20. Etre là l'un pour l'autre

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Après avoir chassé mes proches de la chambre et m'avoir fait passer une batterie d'examens pour voir si tous mes neurones étaient bien connectés entre eux, les médecins sont sortis de la pièce, laissant ma mère et Cléa revenir tandis que je cherche Basile du regard derrière leur silhouette.

- Cléo et Basile discutent un peu plus loin. Ils ont besoin...Non, il a besoin de temps. Tu sais mon grand, ça a été très très difficile pour lui ces derniers mois. Toi. Ta grand-mère.

Grand-mère. C'est vrai. Elle non plus elle n'est plus là. Que ce soit dans ce rêve interminable ou bien là. Elle est partie. Elle est partie et je n'ai jamais pu lui dire au revoir. Jamais. Comme je n'ai jamais quitté le village en réalité.

- Je veux parler à Basile.

- Gabriel...

- Maman, je t'aime bien. Je t'aime beaucoup, mais je veux parler à Basile. J'ai été dans le coma pendant presque une putain d'année alors on a le droit de m'autoriser ça, non ?

Sinon, pourquoi serais-je revenu si c'est pour qu'il me fuie ?

J'ai tant de souvenirs avec Basile, mais je réalise petit à petit que ce n'est pas les "bons", que ce n'était que mon imagination. Basile et moi, notre relation s'est arrêté il y a presque un an de cela quand je suis parti cette nuit-là avec Cléo. Le Basile que je connais n'est pas celui que j'ai fréquenté. Tout se mélange encore dans ma tête et j'ignore lequel des deux j'aime vraiment : celui que j'ai laissé ou celui qui m'a laissé durant un jour de pluie ? Je n'en sais rien. J'ai besoin de le voir pour le savoir. De voir son visage. D'entendre sa voix. Son sourire, son toucher, tout me manque. Est-ce qu'il le sait ?

- Cléa, tu vas le chercher s'il te plaît ?

- D'accord, je reviens.

- Merci.

Cette dernière quitte la pièce pour revenir dix minutes plus tard avec Basile au bras tandis qu'il s'installe près du lit. Nous laissant notre intimité, tout le monde s'en va alors que Basile ne cesse de baisser la tête. S'il n'était pas aveugle, je dirais qu'il fuit mon regard. D'ailleurs, je ne sais même pas s'il se rend compte de la posture qu'il a présentement.

Sans rien dire, j'attrape sa main dans la mienne et ses doigts viennent naturellement s'entremêler aux miens. Il ne dit rien non plus. Basile est comme ça. Quand il n'arrive pas à mettre des mots sur ce qu'il ressent, il se renferme. Mon dieu...Pendant combien de temps a-t-il eu ce visage si marqué par la douleur ? Le chagrin...

- Ce que je vais te dire va te paraître dément, mais de là où je viens, tu n'es plus là Basile. De là où je viens, je t'ai vu mourir sous mes yeux. Je suis resté à tes côtés sans rien pouvoir faire, à hurler et dire ton nom. À t'appeler encore et toujours même dans mes nuits les plus froides, mais tu ne m'a jamais répondu. Tu ne me répondais plus. C'est fou comme j'ai eu l'impression que mon monde s'était effondré tout à coup.

Je t'aime Basile. Je t'aime pour ce que tu es, pour l'homme que tu es. Pour tout ce qu'il y a dans ton coeur. Et si par moment, je n'avais pas entendu ta voix, si je n'avais pas eu l'impression de sentir ta main dans la mienne alors...Je ne serais probablement pas revenu.

