| Ragal dou diegui Rail |
À un pas de l'écroulement. À un pas de la finalité. À un pas de la mort....Le train arrivait, et à vive allure.
Il souleva la petite patte qui lui servait de jambe droite, et le déposa sur l'une des barres métalliques noires au-dessus de laquelle le gros véhicule allait passer.
Il était ignorant. Il était naïf. Il était...
| Premier égarement |
Il était midi passé, le jeune poussin marchait pour retrouver sa demeure, seul, comme un grand. Le sac à dos derrière les épaules, il suivait le chemin des rails car mère Sora prenait toujours cet itinéraire. Il l'avait bien mémorisé.Mais hélas, il faisait plus chaud que d'habitude et la route lui paraissait plus longue, beaucoup plus longue. Il ne savait pas depuis combien de temps il marchait. Tout ce qui lui importait, c'était de savoir qu'au bout, il y aurait sa maison, avec maman et papa qui l'attendraient devant la porte. Lui qui n'appréciait pourtant pas les siestes, pensait déjà à dormir comme un loire une fois à la maison tant il transpirait d'épuisement.
Il réussit à apercevoir la fin du chemin. Il courut alors de toutes ses forces mais plus il se rapprochait, moins il reconnaissait les alentours.
Ce n'était pas chez lui...
Devant, il y avait une route, ainsi que des voitures qui la parcouraient. Il y avait aussi un station Total à l'autre bout de la rue, avec plein de gens qui passaient et le regardaient lui, l'enfant sur les chemins des fers.
| Deuxième égarement |
Il avait suivi la route descendante de Fass Mbao. La maîtresse lui avait uniquement ordonné de rentrer à l'arrière de la voiture pour quitter la cérémonie des maternelles.
Mais il y avait bien trop de monde. Confus et désorienté, il avait continué de marcher, même conscient d'être tout seul sur la route.
Il voyait des maisons étranges, qui ressemblaient à de grands châteaux forts, des routes qui suivaient un drôle de trajectoire ainsi que le ciel grisâtre qui annonçait vainement une pluie factice.
Il arriva ensuite devant une grande étendue herbeuse où la haute verdure rappelait les forêts denses de Casamance. Elle terminait le chemin.
Idrissa mit alors un pas en avant pour y pénétrer, désireux de ne plus faire marche arrière et que au-delà de ces brindilles, il y aurait la maitresse, et ses camarades.
Mais il fut retenu au dernier moment par une main de femme. Il ne se souvenait plus tellement de son visage. Mais elle était gentille, très gentille.
Elle l'éloigna de là avant de plaquer le minus contre un mur en lui tenant les épaules.
—
No toudou? *demande son prénom*
Idrissa ne répondit pas.
Elle réitèra la question mais sans succès. Il ne voulait pas répondre.
— Ana sa yaye? Ana sa papa? Da nga rer khana.... { Où sont parents? Est-ce que tu t'es perdu? }Elle lui tâta les joues et constata qu'il retenait sa tristesse, qu'il se retenait de pleurer.
— Am nga chance bou bax sakh... Guiss nga dekh bi... Ay affair you bone rek nio fa nek... So ko traverser wone, do nieuwat... { Tu as beaucoup beaucoup de chance. Tu vois l'étendue là-bas. Si tu l'avais traversé, tu ne serais plus parmi nous. }, rajouta-t-elle en lui caressant la joue droite.
— Yaye... Yaye... Yaye...
Il avait cédé. Il pleurait à grosses gouttes. Il ne se retenait plus.
— Toppouma... Dinala yobb ci sa yaye ak sa papa... { Viens avec moi... Je t'amènerais vers ton père et ta mère.. }
Le pleurnichard acquiesça et laissa sa bienfaitrice l'amener jusqu'à sa maison d'où, le lendemain, il aperçut sa tête sur RTS1. Sa famille avait lancé un avis de recherche.
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Le train approchait, avec l'intention ferme de le déchiqueter, de le briser, d'en faire un tas de chair difforme, le tout dans une souffrance abominable.
Mais alors que la mort lui tendait les bras, une main vint le tirer de justesse des crissements mécaniques de l'engin.
Il l'avait échappé belle.
Encore une fois, une femme l'avait sauvé.
À Fass Mbao*, une femme l'avait sauvé aussi.
En lui donnant la vie, Mère Sora l'avait sauvé...
En acceptant sa vie, Mère Halima l'avait sauvé...
En lui faisant connaître l'amour, Fatoumata l'avait autant sauvé que toutes les autres auparavant.
Il se sentait revivre, et repensait à ces moments d'un air gai et en murmurant à ses pensées :
J'aurai pu louper tellement de choses mais heureusement que je suis toujours là...
Heureusement que je suis toujours moi...
| Lexique |
Fass Mbao : Zone à Dakar