Nos Années Volées ▬ Tome ✯ ©

07

Nouvelle semaine, nouveau chapitre. Enjoy ♥

Lise

Les premiers pas sont les plus difficiles, d'autant que je dois les effectuer seule. J'ai rompu le contact physique avec Aiden quand ce dernier a fait savoir à l'huissier qu'on était prêts. Je ne voulais pas lui attirer d'ennuis, m'étant souvenue de ses propos peu après notre accolade.

— Monsieur Aiden Sutton et sa nièce, mademoiselle Lise Sutton, vos majestés, annonce l'huissier après être entré dans ladite pièce.

Il ne sait donc rien. Personne ne sait rien, hormis les gardes. Tout le monde, dans le palais, pense donc que je suis la nièce du chef de la sécurité. Cela ne doit pas être très courant que la famille des employés ait une entrevue avec le roi et la reine. Ne vont-ils pas finir par se poser des questions ?

Lundi. C'est vrai, les résultats arrivent lundi. On peut supposer que tout le monde sera au courant avant la fin de la semaine prochaine. D'ici là, on me verra comme une fille normale dont l'oncle travaille pour la famille royale. Mais après ? Comment ma vie va-t-elle...

« Non Lise, ça suffit » je m'ordonne en faisant des premiers pas tremblants. Le moment présent. Étape par étape, sinon je risque de perdre pied.

Je suis enfin dans la pièce et je fixe mon regard au sol. Je prends une profonde respiration alors que l'huissier rebrousse chemin. Du coin de l'œil, j'aperçois Aiden baisser la tête en signe de respect et je me mets à paniquer. Il ne m'a rien dit concernant une quelconque façon de les saluer, que dois-je faire ?

— Vos Majestés.

Le silence s'installe. Personne ne sait quoi dire ou faire. Qui doit faire le premier pas ? Comment ?

Je ferme les yeux un instant : mes mains deviennent moites et mon rythme cardiaque s'accélère. J'entends mon cœur battre plus vite. Je reprends ma respiration. Je la cale. J'expire. Je recommence. Au bout de vingt secondes d'une atmosphère lourde et pénible, je daigne enfin lever les yeux vers eux.

Je ne sais pas pourquoi, la scène de mon départ me revient comme un électrochoc. Je revois mes faux parents, lui pleurant, elle avec le visage totalement fermé. C'est cette image qui me vient en tête, car c'est tout l'inverse qui se produit. Ici, c'est elle qui a les yeux baignés de larmes et lui qui fait de son mieux pour ne rien exprimer. Il reste assis dans le fauteuil au tissu rouge tandis qu'elle se lève et s'approche de moi. En quelques pas, la voilà à ma hauteur. Elle hésite un instant, tente une approche, mais je me recule de deux pas. J'ai laissé Aiden m'enlacer dans un moment de faiblesse. Cependant, je ne suis pas prête à réitérer la chose. Encore moins avec l'un d'eux.

Je l'ai un peu blessée, ça se voit dans ses yeux, mais elle ne semble pas en être surprise. Nous nous dévisageons longuement, chacune retrouvant des traits similaires sur le visage de l'autre. J'aurais voulu que ça aussi, ça soit une erreur. Que la dame m'ayant reconnue se soit trompée. Que je ne lui ressemble pas. Sauf que je lui ressemble. Les cheveux, les yeux, le front, les lèvres.

Les larmes coulent sur ses joues tandis que son sourire s'étire. Ses traits respirent la joie, le soulagement. Sa vie s'éclaircit tandis que la mienne s'est assombrie. Mes tourments font face à son apaisement.

— Tu es magnifique, me complimente-t-elle pleine d'émotion.

Sa voix dégage une douceur que je n'ai pas connue auparavant. Ça devrait me rassurer, pourtant ça me donne surtout envie de reculer un peu plus. Je reste pourtant là, mes pieds ancrés dans le parquet, ou plutôt dans le tapis qui le recouvre. Je n'arrive pas à la remercier, pour son compliment, pour sa bienveillance, ni à m'excuser pour avoir refusé sa proximité. J'ai perdu ma voix. Ce ne sera pas la première chose que je perds aujourd'hui.