Après le départ de Cléo, personne n'est venu dans la journée et je présume donc que le mot est passé. Ce n'est pas plus mal. Je sais que tout le monde m'en voudra et qu'à l'heure actuelle ils ne comprennent certainement pas, mais moi ça me permet de souffler. De faire le point avant de reprendre ma vie, ma vraie vie, là où je l'avais accidentellement laissée. Délaissée même.
- Je n'aime ni les chiens, ni les escargots, ni les radis, ni l'orage vu tout ce qu'il m'a pris, mais s'il y a bien une chose que je déteste : Me sentir mis de côté.
Basile est là, appuyé contre la porte de la chambre et je me surprends à le détailler.
- Tu sais quoi ? Je ne vais même pas te demander d'explication. Je vais m'asseoir et je vais rester là jusqu'à ce que tu en ai marre de moi. Jusqu'à ce que tu me chasses, mais je te connais...Tu ne le feras pas.
Et c'est exactement ce qu'il fait, il s'approche, s'assoit à taton sur le fauteuil et se contente de garder le silence en croisant les bras. S'il n'était pas aveugle, je dirais qu'il me dévisage sévèrement en ce moment, car il a un pli entre les sourcils. Je reconnais ce pli.
- Dis-moi Basile, est-ce que tu m'aimes ?
- Bien sûr.
- Tu n'as même pas pris la peine de réfléchir à ma question.
- Parce que je n'en ai pas besoin. Je sais que c'est dur pour toi en ce moment, je le sais, mais ce n'est pas pour autant que je comprends ce que tu traverses. Aucun de nous ne peut comprendre. On n'a pas traversé cette épreuve. Ça a été dur pour nous, c'est vrai, mais je n'imagine même pas ce que tu ressens depuis que tu t'es réveillé. Tu dois être confus, perdu. Je comprends que tu veuilles du temps pour toi et je le conçois même. Je suis prêt à rester à l'écart, ce n'est pas pour ça que je suis venu aujourd'hui. Si je suis venu, c'est parce que j'aurai aimé que tu me le dises. Tes soucis, tes problèmes, ton mal-être, je veux être le premier à tout savoir sur toi. Je n'ai pas envie que Cléo vienne et m'annoncer ce genre de chose, je veux l'entendre de vive voix de ta part. Je veux que tu me regardes et que tu me dises "Je veux de l'espace". Tu as cette capacité Gabriel, celle de pouvoir me voir, celle de pouvoir assister à mes réactions que moi-même j'ignore. Je ne sais pas trop quelle tête je fais quand on me dit "Ton copain ne veut plus voir personne" du jour au lendemain.
- Je suis désolé...c'est juste que...
- Que rien. C'est propre à l'humain de faire des erreurs et de prendre de mauvaises décisions, mais sache-le Gabriel, m'éloigner de toi n'est même pas envisageable. Et je tâcherais de prendre mon temps avec toi. Je veux construire quelque chose de solide...Quelque chose digne de l'anneau que nous portons tous les deux. J'espère que tu n'as pas oublié cette promesse.
La promesse d'un nous futur. La promesse d'un avenir ensemble. Je n'ai pas oublié. Quand Basile m'a passé littéralement la bague au doigt, ça m'a fait un grand choc et outre l'aspect "surprise", j'ai ressenti beaucoup de bonheurs. Parce que ce Basile-là a eu ses bagues. Et voilà la leçon que j'en retiens. Si, dans cette vie parallèle...Si je n'avais pas été chercher Basile, si je ne m'étais pas retrouvé coincé dans ce fauteuil au beau milieu de cette rue, alors...Basile aurait peut-être vécu et si c'est le cas, je ne me serais probablement pas réveillé. Peut-être jamais même. Je serais resté là-bas en oubliant qu'ici m'attendait déjà à qui mon cœur et mon corps étaient dévoués.
- Basile ? Je t'ai...
- Je sais que tu m'aimes. Tout le monde m'aime. Le village entier m'aime. C'est comme ça, on ne peut que m'aimer. Je sais, je suis parfait.
- Et les chevilles, ça va ?
- Mais t'as de la chance, car de tous les garçons du village, je n'aime que l'idiot de celui-ci. J'aime celui qui n'en fait qu'à sa tête et qui n'écoute jamais personne. J'aime celui qui fait plein d'erreurs. J'aime celui qui se trompe et qui s'égare. J'aime ce petit garçon déboussolé, perdu qui n'attend qu'une chose : qu'on lui prenne la main pour lui indiquer le droit chemin. J'aime cet idiot du village qui rit fort et crie sur tous les toits. J'aime tous les aspects un peu maladroits de ce garçon...non, de cet homme. Et ce n'est pas lui qui m'empêchera de ressentir tout ça. Je te l'ai dit, non ? Je vais être affreusement collé à toi dorénavant. Tu ne te débarrasseras pas de moi comme ça Gabriel.
Mais quelque part, je crois que c'est à ça que je me raccrocherais. Quelque part, j'ai l'impression de ne tenir que grâce à ça. Grâce à la main de Basile tendue juste là, à côté de moi.
VOUS LISEZ
Voyage au centre de ton cœur (BxB) - Tome 2 (PAUSE)
Roman d'amourAlors que Gabriel a tout quitté pour poursuivre ses rêves, ces derniers se sont envolés juste sous son nez. Ne sachant plus quoi faire de sa vie et ne pouvant plus suivre le chemin qui lui était destiné, il décide alors d'une idée : Faire du village...