Voyage au centre de ton cœur (BxB) - Tome 2 (PAUSE)

16. Sauve-moi

Je me demande quand le monde a cessé de tourner. Quand est-ce que je me suis rendu compte que plus rien ne comptait ? Quand est-ce que j'ai cessé d'entendre les pleure, les jérémiades et les cris ? Je n'entends plus rien. Plus un son. Plus un battement de coeur. Rien. C'est juste le silence. Un silence absolu, oppressant. J'ai l'impression que plus rien ne fonctionne droit. Mes chaussures ont-elles toujours été pleines de boues ? Et mes mains pleines de sang ? À qui est ce sang ? Ce n'est pas le mien. Je n'ai pas mal. Je ne souffre pas. Nulle part. C'est bizarre. Je ne comprends pas. Où est-ce que je suis ? Qu'est-ce que je fais là ? Je ne reconnais plus rien.

- Gabriel.

Qui est Gabriel ?

- Gabriel regarde moi !

Qui est-elle ?

Je sens ses mains violenter mon visage, s'en saisir et m'obliger à lever les yeux vers elle. Mais je ne reconnais pas cette personne. J'ai l'impression d'avoir la vision troublée. Embuée. Mes yeux sont inondés et je n'arrive plus à contrôler ce qui s'en écoule. Je ne sais pas...

- Gaby, c'est maman, est-ce que tu m'écoutes ?

Maman ? C'est moi Gabriel, c'est ça ?

- Gabriel, mon chéri, je ne sais pas si tu m'entends, mais j'aimerais vraiment, vraiment que tu nous reviennes. Je sais que c'est dur, mais tu n'es pas seul. Tu n'es pas obligé d'affronter ça tout seul. Laisse-nous t'aider. Laisse-moi...t'aider.

- Francine, ça fait des jours qu'il est comme ça. On dirait une coquille vide.

- Il s'est enfermé lui-même pour ne pas avoir à affronter les chocs. Les médecins l'ont trouvé comme ça au beau milieu de la rue. Incapable de regarder quelqu'un, de répondre. Le choc de l'accident...Mon pauvre Gaby...J'aimerais tellement pouvoir l'aider.

- Je n'aurai pas dû laisser Basile...

Basile...Qui est Basile ?

- Ah non Cléo, ne te sens pas responsable ! Viens, je vais nous préparer un petit truc à manger.

- Et Gabriel ? C'est à peine s'il mange...On dirait...On dirait qu'il se laisse mourir.

Basile...accident....

Basile...accident....

Non. Non. Non. Non. Non ! Je ne veux pas y penser ! Je ne veux pas, je ne veux pas, je ne veux pas !

Un cri roque plein de douleur m'échappe, secouant ma tête dans tous les sens comme si les images allaient s'effacer. Je ne veux pas me souvenir. Je ne veux pas me rappeler. Laissez-moi tranquille ! Allez-vous-en ! Je ne veux pas ! Laissez-moi !

- Gabriel ! Gabriel arrête de t'agiter comme ça ! Stop ! Tu vas te faire mal ! Francine !

Je ne veux pas ressentir ça à nouveau. Je ne veux pas avoir cette impression de poignard dans le cœur. Ce battement qui se rate et qui s'écrase. Je ne veux pas avoir mal. Je ne veux plus avoir ce mal-là en moi. Va-t-en ! Laisse-moi tranquille ! Je n'ai pas demandé tout ça. Je n'ai jamais demandé de ressentir tout ça. Pourquoi est-ce que je n'y arrive pas ? Pourquoi est-ce que je ne m'en sors pas ? Je veux sortir de là. De ce trou noir. Je veux qu'on vienne me chercher. Il fait noir là où je suis. Il fait froid aussi.

Je veux...Je veux...

- Basile !

- Gabriel calme-toi ! Arrête !

- Basile est mort !!! C'est de ma faute, de ma faute ! C'est de ma faute !! Basile est mort !

Pourquoi lui ? Pourquoi me le prendre lui ? Cela ne pouvait pas être quelqu'un d'autre ? N'ai-je pas assez souffert ? Je me sens oppressé. Suffocant. Étouffant. Ma poitrine s'est comprimée et parfois j'en oublie de respirer. Je ne sais plus comment faire. Je ne sais plus comment vivre.

Comment suis-je censé faire ? Hé dis-moi...Je veux savoir ce que je suis supposé faire sans toi ?

- Gaby, mon chéri, entend ma voix. Je sais que quelque part, au fond de toi, il y a ce petit garçon que je connais bien et que j'aime du plus profond de mon cœur. Il y a mon fils qui se cache et qui se terre pour ne pas à avoir à affronter la réalité. J'aimerais le revoir...Vraiment. J'aimerais lui parler. J'aimerais lui dire que je suis là. Gabriel, tu sais pourquoi je t'ai nommé ainsi ? Tu as le nom d'un ange, d'un être qui protège, mais j'aimerais aussi te protéger contre ça. Contre ce qui t'attend. Tu n'es pas seul, reviens-moi. Reviens-nous.

Non. Je ne veux pas. Si je reviens alors je le remarquerais, n'est-ce pas ? Je remarquerais qu'il n'est pas là. J'entendrais encore et encore sa voix appelant mon nom dans les couloirs. Je repenserais à cette conversation ce jour-là. Je repenserais aussi à cette voiture...À cette pluie...

Je ne veux pas. J'en ai marre de ressentir ça. Marre d'avoir à flirter avec la mort. Ce n'était pas dont pas suffisant ce qu'il s'est passé ? Pourquoi faut-il tout me prendre ? Pourquoi moi ? Qu'ai-je fait de mal ? Est-ce un crime d'aimer ? C'est ça ? C'est pour ça qu'on me punit, n'est-ce pas ? C'est pour ça qu'on me dévalise et qu'on me prend absolument tout ce qui est cher à mon coeur. Je me sens violer de l'intérieur. Complètement nu. Je n'ai rien. Plus rien. Si ce n'est ce vide et ce mal qui jongle perpétuellement en moi. J'en ai vraiment marre d'éprouver ce genre de chose. Je veux que l'on m'arrache le cœur. Je veux arrêter...Je veux...

Je veux qu'on m'aide. Je veux qu'on me dise que ça ira même si je sais que ce n'est pas le cas. Je veux qu'on me donne la foi et le courage de croire, de croire que c'est possible. Un monde sans lui...

- Maman, aide-moi. Sors-moi de là. Je t'en supplie. Aide-moi. Je ne veux pas de ça. J'ai mal, si mal. Maman par pitié fait quelque chose.

Sauve-moi.