⋅ Partie 5 ⋅

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Parc des Violettes - 11h05

C'était une belle journée pour aller au parc ; les oiseaux volaient haut, aucun nuage en vue et un soleil éclatant dans le ciel azur. Les prévisions météo avait annoncé que quelques vingt-huit degrés Celsius étaient attendus, ce qui était plus que correct pour une journée de juin.

Or, Naho n'allait pas au parc pour se détendre ou profiter du beau temps. Non, bien au contraire, elle s'y rendait pour régler ses comptes. D'un pas rapide, elle traversa le jardin public, ne s'ennuyant pas à suivre les méandres des allées, car elle le savait bien : le moyen le plus rapide pour aller d'un point A à un point B était sans conteste la ligne droite. Tout en y réfléchissant, elle se rappela sa cousine de huit ans Reina, qui vivait aux États-Unis et qui passait son temps à lui parler de dragons. Et, pour le coup, elle se dit que ce ne serait pas du luxe de pouvoir se déplacer à dos de dragon, je dis ça je dis rien.

Quand elle arriva à hauteur du terrain, la brune ne fut qu'à moitié surprise de l'avoir trouvé aussi facilement. Il était là, debout au milieu du terrain, mains dans les poches, ses cheveux rouges plus clairs sous le soleil du matin. Il lui tournait le dos. De toute évidence, il n'y avait que là qu'il pouvait être. La grille du terrain était déjà ouverte. Rassemblant son courage à deux mains, Naho descendit les quelques marches et se planta derrière lui. Il avait dû l'entendre arriver, puisqu'il se retourna aussitôt. Il n'avait pas l'air surpris de sa présence, plutôt satisfait même, car il esquissa un sourire suffisant.

— T'as pas honte d'aller embêter une grand-mère pour essayer de faire pression sur moi ? demanda-t-elle calmement.

Sans se départir de son sourire, il éluda la question, au plus grand agacement de la jeune fille.

— Je vois que tu as reçu mon message.
— Tu as décidé de me rendre ma cravate ? s'enquit-elle.

Ses lèvres frémirent, mais il ne répondit pas. Naho fronça les sourcils. Il avait pouffé de rire. Il se retenait de lui rire au visage. Ce... cet abruti se moquait d'elle.

— D'ailleurs, t'es qui ? Tu connais mon prénom mais je sais même pas comment tu t'appelles.
— Nosaka. Je m'appelle Nosaka Yuuma.
— Nosaka, répéta-t-elle, un instant déboussolée qu'il l'ait aussi facilement dévoilé.

Elle était aussi troublée par le fait qu'elle avait déjà entendu ce nom quelque part. Mais où, cela restait une question sans réponse. Elle demanderait bien à Tohru, dans le doute, sauf qu'elle ne voulait pas attirer l'attention de son petit frère sur cette histoire. Histoire qui serait réglée d'ici dix minutes.

— C'est mon nom. Et mon prénom, c'est Yuuma.
— Ça va, j'ai compris, maugréa-t-elle.

Elle l'observa quelques secondes avec curiosité. Non, vraiment, il était hyper beau. C'était un abruti fini, mais il était beau et ça l'agaçait de le reconnaître.

— C'est quoi ton problème, Nosaka ? le questionna-t-elle en insistant sur son nom.
— Mon problème ? répéta le rouge, tandis qu'un énième sourire amusé fleurissait sur ses lèvres.
— Oui, ton problème. Pourquoi tu veux absolument qu'on joue au foot, toi et moi ? Je suis une débutante, tu l'as bien vu l'autre jour.

Le garçon la regarda étrangement tout au long de sa tirade, puis l'interrompit.

— Justement...
— J'ai pas fini, cingla-t-elle en le regardant à nouveau. Je comprends pas non plus c'est quoi ton délire avec ma cravate. Tu ne peux même pas la porter, vu qu'il y a le blason de mon école dessus, et mon...

Elle se tut subitement, alors que le voile se levait sur un des mystères qui entouraient ce garçon. Ce dernier, sans que Naho ne le voit, car elle avait les yeux rivés vers le sol pour réfléchir, réprima un sourire quand il la vit froncer les sourcils.

— Bon sang, mais c'est comme ça que tu connais mon prénom, pesta-t-elle en claquant des doigts.
— En effet. Et ton petit frère, ajouta-t-il.
— Il n'a rien à voir avec tout ça, se raidit la brune, sur la défensive.
— Au contraire, c'est grâce à lui que j'ai pu voir ce que tu savais faire. S'il ne te l'avait pas demandé, tu ne serais jamais descendue sur le terrain.

Il avait raison. Si elle lui jeta un regard glacial et lui en voulait d'avoir amené Tohru dans la conversation, elle était suffisamment perspicace pour reconnaître qu'il avait raison.

— T'es flippant, commenta-t-elle en se laissant tomber sur le banc.

Nosaka, ça la perturba de mettre un nom sur ce visage tout à coup, car cela le rendait tellement plus humain, la scrutait de son regard inquisiteur.

— Tu vas me rendre ma cravate ? finit-elle par murmurer, après s'être passé les mains sur le visage.
— Une fois que tu auras joué au football avec moi.

Il n'avait pas cillé et continuait de la fouiller du regard, ce qui rendait Naho extrêmement mal à l'aise. Cette dernière était voûtée vers l'avant, ses coudes en appui sur ses genoux et les mains en coupe autour de son visage.

— Pourquoi tu tiens tant que ça à jouer au foot ? soupira la brune.
— Je veux voir ce que tu sais faire, dit-il en ramassant le vieux ballon de football.
— Il n'y a rien à voir. Je te l'ai déjà dit, je suis débutante.
— Au contraire, je pense qu'il reste des tas de choses à voir.
— Tu vas être déçu alors.

Nosaka sourit, amusé, comme s'il savait des choses qu'elle ignorait. Ce regard énerva Naho au plus haut point, car elle le perçut comme du mépris. La demoiselle claqua ses paumes sur ses cuisses et se leva.

— Écoute, je sais pas ce que tu veux de moi mais je ne jouerai pas au foot avec toi, déclara-t-elle d'une voix plus calme. Tu peux garder ma cravate, c'est pas grave, j'en achèterai une autre. Tu...

Alors qu'elle se retournait pour se diriger vers la sortie, Nosaka lui attrapa le poignet pour la retenir et l'interrompre en même temps. Ce simple contact l'électrifia et son premier réflexe, quand elle se tourna vers lui, fut de le foudroyer du regard.

— Réfléchis bien à ma proposition, murmura-t-il. Tu ne sais pas à côté de quoi tu risques de passer.

Le mot « risquer » la fit tiquer. Il ne renonçait pas encore, même après tout ce qu'elle lui avait dit.

— Tout ce cirque pour du football ? s'étonna-t-elle.
— Dois-je te rappeler que tu t'énerves pour une cravate ?
— Une cravate à cinq mille yens que je suis obligée de porter. C'est dans le règlement de... – elle s'interrompit – c'est pas grave, on s'en fiche.

Un nouveau sourire amusé étira les lèvres du garçon et taquina les nerfs de la jeune fille. Il se pencha vers elle et Naho recula la tête pour conserver de la distance entre eux deux, bien que son instinct lui hurlait tout le contraire.

— Eh bien, ça fera de toi une petite rebelle, lui souffla-t-il.

La brune voulut répondre mais les mots lui manquèrent et, quoi qu'il en soit, elle n'en eut pas le temps. Par ces dernières paroles, il avait clos la conversation, et il s'en fut sitôt qu'il les eut prononcées.

Sumire Koen ✧ au Parc des Violettes |IE|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant