Prologue.
C’était il y a exactement un an. Joaquim Carten regardait par la fenêtre. Il pleuvait à n’en plus finir. Exactement comme le jour où il l’avait rencontrée. Le jour où la vie de ce jeune journaliste français avait basculé. Ce jour où il avait enfin compris le sens du mot « bonheur », et celui du mot « amour » par la même occasion. Mais il savait que toutes les choses avaient une fin. Il regrettait seulement que pour lui elles se soient terminées trop tôt. Il pensait souvent à elle, à son parfum, à son sourire, à son regard quand elle se levait auprès de lui, au doux son de sa voix. Il espérait qu’elle reviendrait subitement comme elle était apparue dans sa vie, mais cela était impossible. Ils n’étaient pas faits pour être ensemble, il le savait bien, elle aussi, et elle le lui avait fait comprendre quand ils s’étaient quittés.
Joey observait son ami en silence. Il détestait voir Joaquim dans cet état. Depuis près d’un an maintenant, il essayait de lui changer les idées, de le faire sortir, de lui faire rencontrer du monde… Mais rien de ce qu’ils avaient l’habitude de faire ne semblait l’intéresser dorénavant. Il savait que Joaquim avait perdu l’amour de sa vie, mais ne voulait pas que cela lui gâche tout le temps qu’il lui restait encore à vivre. Tant pis si cela prenait du temps, il le soutiendrait jusqu'au bout.
- Vieux, décroche de cette fenêtre. Tu vas finir par attraper froid, dit-il.
Joaquim ne répondit pas. Il savait que Joey en faisait beaucoup pour lui. Trop même parfois. Mais aujourd’hui, il avait juste envie d’être seul.
- Je vais aller faire un tour, dit-il enfin après quelques minutes de silence.
- Avec ce temps-la ? T’es devenu fou ? Il fait moins 15°C dehors !
- T’exagère. Il fait bon. Et de toute façon, même s’il faisait moins 30, je sortirai. J’ai besoin de prendre l’air.
- Tu sais, on a de l’air ici. On a même l’air conditionné, alors déconne pas. Si tu veux choper une pneumonie, c’est pas mon problème. Je t’emmènerai même à l’hôpital s’il le faut. Mais arrête d’agir comme ça. Ca me fait de la peine de te voir dans cet état, tout ca à cause d’une fille. Il y en aura d’autres et tu le sais.
Joaquim le savait. Mais pour lui, aucune des filles qu’il pourrait rencontrer ne serait comme elle. C’était elle ou rien. Et il préférait finir seul que d’essayer d’en trouver une autre. Il se dirigea vers la porte d’entrée. Joey le regarda faire sans dire un mot. Il lui rabâchait le même refrain depuis des mois. A Joaquim de l’écouter ou non. Joaquim prit son manteau et sortit de l’appartement. A peine eut-il mit le nez dehors qu’un frisson le saisit. Dehors, tout était sombre. Il sortit un paquet de Gitanes de sa poche et en alluma une. Instantanément, une bouffée de chaleur l’envahit. Il s’était promis d’arrêter de fumer, mais bon, une de temps en temps ca ne pouvait pas faire de mal. Enfin, c’est ce qu’il se disait. Il alluma son IPod et lança la playlist « Green Day ». La voix de Billie Joe Armstrong avait toujours eu un effet apaisant sur lui, et c’était ce dont il avait le plus besoin actuellement. Au bout de trente minutes de marche, Joaquim tomba sur le Boulevard Saint Michel. Il n’avait pas particulièrement souhaité y aller, mais il avait fait le chemin un si grand nombre de fois que ses pieds l’y conduisirent inconsciemment. Ce n’était pas loin d’ici qu’il l’avait rencontrée. Il remonta le Boulevard et prit à gauche, sur la rue de Médicis. Il aperçut enfin l’entrée du Jardin du Luxembourg. Evidemment, le jardin était fermé à cette heure-ci, mais il ne comptait pas céder. Il avait besoin d’y aller. Il avisa le grillage. Environ trois mètres, peut-être quatre. Il pourrait l’escalader sans problème. Il regarda autour de lui. Personne. Il regarda une deuxième fois, toujours personne. Il s’agrippa aux barreaux du grillage et monta. Une fois de l’autre côté, il se dirigea vers la Fontaine Médicis.
Joaquim adorait le Jardin du Luxembourg. C’était peut-être la millième fois qu’il venait ici, et pourtant, il ne s’en lassait jamais. Il adorait le contact avec la nature qu’il pouvait retrouver, ici, au plein cœur de Paris. Il arriva enfin devant la fontaine. Il s’adossa contre un arbre et la regarda, encore et encore. Enfin, il ferma les yeux et se remémora tous les instants qu’il avait pu passer ici. Sa mère l’avait emmené ici pour la première fois lorsqu’il avait cinq ans. Elle lui avait dit que ce lieu lui apporterait la force dont il aurait besoin dans les jours où tout n’irait pas pour le mieux. Sur le coup, il n’avait pas compris. Il était peut-être trop jeune. Il y allait tous les ans avec sa mère pour son anniversaire et le sien, ils y allaient parfois à Noel ou pour le nouvel an, pour la Saint Valentin, à Pâques. En fait, ils y allaient pour toutes les fêtes et les occasions qui se présentaient. Il se rappela de son premier baiser qu’il avait vécu ici, de son premier zéro qu’il enterré sous un arbre, de la sortie qu’il avait organisée avec des amis pour célébrer leur réussite au baccalauréat, de son premier article de journal qu’il avait écrit ici, et enfin du plus beau jour de sa vie, celui où il l’avait vue pour la première fois. Car c’est dans ce même lieu et à cette même date que tout a commencé.