Vulnérable (Tome2 AVIFic - BxB)

CHAPITRE SIX

PDV REX.

Je suis comme paralysé. Ma main est toujours dans celle d'Alastair, et il me regarde avec insistance. Je crois qu'il me parle, mais je n'entends rien d'autre que sa voix, à lui. Il a commencé son speech pour sa foutue conférence. Il se présente, et le superviseur de la section rajoute qu'il est trop modeste, qu'il a reçu plusieurs prix pour ses articles scientifiques et ses recherches, et qu'il est très heureux de le compter désormais dans le corps enseignant.

Je bloque totalement sur les derniers mots. Puis, comme un hystérique, j'ouvre ma boite mail et je relis l'annonce de la conférence. Son nom est effectivement cité, mais personne n'a pris la peine de se renseigner. Tout le monde se fiche bien des gens qui font des interventions, tant qu'on note ce qui est à savoir, et que l'absence n'est pas comptée ...

Je ferme brusquement mon ordinateur. Alastair est toujours inquiet pour moi, mais je suis parfaitement incapable de lui répondre. Je ne peux pas lui expliquer ce qu'il se passe. Je range mes affaires, et dévale les escaliers en tâchant de me faire le plus discret possible. Peine perdue, bien sûr, je sens déjà les regards de certains étudiants, et du corps enseignant. Je n'ai pas fait dix mètres dans le couloir qu'un professeur m'appelle.

- Jeune homme !

Il ne connaît pas mon nom, bien sûr, et je ne m'arrête pas. Il tente de me suivre, mais je me sauve par la première intersection que je trouve. Je cours jusqu'à ma voiture avant de m'enfuir. Je fonce à travers les rues sans respect pour le code de la route ou les priorités. Je suis trop pressé de filer d'ici.

Mon téléphone vibre dans ma poche. Un coup d'œil m'indique qu'il s'agit d'Alastair. Je coupe l'appel, et éteint le smartphone avant de le jeter sur le siège passager. Je ne veux pas le regarder s'allumer à chaque fois qu'il tentera de me joindre.

Finalement, je me gare sur le parking caillouteux d'un grand parc naturel. Je m'enfonce parmi la végétation, loin de la ville et de la réalité. Je laisse les larmes perler sur mes joues tandis que je lutte pour ne pas frapper ce qui se trouve sur mon chemin. Je n'ai pas envie de retourner à l'hôpital. La colère se mêle puissamment à mes souvenirs, qui m'assaillent. Je me noie dans des pensées troubles et tumultueuses. Je suis incapable de sortir de là, de respirer et de les chasser. Je les laisse m'emporter, tandis que je me roule en boule entre deux buissons.

Sa voix me hante à nouveau. Son visage, son sourire, tout me revient en mémoire. Mon passé explose sous la pression. Depuis longtemps enfermé au plus profond de ma mémoire, il resurgit avec colère et m'assaille de tous côtés. Il ne me laissera pas en paix, et je n'ai pas la force de lutter. Je revis chaque instant avec des émotions décuplées, pensant pourtant que le temps avait fait son effet. Sans succès, de toute évidence.

Je pleure, je hurle, et je crois que je déchire ma chemise, je tire sur mes cheveux. Je me fais du mal physiquement sans m'en rendre compte, sans le ressentir. Je tremble de tous mes membres, de tout mon corps. Mon cerveau s'est liquéfié et mon cœur pulse à toute allure.

Mes yeux embués de larmes se posent finalement sur mon sac de cours. Je ne m'étais pas rendu compte l'avoir emporté avec moi. Je croyais l'avoir laissé dans la voiture. Je farfouille sans y voir, et tombe finalement sur le flacon en plastique. Je l'ouvre, éparpillant sans doute son contenu, essayant de lire ce qui est écrit. Même ça, je n'y arrive pas tant mes yeux continuent de pleurer. Malgré tout, la première lettre se déchiffre finalement, me permettant alors de laisser tomber deux comprimés dans ma main, que j'avale sans eau. J'ai l'habitude maintenant. Je connais la prescription par cœur. Deux comprimés ne seront vraiment pas de trop.

Je ne sais pas si ça m'apaise mais, en tout cas, ça m'évite de partir réellement en sucette. Ça m'aide à contrôler tout ce qui est en train de se passer, à rester rationnel. Je ne peux pas rester ici toute la journée, je ne peux pas fuir de la sorte.