Thésée en enfer

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Le sable noir crisse atrocement sous mes chaussures aux semelles décollées et au cuir décoloré. Derrière moi la trace de mes pas forme une ligne absolument droite. Mes vêtements sont en lambeaux; il me manque une manche et les jambes de mon pantalon sont parsemées de trous oblongs, calcinés sur le pourtour. L'air semble changer d'une dune à l'autre. Tantôt glacial et violent, tantôt figé et moite. Les pluies diluviennes précèdent les chaleurs insoutenables. Lorsque je parviens à vaincre une dune après maints efforts, une autre se présente à moi, plus haute, plus sombre, plus glissante. Et alors que je me perche sur les cimes qui s'effritent sous mon poids, l'univers s'offre à mes yeux. Une mer de digues comme paralysée par l'absurdité de l'existence. Nous marchons ensemble ma solitude et moi. Je lui parle, je me réponds. Je me conte des histoires pour me distraire de cet atroce spectacle, je dialogue avec mon autre moi. Je monte, je descend, je faiblis. D'une vallée sillonnante a la pointe s'extirpant à peine des cieux de plomb.
Mais jamais je ne m'arrête.
S'arrêter ce serait perdre espoir, l'espoir d'être ailleurs, l'espoir de vivre et non de survivre.
Je me suis baptisé Thésée le jour où j'ai compris que ce monde n'était qu'un labyrinthe dont je m'extirperai d'une façon ou d'une autre.
Ce dédale sans logique est mon esprit. Et cet esprit renferme un Minotaure dont ne peux me défaire.

Rêveries d'une nuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant