Le vendredi soir et le samedi soir, elle n'arrêtait jamais de travailler. Pas une seule pause. Les mains se tendaient vers les verres tout juste remplis, les commandes se hurlaient et les gens se bousculaient. Il fallait bien manœuvrer pour éviter de renverser les plateaux.
Au début, Carmina connut quelques ratés. Parfois, très gênants. Dorénavant, elle pourrait tenir un flacon de nitroglycérine au milieu d'une manifestation enragée qu'il ne tremblerait pas d'un pouce. Elle déposa les boissons dans un des carrés VIP puis repartit derrière le bar sans prendre garde aux gens qui tentaient de l'arrêter. D'autres serveurs et serveuses s'occuperaient de ces clients. De plus, en quatre ans de service, elle avait appris les tons de voix auxquels porter attention et ceux qu'elle pouvait aisément nier. Elle avait aussi appris à fermer les yeux sur les actes commis dans les loge VIP. Sa morale ne pouvait pas lui faire perdre son travail, elle en avait trop besoin pour vivre.
La première année de son arrivée à New-York, quelques soucis financiers l'avaient pris à la gorge et elle avait accepté deux jobs en même temps ainsi que de mener quelques combats illégaux aux Arènes. Elle avait morflé. Littéralement. Les Arènes n'étaient rien d'autres qu'un lieu de sang et de morts en échange de grosses sommes d'argent. Elle ne s'en plaignait pas vraiment vu qu'avec un seul combat gagné, elle avait perçu un peu moins d'un an de salaire, mais elle était assez réaliste sur le côté macabre de cet endroit.
Heureusement, depuis deux ans, elle pouvait se concentrer sur son rôle de serveuse et sur sa fille. Elle ignorait pourquoi son manager l'avait augmenté mais elle ne s'en plaignait pas et n'en parlait à personne – des fois que les autres n'aient pas eu ce petit coup de pouce supplémentaire, elle ne voulait pas s'attirer leurs foudres.Le barman lui lança un chiffon qu'elle attrapa au vol. Sans un mot, elle prit sa place pour essuyer la vaisselle pendant que deux serveuses remplissaient les verres sur le comptoir autour d'une colline de bouteilles d'alcool de tous les horizons.
Il y avait trois bars de cette envergures dans la boîte de nuit et chacun reliés à ses propres pass-VIP et ses salles de danse. Carmina occupait, avec deux barmans et sept autres serveuses, la troisième et dernière partie toute proche des bureaux privés du gérant qu'elle avait eu l'occasion de rencontrer deux fois en coup de vent. La première se déroula lors de la signature de son contrat de confidentialité, quatre ans plus tôt, et la seconde, lorsqu'elle remplaça aux pieds levés une collègue nettoyeuse, un an après. Elle l'avait à peine entraperçue, pas assez pour se faire une opinion mais sa réputation le précédait suffisamment.
- Niña, la place quatre ! lança Eduardo, l'un des videurs VIP.
Avec son mètre quatre-vingt-dix passé, il surplombait la majorité des gens. Certaines femmes gloussèrent à son passage en insistant sur ses fesses soulignées par un jean noir moulant. Plutôt bel homme, le videur éconduisait un nombre incalculables de femmes sur une soirée de travail. Elle se demandait même s'il les regardait réellement vu son manque d'intérêt ou s'il agissait par automatisme à force de devoir subir ces assauts.
- Tonia, je reviens !
La serveuse à peine arrivée acquiesça en continuant son travail. Carmina saisit deux linges propres et un spray puis se dirigea vers les escaliers de la quatrième loge qu'elle nettoya rapidement. L'endroit devait tourner correctement pour être rentable, personne n'avait donc de temps à perdre et les gestes devaient s'y adapter. Elle grimaça légèrement devant la poubelle contenant des préservatifs.
« Heureusement ils les ont jetés dedans ! » se rassura-t-elle..
C'était en travaillant dans ce genre d'endroits et en faisant des ménages qu'elle se rendait compte du manque de savoir-vivre de beaucoup de personnes qui paraissaient classe à l'extérieur mais n'en étaient pas moins des porcs une fois la dorure grattée.
Elle redescendit et tapota le dos du serveur pour lui signifier que la place était libre.
VOUS LISEZ
El Cuco - Série Faida
Romance**** Public majeur et averti - cette histoire comporte des thèmes sombres, des scènes de sexe, de la violence physique, un contenu qui pourrait trigger certains lecteurs et un langage grossier.***** Carmina Francesi vit à New-York depuis quatre ans...