- Spouky ! Spouky ! Reviens ! Allez !
Je m'époumone depuis approximativement 12 minutes pour retrouver ce stupide animal. Spouky, comme à son habitude, a décidé de n'en faire qu'à sa tête. Il faut toujours que ce genre de trucs me tombe dessus. Quand Jade s'en occupe, tout se passe toujours bien.
« Spouky est adorable ! Il écoute Maya, juste pas quand c'est toi qui parles ». Adorable... Quelle blague ! Ce chien est aussi ridicule que son nom ! Sérieusement qui appelle une pauvre bête avec un air abruti par un nom comme « Spouky » ? Visiblement ma sœur Jade.
- Spouky ! Maintenant tu viens !
La pluie s'écrase sur mon anorak, mon foulard fouette mon visage, mes bottes s'enfoncent dans la boue et je n'ai plus une once de patiente.
- Arghghghghgh !!!!!!
De toute façon, il n'y a personne pour m'entendre m'époumoner. Personne n'est assez stupide pour se promener dans les champs en pleine tempête ! Ah bah si en fait... Moi.
Quelle vie merdique !
Je ne peux pas rentrer à la maison et annoncer à Jade que j'ai perdu son abominable cabot dans une tempête en plein milieu des champs. Une solution, j'ai besoin d'une solution et vite. Je m'assieds par terre, de toute façon, au point où j'en suis, un peu plus de boue ne me tuera pas. J'attends et me perds dans mes pensées, elles me mènent inexorablement à Felix. J'ai juste envie de pleurer. Je suis sur le point de me remettre à hurler quand j'entends une voix, une vraie. Je me relève et cherche d'où vient cette voix. Je ne vois personne mais j'entends quelqu'un, j'en suis sûre ! À moins que je sois en train de devenir folle, ce qui est possible aussi.
Soudain, j'entends un aboiement. Ça ne peut être que Spouky ! Je tente de me rapprocher de la provenance du son. Mes bottes s'enfoncent dans la boue et mon avancée dans le champ de maïs risque d'être plus que laborieuse. Je rentre dans la plantation et continue de crier le nom de mon chien. Évidemment, il a décidé de se taire et ne m'aide plus pour le localiser. Je me rends compte de ce que je viens de faire est un peu stupide (pour changer tiens). Je dois me mettre sur la pointe des pieds pour avoir le cou hors du champs. Je ne peux m'empêcher de rire nerveusement, si le propriétaire de la voix que j'ai entendue se pointe et me voit, j'aurai l'air bien maligne, la tête qui sort des maïs en pleine tempête.
Je fais le tour de moi-même espérant repérer un mouvement m'indiquant la position de Spouky.
- Bonjour mademoiselle !
Et là, je hurle. Un homme se tient devant moi. Spouky dans les bras.
- Spouky !
Je m'avance pour lui prendre mon chien des bras mais je m'arrête précipitamment dans mon mouvement. Ses bras sont nus, et il n'y a pas que ça qui est nu, tout son corps l'est en fait. Je me recule et regarde dans une autre direction.
- Euh... Excusez-moi, je ne voulais pas, enfin... vous êtes...
Je bredouille et ne termine même pas ma phrase.
- Je suis Louis Mercier mademoiselle, enchanté.
Et il se penche pour me saluer. Bon sang ! Mes yeux doivent être ronds comme des soucoupes !
- Oui, enfin, vous êtes surtout nu pour l'instant...
- Oui, en effet jeune demoiselle, je suis nu. dit-il pas décontenancé pour un sou
À l'instant précis, j'hésite entre partir en courant à toutes jambes et tant pis pour Spouky ou me mettre à rire comme une hystérique. Qui dans sa minable existence rencontre un cinglé à poil en pleine tempête ?! Eh bien moi, visiblement. Je décide finalement de la jouer prudente.
- Euh, vous avez besoin d'aide ? Je veux dire, je dois appeler quelqu'un ou, je ne sais pas, une ambulance ?
Je ne peux m'empêcher de l'observer, heureusement ses parties les plus intimes sont cachées sous des épis de blé. Son visage dégage une assurance certaine, sans pour autant être de la vanité. Ses légères boucles brunes tombent sur front assez pathétiquement mais au fond, qui suis-je pour juger ? Mes cheveux à moi ne doivent pas être beaucoup mieux...
Louis Mercier est toujours en train de grattouiller Spouky quand je termine ma question. Il me regarde droit dans les yeux et une lueur d'espièglerie s'allume dans son regard. Je me dis que c'est peut-être la police que je devrais appeler finalement.
- Excusez-moi mademoiselle, mais en quelle année sommes-nous ?
- 2019...
Il parait alors un peu déçu. Il observe les alentours, hausse les épaules nonchalamment et finit par marmonner quelque chose.
- Tout va bien ?
- Oui mademoiselle, j'espérais juste que vous ayez inventé quelque chose d'impressionnant mais ce n'est pas grave, ça arrivera bien un jour non ? dit-il en ponctuant sa phrase d'un grand sourire.
Je n'ai même pas le temps de répliquer qu'il s'avance alors vers moi, me dépose Spouky dans les bras et tente de sortir du champ. Juste avant de redescendre sur le chemin de terre, il semble se souvenir du fait que toute son anatomie est à l'air libre et finit par se retourner vers moi.
- Dites-moi, n'auriez-vous pas quelque chose pour vous éviter la vue de ma virilité ?
Je mets un peu de temps avant de capter complètement sa question et un peu plus avant de réagir. Je n'ai rien sur moi à lui passer. À moins que... J'enlève délicatement mon foulard, celui que Félix m'avait offert pour mon anniversaire. Mais ça n'a plus d'importance de toute façon ! J'aurais dû le donner depuis longtemps, mais à la place je m'entêtais à le mettre chaque matin avec une nostalgie douce-amère. C'est l'occasion de m'en débarrasser. Je lui tends avec un dernier pincement au cœur et il l'entoure à sa taille. Je souris bêtement. Il est prêt pour un défilé à la plage !
Il descend alors sur le chemin et se tourne vers moi. J'avance d'un pas mal assuré. Je ne sais pas exactement ce que je fais, on dirait bien que je suis en train de m'avancer vers un gentleman siphonné en paréo. Au point où j'en suis...
Je m'apprête à descendre du talus quand le type me tend la main
- Mademoiselle, laissez-moi vous aider.
- Ça va aller, je vais m'en sortir !
Je luis retourne un sourire poli mais gêné et serre Spouky dans mes bras. Une fois en face de lui, je me rends compte que je n'ai aucune idée de comment je vais me sortir de ce pétrin.
- Dites-moi, mademoiselle, quel est votre doux prénom ?
- Maya
- Oh ! dit-il en dévoilant ses dents blanches dans un sourire de lutin. Comme la civilisation ?
- Euh oui, enfin, non, plutôt comme le prénom, mais c'est pas grave...
Drôle de type, vraiment...
- Ecoutez, je suis désolée mais je dois vraiment rentrer, on m'attend...
- Ne vous inquiétez pas, mademoiselle Maya, je comprends, votre mari doit vous attendre impatiemment, vous et votre adorable compagnon canin.
Je m'étrangle en l'entendant... Mon mari ?! Quelle blague, je n'ai que 19 ans !
- Je ne suis pas mariée mais vous avez raison, mes parents nous attendent avec Spouky...
- Ah, vous êtes donc fiancée. Quelle joie ! Je vous souhaite beaucoup de bonheur pour ces épousailles.
Je n'ai pas trop le cœur à le contredire et me contente donc d'étirer un mince sourire sur mon visage.
- Le chemin le plus court vers le centre du village est par là. Vous y trouverez la maison communale, quelqu'un pourra sans doute vous aidez là-bas.
- Merci bien mademoiselle Maya. A la revoyure comme on dit ! dit-il en s'avançant vers le village, les pieds nus dans la boue et le pagne autour de la taille.
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Entre-temps
General FictionLa vie de Maya est un long fleuve tranquille, ponctué ça et là de quelques ennuis et déceptions. Rien ne change, rien ne bouge, jusqu'à cette tempête, jusqu'à ce qu'elle rencontre Louis Mercier, un gentlemen un peu siphonné.