Les pins s'élevaient au dessus de moi. Leurs cimes, perdues dans l'immensité de la forêt, m'étaient invisibles. A terre, les aiguilles se mêlaient à la mousses, gelées par l'épaisse couche de neige. Toutes les racines étaient recouvertes, les trous de souries avaient disparu, tout comme les réserves des écureuils. Le froid était mordant mais les arbres protecteurs m'isolaient du vent des steppes gelées.
Mes doigts s'enfonçaient dans la neige mais mon poids m'évitait de pénétrer complètement dans son épaisseur. Mes pattes écrasaient les flocons et laissaient de jolies traces derrière moi. Je devais faire attention. Il était dangereux d'être repéré à cette période de l'année. Je serais traquée, puis mise devant une cheminé, au chaud. Cela ne me convenait pas. Ma vie était ici, au dehors. J'aimais sentir le parfum des pins humides au réveil, celui de la boue fondue à midi et du sang de ma proie le soir. Cela faisait maintenant six heures que mon errance avait commencé. J'avais épanché une part de ma faim mais pas assez à mon goût. Ma queue rousse balayait le sol au fils de mes pas. Elle décrivait une large courbe dont le bout blanc se confondait avec la neige. Elle n'était pas très discrète dans cette forêt aux couleurs froides, mais elle me tenait chaud. Je me dirigeais vers la grande clairière. Sous le plus grand des pins, mon terrier m'attendait. Je devais me dépêcher, la pénombre approchait et laissait place à d'autre que moi. Soudain, je me figeais. Je venais d'entendre un hurlement, suivit d'un second, puis d'une dizaine. La meute était réveillée. J'humais l'air : la chef de meute n'était pas loin. La forêt ne m'appartenait plus. Je franchis les nombreux arbres plus vite encore. Je plongeais dans mon terrier. Sans regarder derrière moi. J'atterris sur la terre chaude le cœur battant, les poils hérissés, les coussinets fatiguées.
Arrivée au fond de mon troue, je me roulais en boule. Je cachai mes pattes sous mon ventre, ramenai ma queue autour de mon corps. La nuit était maintenant à ces grands prédateurs. Je ne pourrais ressortir qu'au petit matin. Je fermai les yeux, me rappelant le maigre goût du petit mulot que j'avais attrapé. Demain m'offrirait peut-être un souvenir meilleur.
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Renard et forêt
Short StoryUne queue rousse entre les arbres, un animal qui rentre éreinté de la chasse. Un simple passage dans le paysage. Un instant d'hiver.