- Dis-moi Gabriel, as-tu pensé à mon monde ? Depuis cette nuit-là...Depuis que tu es là, je me suis mis à prier. Je ne crois pas en dieu, je ne crois en rien à vrai dire, car j'ai toujours eu l'impression que Dieu m'a laissé tombé depuis un moment. Et puis je t'ai rencontré et là...ça a changé. La vie. L'amour. L'affection. J'ai eu tout ça de nouveau. Sans toi, sans ta voix à entendre, sans ton rire sifflant, je me suis senti comme perdu. Si tu savais toute la haine que j'ai éprouvée. Je m'en suis voulu de ne pas t'avoir retenu. Je m'en suis voulu de n'avoir rien fait de plus. Tout ce que je pouvais faire c'était m'asseoir tous les jours, prier, te parler, te demander de revenir. De me revenir. J'ai besoin de toi Gabriel. J'ai vraiment, vraiment besoin de toi. Je t'ai toujours dit que j'étais très bien tout seul, mais c'est faux. Je me noie. J'ai besoin de quelqu'un pour me tenir la main. Pour me dire que ça va aller et que la vie n'est pas si horrible que ça. J'ai besoin que tu me le dises. Que tu me rassures. Alors dorénavant, promets-moi quelque chose : promets-moi que tu resteras loin des points d'eau comme une rivière. Promets-moi que tu ne te mettras jamais en danger plus que nécessaire. Promets-moi que la prochaine fois...Tu ne disparaîtras pas.

- Je n'irais pas là où tu n'es pas en tout cas.

Parce que je me suis rendu compte que j'en étais tout bonnement incapable.

Dis, t'as déjà eu à faire cette expérience avec deux aimants ? Ceux qui se collent toujours l'un à l'autre malgré la distance ? C'est la même chose pour nous, non ?

- Dis Basile, quand je sortirais d'ici, ça te dit que l'on s'en aille toi et moi ? Loin de là. Qu'on laisse tout ça derrière nous.

- Serait-ce une proposition indécente de fuite ?

- Non.

Parce que nous ne fuirons pas. Pas après tout ça. Je ne sais pas pour toi, mais moi, je veux savoir ce que tu as vécu et traversé durant le temps où je n'étais pas là.

- C'est une proposition indécente de passer le temps qu'il nous reste ensemble. Juste toi et moi.

- Tous les deux ?

- Tous les deux.

Ne trouves-tu pas que l'on a suffisamment perdu de temps comme ça ? Je ne sais pas pour toi, mais moi je ne peux pas continuer ainsi. Je te veux. Toi. Tout entier. Je veux tout ce qui t'appartient. Je suis gourmand, tu vois ? Je ne me satisferais pas de reste.

- Donne-moi ta main Gabriel.

- D'accord...Tu vas faire quoi ?

- Ferme les yeux, veux-tu ?

Je ne me pose même pas de question. Je ne sais pas trop ce qui m'attends, mais je tends ma main dans la sienne, paume contre paume tout en fermant les yeux quand je sens un point froid. Métallique.

- C'est bon.

À mon doigt, un anneau. Gris. Tout bête. Mais un anneau.

- Je ne voulais pas le faire pendant que tu dormais. C'était censé être ton cadeau d'anniversaire, je suis en retard de deux mois. Alors, disons que ça sera ton cadeau de Noël avec un mois de retard ?

- Basile...Est-ce que c'est ce que je crois ?

- Non. C'est la promesse de ce que tu crois. Je t'aime Gabriel. Je t'aime à un point à me faire exploser la poitrine. Je t'aime à un point que ça me fait un mal de chien. Alors tant qu'à faire, maintenant que j'ai compris que tout pouvait partir en poussière du jour au lendemain...Je n'ai pas envie de perdre plus de temps. J'en ai assez que la vie me prenne tout. Donc cette fois, je veux m'assurer que tu sois lié à moi. Que tu deviennes fatigué de moi. Que tu en ai marre de moi. Je veux...

- Et moi je ne veux que toi, alors dis-moi, comment on fait maintenant ?

Pour la première fois de ce qu'il me semble être une éternité, je vois le sourire de Basile. Avez-vous déjà accordé autant d'importance au sourire d'une personne ? Avez-vous déjà remarqués à quel point, le simple fait de le voir, peut soudainement changer absolument tout ce que vous ressentais ?

- Maintenant on s'aime. N'est-ce pas suffisant ?

Voyage au centre de ton cœur (BxB) - Tome 2 (PAUSE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant