Acceptation . . .

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Alice se retrouve malgré elle dans ce véhicule, perdue et paniquée. L'objectif de Mathieu est clair :  récupérer leur fils et s'enfuir vers le Brésil. La tension est clairement palpable, s'en est trop pour elle.
- Arrêtes, Mathieu. Arrêtes la voiture, murmure t'elle en un son quasi inaudible, comme si ses pensées parlaient tout haut à sa place.
Il s'exécute et se gare derrière le bâtiment, dans une petite ruelle puis se tourne vers elle pour tenter d'atténuer la pression.
- Écoutes, on a pas le choix Alice. On doit quitter le pays pour être libre.

Elle reste muette, trop de choses se bousculent dans sa tête. Elle laisse tout derrière elle : sa vie, son travail, ses collègues ... et Marquand ...

- Tout est prévu, ne t'inquiètes pas : j'ai les billets, j'ai fait faire des passeports et j'ai trouvé une planque là-bas. 
Elle tente d'imaginer sa nouvelle vie sur cet autre continent, loin d'ici, de tout et de tous, obligé de reconstruire, ne plus avoir de contact avec ses proches, ne plus faire ce travail qui la passionne, expliquer ce changement à son fils, l'adaptation au pays, son langage ... et ses images ne lui plaisent pas. Il saisit son visage pour lui faire face, il remarque ses yeux embués.
- Je ne peux pas ... je ne peux pas te suivre, Mathieu.
Il relâche son étreinte, déçu mais pas vraiment surpris. Il la connaît, depuis si longtemps qu'il sent bien qu'il y a plus qu'une hésitation, plutôt une certaine réticence. Il se doute bien qu'elle se refuse de le suivre, que quelque chose l'en empêche, qu'elle n'ose juste pas le dire ni le faire ...

- C'est à cause de lui c'est ça !?
Elle ne peut masquer sa gêne.
- Oui, c'est ça. Je ne veux pas embarquer Paul dans ces histoires, ment-elle. Il est trop jeune, il ne va pas comprendre.
Il rit nerveusement.
- Arrêtes, Alice. Tu sais très bien que ce n'est pas de notre fils dont je te parle ... mais de Marquand, rectifie t'il.

La gêne laisse place à la honte, telle une enfant prise sur le fait d'une bêtise. Il ressent son malaise.

- Je le sais depuis le début. Ça se voit, Alice, ce lien qui vous unit et que je n'arrive pas à définir, pas même vous d'ailleurs. Mais c'est plus qu'une relation de simples collègues ou amis, tu ne peux pas le nier. Cette façon qu'il a de te regarder, de te protéger envers et contre tout, de s'opposer à moi, le propre père de ton fis, de prendre cette place qui est normalement la mienne. Et toi tu ne le freine pas. Donc que je le veuille ou non, il fait parti de ta vie. Plus que je ne pensais ou ne le voudrais mais je ne peux rivaliser. Tu ne peux nier l'évidence, Alice ...

Les larmes coulent maintenant sur les joues de la juge, démasquée. Il est aussi dur pour elle d'entendre ces mots de la bouche de son amour de jeunesse que de comprendre ce qu'elle refusait de s'avouer mais qui est indéniable : ce lien entre elle et son commandant.

- Tu n'as pas à t'en vouloir, Alice. Tu ne peux pas lutter contre l'inéluctable. C'est plus fort que vous. Je suis moi aussi fautif car je l'ai vu dès le début, que votre relation était ambiguë.
Elle fronce ses yeux comme à chaque fois qu'elle est dubitative.
- Quand on s'est retrouvé à la mort d'Avenberg, poursuit-il, sa jalousie, ta gêne, tout ça c'était déjà un signe. Il a été présent pour toi lors de ta grossesse, quand j'étais en prison, il est celui qui t'a tenu la main pour l'accouchement et qui t'a aidé pendant les premiers mois de Paul.
Elle replonge dans ces doux souvenirs et ne peut réfuter la précieuse présence de Marquand, ce soutien indéfectible qui va au-delà d'une relation professionnelle, au-delà même de l'amitié, c'est vrai ...
- Il a tenu un rôle important dans ta vie et celle de notre fils mais j'ai été libéré au moment où vous vous rapprochiez vraiment, n'est-ce pas, Alice ? J'ai empêché votre histoire de commencer mais c'était juste une question de temps ...

Elle sait pertinemment ce à quoi il fait allusion : ce baiser échangé en bas de son immeuble entre elle et son commandant, instant magique que Mathieu a hélas surpris. Elle en ressent le même état, comme prise au piège, dans une voie sans issue, face à un dilemme : choisir entre la vie de famille que lui propose son premier amour, celle dont ils ont tant rêvé qu'ils en poursuivent sûrement leurs espoirs d'adolescents ou favoriser ce partenariat professionnel qui, l'admet t'elle, est bien plus que cela, bien plus qu'une amitié platonique, plutôt une passion refoulée qui ne demande qu'à être vécue.
Elle a tenu tête à la demande de Mathieu de ne plus collaborer avec Marquand mais elle va devoir aujourd'hui faire un choix, du moins assumer ce qu'elle veut et sait déjà mais elle n'y arrive pas ...

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⏰ Dernière mise à jour : Jan 19, 2020 ⏰

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