Le dîner

Chapitre 1

Une fois. Deux fois. Trois ... loupé. Pourquoi est-ce que ce stylo tombe toujours au bout de la troisième fois ? Ce n'est pas grave, je recommence. Une fois. Deux fois. Trois...

-Chéri ?

Loupé.

-Oui ?

Si l'on me dérange tout le temps, je ne vais jamais y arriver.

-Oui mon amour, que t'arrive t-il ?

-Je voulais juste m'assurer que tu allais bien.

Qu'elle est gentille. Oui, je vais bien ma chérie.

-Oui, je vais bien ma chérie. Merci de t'en inquiéter. Tu as besoin de quelque chose ?

-Non. Non, non c'est bon merci, je t'appelle en cas de besoin.

Tu n'as qu'à faire ça. En attendant... Une fois. Deux fois. Trois... encore loupé ! C'est une malédiction ou je rêve ? Bon, j'abandonne pour aujourd'hui. Où vais-je bien pouvoir poser ce stylo ? Petit regard à droite, petit regard à gauche, sur mon bureau. Mon bureau est parfait pour accueillir ce genre d'objet. Il en abrite plein dans les tiroirs, sur les dossiers, sur le plateau. Mais le stylo ne serait pas mis en valeur. Non, un si beau stylo, il doit être mis en valeur. Petit regard à droite, petit regard à gauche, sur ce meuble. Ce meuble est parfait pour accueillir cet objet. Petit, étroit, parfait. Au chevet de cette lampe jaunâtre, ce petit stylo vert sera parfait. Je le dépose. Attention, il faut faire attention, il est fragile. Je le dépose délicatement. Voilà. Voilà comme ça. C'est parfait. Je le regarde un instant au chevet de cette lampe jaunâtre et je vais m'asseoir. Un instant. Je vais m'asseoir. Sur le canapé ? Ou sur le fauteuil ? Ou sur cette chaise ? Cette chaise semble triste, seule, elle a besoin d'être accompagnée. Je vais m'asseoir sur cette chaise, pour qu'elle se sente moins seule. Je la caresse. Petit regard à droite, petit regard à gauche, je la caresse. Je regarde le petit meuble étroit, la petite lampe jaunâtre, et le petit stylo fragile. Le petit stylo fragile. Fragile ? Une fois. Deux fois. Trois ... tombé par terre. Ce petit stylo fragile est tombé par terre ! Un chiffon. Il me faut un chiffon.

-Chérie ? Où puis-je trouver un chiffon, propre ?

-Ici.

Propre j'ai dis.

-Bien propre, n'est-ce pas ?

-Oui oui, bien propre.

Non, il n'est pas propre.

-D'accord.

Je vais le chercher ce chiffon, ici, oui bien propre, mais non il n'est pas propre. Elle me tend un chiffon. Je lui souris. Non, pas au chiffon. A ma femme. Je souris à ma femme. Voilà. Qu'elle est belle. Je ramène le chiffon au petit stylo fragile. Je le prends délicatement. Très délicatement. Je l'essuie doucement. Très doucement. Voilà. Je le repose, minutieusement. Ce petit stylo fragile est maintenant partiellement propre. Comme ce chiffon. Je le ramène dans la cuisine. Je lui souris. Non, pas au chiffon. A ma femme. Je souris à ma femme. Voilà. Qu'elle est gracieuse. Je retourne dans le salon. Je me rassois sur cette chaise. Cette chaise qui semble triste et seule. Je lui tiens compagnie. Ou alors c'est elle, qui me tient compagnie. Qu'importe. Nous sommes là, tous les deux, nous nous tenons compagnie. Petit regard à droite, petit regard à gauche, il est vingt heures. Et la table. Il faut mettre la table.

-Tu veux que je mette la table, chérie ?

-Si tu veux.

Si je veux. Est-ce que je le veux ? Je veux manger. Parce que je suis affamé. Alors oui je le veux.