Parc des Violettes - 8h17
Le lundi suivant, Nosaka était déjà sur place quand Naho descendit les sept marches du petit terrain – oui, elle les compta une par une mentalement. Le parc était presque désert, à l'exception de quelques promeneurs matinaux, et la brunette avait bravé l'herbe humide de rosée, quitte à mouiller ses chaussettes, pour traverser le parc sans s'embêter à suivre les allées sinueuses. En dépit de la brume encore basse, les violettes étaient bien écloses, signe d'une énième journée ensoleillée.
— Tu es en avance, commenta Nosaka avec cet immuable petit sourire.
— Toi aussi, j'te signale, lui rappela la brune.Elle avait été prête tôt, mais avait refusé de partir trop vite à ce... – elle s'éclaircit la gorge pour se ressaisir – ce rendez-vous. Elle déglutit à cette idée. Non, tout irait bien.
— J'ai amené ta cravate, reprit Nosaka en sortant de sa poche le bout d'étoffe.
Il tendit à Naho sa régate pliée en deux avec un sourire aussi radieux que le soleil. Le genre de sourire qu'il ne faisait jamais et qui éblouit la lycéenne, si bien qu'il lui fallut quelques secondes pour réagir.
— M-merci, souffla-t-elle en baissant les yeux sur sa cravate.
La soie mauve étincelait sous la lumière du matin, et si elle était légèrement froissée parce qu'il l'avait pliée, elle était intacte. Tout en la saisissant, Naho releva les yeux vers Nosaka, dont les doigts enserraient encore l'étoffe.
— Tu la lâches ou tu compte la garder encore une nuit ? finit-elle par demander.
Les lèvres de Nosaka frémirent lorsqu'il retint son rire. Naho eut envie de froncer les sourcils, comme d'habitude, et de lui dire d'effacer ce « stupide sourire de sa tronche de cake », mais elle en fut incapable. Quelque part au fond d'elle, une infime partie de son corps souhaitait, désirait, qu'il sourie.
Ce fut lui qui mit fin à ce moment étrange de... de quoi, d'ailleurs ? Il libéra la cravate et son bras retomba le long de son corps, avant qu'il n'esquisse un autre sourire.
— Je crois que je ne l'ai jamais vu, dit-il alors en pointant son visage du doigt.
— Quoi donc ?
— Ton sourire.Elle en tomba des nues. La bouche entrouverte, il lui fallut quelques secondes pour trouver et formuler sa réponse.
— Qu'est-ce que tu me baves, encore ? soupira-t-elle en se raccrochant à son argot pour masquer son embarras.
— Je ne t'ai jamais vu sourire. Je suis pourtant sûr que tu en es capable.
— Bien sûr que je sais sourire, maugréa-t-elle en roulant des yeux devant l'absurdité de la question.
— Alors je veux voir ça, un jour.Ça, il fallait y penser avant de me piquer ma cravate et de me faire du chantage, voulut-elle dire mais ça ne dépassa jamais sa pensée. Les mots refusèrent tout bonnement de se former, et ils disparurent dans son esprit quand elle le regarda dans les yeux. Le gris orage de ses prunelles avait de nouveau cette lueur éclatante qui la tétanisait. Elle souhaita reculer, mais ses muscles ne répondirent pas.
Une sonnerie résonna alors, les faisant tous les deux sursauter – enfin surtout Naho. Cette dernière pensa d'abord à son portable, mais elle se rappelait bien l'avoir laissé en vibreur. À moins que, en plus de lui retourner le cerveau, ce garçon avait le pouvoir d'effacer les souvenirs. En face d'elle, Nosaka sortit son propre téléphone, puis il répondit à l'appel.
— Je sais, je suis en retard. Je suis là d'ici dix minutes, dit-il avant de raccrocher aussitôt, sans laisser à son interlocuteur le temps d'en placer une.
Il balaya le parc des yeux, tout en rangeant son smartphone. Le vieux ballon qui ne quittait jamais le terrain, comme une relique dans une cathédrale, attira son attention. Puis son regard gris revint sur Naho, qui tressaillit. Le footballeur esquissa un sourire et désigna la balle en cuir d'un geste du menton.
— Je dois y aller là, mais je ne renonce pas à jouer au foot avec toi.
Et ainsi s'en fut-il, sous le regard éberlué de la jeune fille, debout au milieu d'un terrain de football.
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Sumire Koen ✧ au Parc des Violettes |IE|
Fanfiction- Je veux que tu joues au foot avec moi. - Ha, rit-elle nerveusement avant de reprendre son sérieux. Hors de question. - Joue avec moi, et tu récupères ta cravate. - C'est du chantage ? Quand ce garçon est entré dans sa vie à cause de quelques malhe...