Charline.
L'annonce de la mort du père de Sacha a rapidement rendu l'ambiance très inconfortable dans le bus. Personne ne sait comment réagir ou se comporter avec elle. Je sais ce que c'est.
Si mon handicap a été quelque chose de terrifiant pour moi, il n'a pas été plus facile à accepter pour mes proches. La vision qu'ils avaient de moi a subi un violent coup de massue duquel personne ne s'est vraiment relevé. Mes propres parents n'osaient plus me regarder. J'étais passée du statut de « fille » à « handicap ». La paralysie avait définitivement pris mon nom.
Les gens ont peur de blesser par les mots sans réaliser que leur regard de pitié est le pire de tous les supplices. Sacha et moi n'avons pas besoin d'être constamment confrontées à notre perte ; nous avons besoin de savoir que l'on nous aime pour celles que nous sommes, pas ce que nous avons perdu.
- Qu'est-ce que tu penses de ce haut ?
- Ça dépend de si tu veux avoir toute la population masculine d'Arcachon sur le dos, rié-je en désignant le décolleté vertigineux du débardeur rouge.
- Qui sait, peut-être que ça fera réagir Max, soupire mon amie en jouant avec une de ses mèches blondes.
- Je t'ai déjà dit de ne pas t'en faire. Il a juste du mal à ...
- Gérer la situation, je sais.
Le regard triste, elle se laisse tomber sur la banquette fuchsia de la cabine et continue, une pointe d'amertume dans la voix :
- J'aimerais simplement qu'il arrête d'ignorer le problème, tu comprends ? Si on en parlait une bonne fois pour toutes, on pourrait tous les deux passer à autre chose.
J'acquiesce et tente de lui expliquer, une nouvelle fois, que les gens pensent bien faire en évitant le sujet.
- Oui, je sais bien. De toute façon, tout est de ma faute. J'ai trop dramatisé la chose. J'aurais simplement dû le lui annoncer d'un ton détaché, avec un grand sourire.
- Ça aurait été mentir, tu ne penses pas ? dis-je en prenant sa main en signe de compassion.
Sacha hausse les épaules.
- Bon, aller. Je me suis donnée pour mission de t'empêcher de déprimer ! Donc maintenant, tu vas me bouger ce beau fessier et tu vas m'essayer cette magnifique combi.
- Tu trouves que j'ai un beau fessier ? pouffe-t-elle en se redressant.
J'éclate de rire et lui fait signe de se changer.
Tandis que Sacha retourne dans la cabine, j'en profite pour observer la boutique. Il n'y a pas âmes qui vivent. L'unique vendeuse de la petite enseigne est profondément endormie, la joue écrasée sur le comptoir.
- Alors ?
Je redirige mon attention sur Sacha défilant devant le miroir dans une magnifique combinaison vert canard.
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Destination : Vie Parfaite
Подростковая литератураE N P A U S E Un bus. Une carte. Un pays. Six adolescents. Six histoires. Six secrets. "Mesdemoiselles, messieurs, merci d'attacher vos ceintures. Les turbulences de la vie risqueront de secouer le navire durant quelques années mais, pas de paniqu...