Prologue

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Bon, attaquons cette journée, plus vite elle est terminée plus vite je peux me recoucher. Aujourd'hui, c'est décidé, je retourne à la Fac.

La Fac, avec une majuscule, parce que ça fait peur, et que ce qui fait peur devrait toujours être prévenu d'une majuscule, une sorte de "j'vous l'avais bien dit que c'était flippant". Enfin bon, je me perds. Ça va faire six mois que j'ai quitté la fac, six mois que je me terre dans ma chambre, en priant pour que personne n'appelle, pour que personne ne se souvienne de moi, parce qu'alors viennent les reproches, les interrogations, alors viennent les disputes et l'incompréhension. Un jour j'étais à l'université, le lendemain non, c'est si compliqué que ça à comprendre ? Après ça,j'ai jamais réussi à y remettre les pieds. Alors oui, je suis lâche, mais des fois, se battre avec son esprit pour se convaincre que non, on va pas mourir, c'est crevant, et des fois, j'ai pas envie  de le faire. Ce des fois, ça va faire six mois qu'il dure. Mais bon,après tout, c'est quoi un diplôme ? Bon allez Amélia, bouge toi.Le but : la porte. Comment l'atteindre : rapidement, sans provoquer les questions de ma mère. La difficulté ? Élevée. Je crie "Maman, j'y vais, bonne journée !

-Comment ça tu y vas ? me demande-t-elle, tu vas où exactement ?Pas encore chez cette Célia ? Je t'ai déjà dit que ça ne me plaît pas trop que tu traînes avec elle. Tu es toujours triste après l'avoir vue..."

Célia. Mon seul port d'accroche, ma bouée dans toute cette  obscurité. Célia, que ma mère déteste car elle a l'impression qu'elle est la cause de mon état.

"Non, je vais voir du côté de la fac.

-Que... comment ça ? Amélia reviens sur le champ ! crie-t-elle, affolée."

Et merde, j'avais raté ma super sortie discrète et rapide.

"Faut bien que j'y retourne un jour, mum, je peux pas passer mon temps dans ma chambre en priant pour la délivrance.

-Amélia Maria Perez, ne me prends pas pour une débile, me prévient-elle, reviens tout de suite dans le salon et explique toi,avant que je t'y ramène moi-même par la peau du derrière avec lequel tu essaies de fuir cette maison.

-J'ai décidé de tenter d'y retourner, de voir si vraiment j'en suis toujours au même point, j'ai besoin de voir où j'en suis, de comprendre pourquoi je n'avance toujours pas. Je... j'ai besoin d'essayer. La psy et les médocs ne marchent plus ou pas assez, et j'ai l'impression de ne plus avancer, d'être bloquée dans un état de merde où tout est noir et triste.


-Amélia, ton langage... c'est normal de stagner à un moment, ce n'est que provisoire. Se relever de ce genre de choses ne se fait pas rapidement, il faut attendre, apprendre à s'apprivoiser, à mieux se comprendre.

S'apprivoiser... comme si elle parlait d'un animal que je cachais au fond de moi; un animal féroce, déchirant mes entrailles et me poussant à avoir peur de tout ce qui n'est pas du même genre que moi. La première fois qu'elle en avait parlé comme d'un animal, je l'avais appelé Phobe, depuis, Phobe est l'incarnation de mes angoisses, de mes peurs de l'homme. Et Phobe est énorme.

" Je vais mieux, et j'ai besoin de voir ce dont je suis capable maintenant, maman, dis-je doucement, réellement.

-D'accord. N'en fais pas trop ma chérie, si tu ne te sens pas assez forte, tu me reviens tout de suite, me demande-t-elle, inquiète.

-Promis, à ce soir mum, je lui réponds.

-Bien. Prends le pain au passage !"

Ah bah, j'en connais une qui perd pas le nord.

Direction l'université donc. J'y vais en marchant, évitant toute infrastructure présentant des risques de croiser des gens et de ne pouvoir y échapper. C'est à vingt minutes de marche, ce qui me laisse largement le temps de regretter ma décision : Et si ça se passe mal ? Et si quelqu'un me parle et me trouve folle ? Et si j'arrive plus à contrôler mon animal intérieur ? Pitié Phobe, ne sors pas aujourd'hui, va te reposer pendant que je m'occupe de passer une bonne journée, pitié. Bon, direction le bâtiment F pour mon premier cours depuis six mois, je commence par droit pénal, la professeure est un bourreau de travail apparemment, ça devrait me permettre de penser à autre chose. J'arrive, les étudiant.e.s sont déjà installé.e.s, super. Évidemment, on me remarque, une jeune fille avec un teint blafard et des cheveux jaunes comme un poussin,ça se remarque assez facilement, surtout lorsque cette dernière arrive dix minutes après le début du cours. Bon, je m'assois où ?Pas de places, la barbe. Phobe se réveille, grondant dans mon estomac, me prévenant qu'il a faim, et que mes angoisses doivent revenir pour le nourrir. Une place au premier rang, super ! Que des filles, bien.

Je m'avance, vais m'asseoir, et m'arrête.

Ce ne sont pas que des filles. Il y a un homme, et pas n'importe lequel. C'est lui. Les mêmes yeux bleus comme l'océan, le même sourire en coin, et surtout, il m'a vu.

Merde. Putain, merde !



J'aurais aimé pouvoir t'aimerWhere stories live. Discover now