Folies invisibles

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Nicholas opéra un quart de tour de la main droite sur la clé, et le moteur s'éteignit en laissant allumés les feux de route dans la pénombre imposée par l'heure tardive.

Intrigué par l'endroit totalement entouré de forêt où nous nous étions arrêtés, je plantai mes yeux dans le rétroviseur central du pick-up.

"- Nick? Pourquoi tu t'arrêtes? Demandai-je.

- Terminus frérot. On est arrivé."

À ces mots, j'ouvris la portière de la machine grisâtre à l'effigie du décor et posai un pied au sol.
Sous mon poids, les feuilles boueuses crissaient comme des papiers qu'on broyait.
Je considérai la maison en question où nous allions devoir passer la prochaine semaine et en réalité, on pouvait appeler ça un manoir.

"- Aide moi à sortir chéri... Brailla ma mère, alors qu'elle était en train de tenter de descendre la trentaine de centimètres qui la séparait du sol sans se casser la jambe.

- Oh. Excuse moi."

Mon frère balaya les environs de ses yeux d'azur, nous étions en pleine nuit noire. Les arbres stoïques nous narguant de leur hauteur comportaient des feuillages qui dansaient sous les mouvements du vent.
À part cette mélodie de la nature, aucun son n'était audible.
Alors, levant les yeux vers la lune entière, il déclara:

"- Le GPS a dû me lâcher.

- J'crois pas. Répondis-je. Jette un oeil à ça. (Je pointai du doigt la boîte aux lettres poussiéreuse qui tentait de survivre au temps qui semblait l'emporter.) C'est la bonne adresse. 32 chemin de l'abri."

Je repris alors mon analyse de la place, éclairé par les phares lumineux.
Ce... "manoir" laissait croire qu'il était inhabité depuis un long temps:
Les volets en bois fermés étaient attaqués par la moisissure, une toile d'araignée pendait sur le palier blanc donnant l'accès à l'entrée. Entrée qui était elle même recouverte d'un voile de poussière, équivalent à celui présent sur la façade de la maison.
Je crispai mes doigts autour de la vieille main de maman. Cela lui arracha un couinement de douleur.

"- Tu... (Je déglutis malgré moi.) Tu as bien dis que l'endroit était bien situé? Me renseignai-je, perplexe.

- Bien sûr, y'a un tas d'activités pour dix misérables kilomètres." Riposta Nick avec enthousiasme.

Nicholas s'approcha de moi et ma mère afin de récupérer nos affaires encore dans le pick-up en nous faisant signe d'entrer.
C'est d'un pas hésitant que je franchis les mètres qui me séparait de la maison ma mère accrochée à mon avant bras. Par réflexe, je toquai à la porte.
Stupide. Pensai-je.
Je brandis les clés de la location, enfonçai l'une d'elles dans la serrure rouillée, et je dus forcer pour parvenir à déverrouiller le mastodonte de bois qui s'ouvrit instantanément dans un grincement prolongé et morbide.

"- Nicholas! Mon fils! Tu veux enterrer ta vieille mère?!" Rétorqua-t-elle, la voix chevrotante.

Mon cher frère choisit de l'ignorer, pendant que j'entamai la visite de l'hôtel Transylvanie Vol.2.
Entièrement composé de planches, le sol craqua à mon passage en répercutant le son jusqu'au fond de la grande demeure.
Outre le détail de ces bruits parasites, l'intérieur donnait tout de même mieux que l'extérieur tout en gardant cet esprit vieillot représenté par des cadres à portrait du moyen âge que la lune éclairait via la porte et une multitude de meubles toujours fabriqués en bois. J'eu une sensation. Comme une intuition, que l'interrupteur situé à droite de l'entrée, même enclenché, n'allait provoquer aucune illumination.
Hypothèse vérifiée par ma mère tentant en vain d'actionner l'objet.

Murmures ObscursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant