Prologue

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Le major Lincoln traversa la rue et entra dans le café « Coca Burger ». Une vive odeur de poulet braisé et de frites de pomme l'accueillit. Il s'arrêta comme à son habitude sur le pas de la porte, ferma les yeux, puis inspira longuement... Son estomac gargouilla.

Ses cheveux argentés coupés court lui donnaient une fière allure. Responsable, mais pas trop. C'était fait exprès. Sa chemise blanche de même, contrastait parfaitement avec son pantalon sur mesure et ses chaussures noires bien cirées. Il était parfait, comme d'habitude. Il se reluqua un très bref instant dans la glace de l'entrée. Sa moustache était elle aussi d'un gris et d'une texture à faire dans son subconscient, autant d'envieux que d'hommes sur la terre.

Même si on n'allait pas beaucoup l'observer de si bonne heure, il fallait que le peu qui s'y perdrait, le trouva fort exemplaire. Il savait depuis toujours que pour être bien considéré, il était nécessaire de marcher et de se tenir bien droit. Un homme aussi illustre que lui pouvait se permettre n'importe quelle démarche lorsquil est fatigué. Mais lui, il marcha parfaitement droit pour ne rien enlever à son charisme, et à la force que lui savaient tous les Lubovois.

-Le café est bien vide ce matin. C'est dommage ! Pensa-t-il

Il n'y avait pas plus qu'un homme à part au fond du café et trois pompiers courbés à leurs assiettes, dégustant le menu bœuf dans un silence solennel. Il se dirigea machinalement à la table au fond du café. Près d'une large vitre qui donnait sur l'extérieur. Un homme peu robuste d'âge avancé, au cou penché en avant et à l'allure automate était assit droit, regardant au dehors, les yeux perdus dans le décombre nuageux du printemps. Lincoln regretta de devoir sasseoir. Mais il le fit avec une extrême délicatesse.

-Monsieur Wilson. Je pensais que votre vol aurait du retard... Commença le major

L'homme quitta sa rêverie sans détourner son regard perçant du ciel pale.

-Toujours en retard Lincoln. Répondit-il d'une voix rauque. Tu es bien sous tous les aspects, un policier type.

-Même si vous le dîtes à chaque fois reprit Lincoln qui ignora l'ironie de l'homme, je dois admettre que vous avez toujours raison monsieur Wilson, je n'ai aucune excuse pour mon retard cette fois non plus.

-Peut-être que simplement, tu le tiens de ta mère. Poursuivit l'homme. Je me souviens qu'elle faisait attendre ton père comme un malade. À peine approches tu la quarantaine que tu deviens aussi incorrigible que cette chère Paula.

Le major sourit en plissant les coins extérieurs de ses yeux. Sa moustache sincurva.

-Je trouve, Wilson, répliqua Lincoln, que vous cherchez trop loin. Je ne suis pas en retard parce que je me pomponnais avant de venir. Loin de là. Dailleurs ces derniers temps, je n'ai plus que le temps d'enfiler ce qui me passe sous la main.

-Que tu te pomponnes avant de sortir, ce nest pas impossible... Je t'ai beaucoup vu à la télé ces derniers temps. Et dailleurs, j'ai eu un peu de mal à t'y reconnaître.

L'homme posa ses yeux perçants sur le major.

-...Un policier type. Lança-t-il. Le Général Abeng Stanley serait fier de son petit-fils.

-Jespère bien qu'il l'est d'où il est, monsieur Wilson... Jaurais aimé le connaître. Ne serait-ce que ça.

-Je ne pense pas quil aurait vécu jusquà ce que tu deviennes celui sur qui repose toute la police de Lubove actuellement.

-On dit que lui, il a formé tout un pays de policiers. Et qu'aucune affaire n'a été suffisamment compliquée pour l'intimider. Qu'il avait toujours le choix malgré les difficultés...

-Et tout cela est très vrai, mon petit Lincoln. Mais tu sais, si ton père n'avait pas résolu l'affaire du pyromane, le Général Abeng Stanley ne serait pas devenu la légende qu'il est aujourdhui. On aurait pensé qu'il était simplement décédé à cause d'un accident de réservoir d'essence fuyant et de cigarette allumée... Ton père, lui il est resté un héro dans lombre du Général. Il me semble parfois que mon ami l'officier de bas grade est la légende oubliée, que personne n'a jamais cherché à connaître. Et pourtant, c'est lui qui a Hmph... il évacua un soupir. Lincoln, toi qui connais bien leur histoire lequel des deux est celui qui tinspire le plus ?

-...De ces deux-là, eh bien je dirais que ma carrière suit déjà mieux le chemin de grand-père. Répondit Lincoln avec satisfaction

À ces mots, il vit que le vieil ami de son père fut un peu déçu.

-Mais lhérédité est tout de même une drôle de chose ! ajouta-t-il. Savez-vous le nombre de qualités que je me surprends détenir de mon père ?

Dis-moi. Répondit l'homme en hélant une serveuse à leur table.

-La minutie. Posa le major en hochant la tête. Qu'en dîtes-vous ?

-Tu es minutieux, mon petit Lincoln. Ceci est aussi très vrai. On dit d'ailleurs qu'il n'y a pas eu dans le coin une affaire policière dont le moindre détail t'ait échappé.

-C'est une légende comme celle du Général. Je dois avouer que j'ai mes succès... Mais monsieur Wilson, vous savez aussi les légendes sont souvent bien plus fausses qu'on ne les imagine en réalité.

-Veux-tu par-là dire, que la légende du major détective de mon petit Lincoln comporterait des... Inexactitudes ?

-Oh non voyons ! Bien sûr que non ! Mais...
Lincoln regarda autour. Les pompiers étaient partis. La serveuse servit la commande : Deux hamburger-poulet et frites de pommes plus un supplément moutarde offert par la maison au major Lincoln.

-Mais... ? insista le policier retraité après le départ de la jeune serveuse.

-Il y'a une affaire vieux Wilson, qui menace ma carrière. C'est tellement... C'est ! Et c'est justement pour avoir votre vieil oeil expert que je vous ai dit de venir.
Le major mordit à pleines dents et arracha la moitié de son hamburger.

-Je m'en trouve à présent presque excité, Lincoln. Depuis que je ne suis plus dans les renseignements, je m'ennuie à mourir ! Mais ceci me surprend un peu à vrai dire. Nous avions toujours discuté de tes affaires au passé. Au point où je me suis parfois demandé certains jours à ce siège, si tu n'étais pas un de ces génies, descendant de génies qui monopolisent la science infuse.

-Toutes mes affaires... Je sais bien que pour vous et mes pères, ça n'était que des histoires d'une banalité un peu moins ennuyeuse que votre quotidien de retraité. Le crime de nos jours est devenu ennuyeusement simple à découvrir et les criminels, trop peu futés pour ne pas être démasqués. Votre époque était de loin plus excitante. Et vous êtes bien placé pour savoir, Wilson, qu'il n'existe de science infuse que dans l'ignorance. En gros, je vous trouve étrangement modeste, pour le vieux policier criminologue, qui a toujours deviné à l'avance, l'issue de toutes mes enquêtes. Comme si certains détails dans les affaires ont à vos vieux yeux géniaux, le sens qu'ils n'ont pas aux miens.

-En soixante-cinq ans je n'ai jamais été aussi flatté ! Et cest le major Lincoln en personne, la bouche pleine qui ne s'empêche de faire éloge ! Eh bien, moi aussi je suis peut-être une légende exemplaire...

Le major sourit et prit une gorgée de coca-cola.

-Tous les hommes sont à leurs manières des légendes et des exemples. Certains ne méritent seulement pas quon leur emboite le pas. Vous, vous le méritez largement. Si on ne vous connait pas assez, c'est uniquement parce que vous travailliez dans le renseignement.

-Bien avant dy être, jétais policier. Contredit Wilson. Un ami à moi m'a appris que la justice dans l'ombre est de loin plus efficace. Il disait que le justicier doit se comporter comme le criminel. Sinon, il ne le comprendra pas, et donc ne le verra pas même si celui-ci se tient devant ses yeux.

-Cet ami, Wilson, était-ce mon père ? Posa Lincoln

-Non Lincoln, répondit Wilson, ton père aussi a appris de cet ami que nous avions en commun.

-Justicier dans l'ombre... Je pense qu'il serait trop tard pour moi, vous savez.

-Il nest jamais trop tard pour glisser derrière la scène... Mais ne perdons plus de temps. Raconte-moi l'affaire. Et surtout, inclus tous les détails. Ainsi que ceux qui pour toi semblent inutiles.

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