'elle m'a remarqué. Elle me l'a avoué par la suite. Mais nos regards s'étaient croisés. Un quart de secondes. Ses yeux chocolat, presqu'ébènes à cause du manque de lumière se sont posés sur moi. Elle avait un regard poignant, limite flippant. Celui d'un prédateur devant sa proie. Et c'est ce que j'étais. Sa victime.

Je m'en fichais. Je voyais mes potes me lancer des regards en biais alors qu'elle s'approchait de moi. J'ai croisé les bras. Comme un homme. Vous savez, de sorte que les biceps se remarquent. Elle m'a sourit. Brièvement. Elle était beaucoup plus belle sans. Elle avait ce genre de visage. Fermé. Innexpressif. Derrière lequel il est si simple de cacher ce qu'on pense. Ces visages que l'on voit si souvent les lèvres fermées qu'il parait étrange de les voir étirées.

Elle est passé tout près de moi et a continué vers le balcon. Je l'ai suivie. Il n'y avait que nous. Elle m'a observé me poster près d'elle sans un mot. Puis elle a allumé une clope. Je l'ai laissé tirer deux taffes, attendant qu'elle dise quelque chose.

- Tu en aurais une autre ? j'ai demandé au bout d'un moment.

Je ne fume pas. Mais pour elle, je l'aurais fait. C'est ça mon problème. Je ferais mille et une chose pour plaire, pour qu'on m'apprécie et qu'on me trouve cool - je sais, à bientôt vingt cinq c'est ridicule. Elle n'a pas sourit, mais presque.

- Non, elle a répondu. Mais j'ai un numéro, et je serais ravie de te le donner.

Nous sommes retournés dans l'appartement. On s'est approprié le plan de travail. Je m'y suis assis et elle s'y est adossée. Les autres nous regardaient. J'étais avec la nana la plus belle de la soirée. Et qu'est-ce que j'aimais ça ! L'attention des autres. Je suis fils unique. Je suis habitué à être le centre de l'attention. J'en ai besoin.

Ciara. C'est comme ça qu'elle m'a dit qu'elle s'appellait. Sexy. Vulgaire sur les bords. Même si elle ne l'était pas. C'était la classe incarnée. Elle portait un jean taille haute ce soir-là. Un Levi's. Je l'ai su parce que j'ai maté son cul chaque fois que j'en ai eu l'occasion. Son top était blanc, presque transparant. On pouvait voir son soutien-gorge rouge à travers.

Elle m'a cerné ce soir-là. Elle a tout deviné de moi et de ma personnalité. Liam Payne, éternel ado de 25 ans, Fils à Maman et Papa - c'est rare, alors je précise - belle gueule à vouloir la lui casser ou se le taper. Alors que moi, je n'arrive toujours pas à la comprendre. J'aimerais tellement m'immiser dans son cerveau et voir ce qu'il s'y cache. Mais elle prenait grand soin de ne jamais baisser sa garde. Pas même lorsqu'elle dormait. Le matin, je la trouvais blottit contre moi. Mais une nuit, alors que ma vessie m'avait tiré du sommeil, je l'ai trouvée de l'autre côté du lit. Dos à moi. Elle se tenait aussi éloignée que possible. Hors d'atteinte.

On s'est revus la semaine qui a suivi nôtre rencontre. Je l'ai emmenée dans un restaurant branché, comme je fais avec toutes les filles. Mais Ciara a insisté pour qu'on aille dans petit bistrot français au coin de la 4ème. J'ai trouvé ça tellement plus cool. Pas de vin hors de prix ni de serveurs insistants. Juste elle et moi, deux côtes de bœufs et trois bières. On a ri. Parlé. Et ri. On s'est embrassés. Et c'est tout. C'était cool. Elle était cool.

Vous savez, nous les mecs, c'est ce qu'on cherche. La nana cool. Si on dit que vous êtes cool, ça revient à dire que vous êtes parfaite. La Cool Girl c'est cette fille. Celle qui ne vous prend pas la tête quand vous préférez sortir avec des potes plutôt qu'avec elle. Celle qui ne crie pas parce que vous avez laissé la lunette de toilettes levée. Celle qui se marre avec vos amis et qui joue aux jeux vidéos avec vous tard le soir. La fille qui a aussi souvent envie de baiser que vous. Ok, elle existe pas, c'est un idéal. Mais c'est ce qu'on recherche.

Et Ciara, elle était cool. Et c'est tellement rare de tomber sur une fille cool. Alors je m'aggripais à ses hanches à m'en faire blanchir les jointures chaque fois que j'en avais l'occasion. Être avec Ciara, c'était vivre au jour le jour. Je le savais.

Et pourtant, je suis tombé amoureux d'elle. Tellement vite. Je savais même pas que c'était possible. Alors je ne m'en suis pas rendu compte. Je croyais qu'elle me plaisait juste beaucoup. Que c'était normal qu'elle me manque autant vu nos parties de jambes en l'air. Que ce n'était pas grave si je pensais à elle les trois quart du temps - le reste étant consacré à ce que j'allais dîner ou déjeuner. J'ai fait l'erreur de tomber amoureux d'elle mais comment aurait-il pu en être autrement ? Elle était ma Cool Girl. Et elle le savait. Maintenant, quand j'y repense, la lueur dans ses yeux, ce n'était pas de l'amour ou de la joie. Juste une flamme victorieuse. Celle qui dit: Je t'ai dans la poche, tu m'as dans la peau et dans le cœur, tu es à moi et je le sais.

Mais je m'accrochais. Et plus je le faisais, plus elle s'éloignait. J'avais donc décidé de tout arrêter. De tout oublier. Mais c'était au-dessus de mes forces. Alors c'est elle qui est partie. Comme ça. Sans un mot. On s'est vus un jour, et le lendemain elle n'était plus là. C'était une journée banale. La dernière. Mais vous ne savez pas que c'est la dernière, qu'il n'y en n'aura pas d'autre. Vous prenez les choses pour acquises et vous vous dîtes qu'il y en aura d'autres. Mais vous vous fourrez le doigt dans l'œil.

Ce jour-là, on était restés chez moi, devant la télé. On avait baisé. J'avais piqué un somme après son troisième orgasme. Elle était partie en fin d'après-midi et c'était tout. Ça a commencé un samedi estival et ça a pris fin un dimanche d'automne.

Comment une personne qu'on a connu si peu de temps peut-elle nous marquer aussi longtemps ? Comment ? Et pourquoi ? C'est comme si elle s'était frayé une chemin depuis ma tête jusqu'à mon cœur et qu'elle y avait tatoué son nom.

Et vous ne vivrez plus jamais ce genre d'histoire. Aussi intense. Aussi unique et décalée. Parce que ça fait parti des choses qu'on ne vit qu'une fois. Et ce, pour la simple et bonne raison que c'est tellement mieux que tout, que le retour à la normal paraît insurmontable. Le faire une fois relève du miracle alors, quand bien même vous voudriez le revivre, tout ressentir à nouveau, vous ne pourriez pas. Vous êtes déjà trop abîmé.

Aujourd'hui, je suis marié à Rebecca. Elle est ok. On est ok. Ça me suffit. Ce n'est pas Ciara. Je ne plane pas. Je ne suis pas trois mètres au-dessus du ciel. Je suis juste là.

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⏰ Dernière mise à jour : Jun 21, 2016 ⏰

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Trois mètres au-dessus du ciel // lpOù les histoires vivent. Découvrez maintenant