Chapitre 1

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Au sein d'un carrefour, près du centre de la ville illuminée par ses néons flamboyants teintés de bleu, de violet, de rouge, une jeune femme traversait les routes piétonnes froides et humides du crépuscule, coupant seule sur quelques mètres un chemin établit à travers la population monotone qui marchait à l'unisson. Le battement lourd du tintamarre des rouages s'assemblant semblait signifier l'éveil provocateur d'un artifice qui feintait prendre la direction de la vie. La sensation d'arpenter un immense entrepôt remplit par tous les soupirs du monde laissait un nuage d'obscurité recouvrir les ombres des passants. Des écrans lumineux surplombaient les rues de slogans devenus commun comme " tand'air c'est salutaire !", référence au manque d'oxygène constant d'une nouvelle société où la simple action de respirer devient le motif d'une transaction financière. Tout élément naturel ayant disparu, les places vacantes ont été remplacées par l'empire des énergies transportées par des conduits jusqu'aux panneaux d'affichages comportant d'insolites propos retranscrits en hologrammes consentant à la propagande du gouvernement. Chaque publicité exprimait l'objectif de recourir à la peur de chacun afin d'adhérer à leur vision. Le lien utilitaire, filiale, et affectif contribuait à aborder différents publics concernés. Les immeubles élancés pourfendaient le ciel via l'antenne qui culmine au sommet de ces tours de verres, tandis que l'idéologie sécuritaire guettait de ses yeux mécaniques l'harmonie chimérique d'un endroit où le silence est roi lorsque la parole se noie. Certains endroits engouffraient ce calme plat, renonçant à cette utopie désastreuse pour parvenir à atteindre l'orchestre des cris orphelins qui résonnaient. Encore une arrestation. Encore cette violence. Encore cette vue. Pourtant, les pas continuaient au rythme de l'éclairage de résonner sur ce sol maintenant rouge. Continuellement, une routine s'était incrustée chez nous. Elle avait retranscrit auprès des futures générations une attitude qui persuadait qu'il fallait penser, agir et réfléchir pour les valeurs arbitraires d'un état qui les brandissaient pour le bien d'un groupe qui n'incluait pas tout son peuple. 

Il s'y incrustait au coin d'un virage, l'un de ces derniers petits magasins ne dépassant les dix neuf mètres carrés qui n'existeront bientôt plus et qui survivent jusqu'au matin prochain. Il fallait parfois raser certaines étagères entre les vieux livres poussiéreux et les boîtes éméchées qui quant à elles étaient rangées près d'un coin au plus bas. L'adolescente emmitouflée dans sa veste ignifuge avait noué un foulard au tissu irritant sur son poignet qu'elle serrait du bout de ses doigts afin de contenir l'anxiété des affreux souvenirs qui la hantaient. Elle aperçut l'aliment qu'elle devait récupérer au fond de la boutique, un simple citron, et retourna sillonner les rayons au point de devancer les autres afin de payer l'article en vitesse. Arrivée face à la caisse automatique, la machine numérisa tout d'abord l'article dans le dessein d'accéder à la micro-puce génétique qui logeait en son centre. La mise en place d'un tel dispositif habilite l'accès aux informations fichées, tel que l'ensemencement, la croissance, les pesticides, l'acheminement, la conformité, le prix, ainsi que la date de validation et de péremption. Dans le cas où vous accepteriez d'acquérir le produit sans prendre en compte ces détails, une décharge vous sera attribuée justifiant le fait que vous pourriez être considérée automatiquement comme un danger envers la santé publique dû à votre achat non conforme, cela s'ensuivra d'un enfermement d'une durée indéterminée. A la suite des données s'affichant elle décida d'appuyer sur le dernier bouton distinct, ce qui allait valider sa volonté d'achat. Le payement qui à son tour devait avoir lieu pointait en direction d'une autre surface prête à scanner la rétine de son œil droit, où à la naissance un code gravé y est inscrit. Grâce à ce code l'automate préleva le montant exact du produit sur le compte bancaire établit de l'individu. Une notification apparut sur l'écran indiquant que les étapes de la course venaient bien d'être confirmées. Le fruit désormais dans ses mains, elle courut soudainement sous la pluie battante. Les goûtes ruisselaient sur son visage mais elle savait qu'elle n'était pas loin de rentrer dans ce sous sol qu'elle appelait maison.

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