1.

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Le sommeil m'avait dépaysée.

Les aboiements de chiens me parvenaient de temps à autre brisant le silence de cette nuit calme.  A cela s'ajoute les ronflements et sifflements tels ceux d'un vieux moteur émanant de la bouche de l'homme couché à côté de moi. Mon mari. Il s'était assoupi, en étoile de mer, prenant toute la place de ce lit étroit m'obligeant à me recroqueviller dans mon coin pour ne pas finir par terre.
Je venais tout juste d'accomplir mon devoir conjugal comme une automate.
Et comme à chaque fois que des nuits comme celles ci se présentent, je me lève doucement, me traîne sur la pointe des pieds jusqu'à ma valise posée sur une petite table dans un coin de la pièce. J'y sortais mon havre de paix et de recueillements puis m'asseyais à même le sol.

"Cher ami, mon journal intime.

Encore une nuit où j'ai subi les assauts de mon mari tout en réprimant mes vomissements. Que le bon Dieu me pardonne. Mais vois tu, on ne peut feindre aimer une personne. Les sentiments ne se commandent pas. Ils relèvent de l' spontanéité, du naturel. Et cela, tu le sais déjà.
Aujourd'hui, il m'a demandée de le relayer à la boutique le temps d'acheter des marchandises en ville. Tu es sans savoir que nous occupons la chambre se trouvant au fond de la boutique, ma chambre conjugale. Et donc, je faisais mes activités tout en vendant.

-Diallo boutique Kay diayema Marlboro. Diallo boutiquier viens me vendre une cigarette Marlboro. Crit une voix.

C'était mon deuxième client après une dame. Je me dépêchais d'entrer dans la pièce, saisir le mégot que j'enroule avec un papier journal et court le lui apporter. À vrai dire, je prenais trop à coeur mon rôle. Je ne voulais juste pas attirer les foudres de mon cher mari sur moi.
Malheureusement, croyant qu'il avait tendu la main, je faisais tomber la cigarette par terre.

-Oh Balma. Je m'excuse rapidement.

-Toi c'est comme ça que tu vends ?  Je le dirais à ton père. Meuno dra. Tu ne peux rien.

Je relevais la tête en saisissant le sens de sa phrase, il croit que Kaw(1) est mon père. Mes yeux se remplissent de larmes aussitôt.

-Wa mais ?  Tu pleures ?  Moi je te taquine juste. Essaye t-il de se racheter tout en posant sa main sur  mes doigts se trouvant à l'entrée de la case où les échanges se font.    Me rendant compte qu'il s'agissait d'un inconnu qui me touchait, je retirais doucement ma main.  Une cliente entra aussitôt et interrompu l'échange.

Cher ami, toi, tu peux comprendre ma réaction puérile et excessive. Tu as été là à chaque fois que je recevais les coups de fouets, tu as été un consolateur plus d'une fois. La moindre bêtise, erreur de ma part est suffisante pour que Kaw me frappe sans pitié. Mon corps est rempli d' hématomes. Je ne fais pas la taille, Il a trente cinq années de vie et moi juste seize ans.  Je me suis habituée à cette vie avec lui.  J'ai troqué toute jeunesse et joie de vivre en moi pour épouser la vie qu'il m'impose. Désormais c'était à ses ordres que je me plie, je m'habille comme il le souhaite : un pagne et un grand voile m'arrivant soit aux genoux soit aux pieds. M'avait t-il prévenu dès le soir de mon arrivée. 

-Rayhanatou qu'est ce que tu fais debout à cette heure ?  S'indigne une voix en peulh derrière moi.

J'émis un léger sursaut. Cette voix je la connaissais plus que bien. J'étais tellement absorbée par mes écrits que je ne l'ai pas entendu bouger.

-Je...j'étais partie aux toilettes. Mentis je.

-Qu'est ce que tu as entre les mains ?  Je ne t'avais pas demandé de laisser cette langue de diable, de mécréants ?

Il bondit sur ses deux jambes et m'administre une grosse gifle.

Il allait me battre encore.

Rapidement, je me roule en boule attendant.

Les Soubresauts d'une Mémoire...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant