Partir

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8h.
Je dois partir. M'en aller encore pour l'Enfer. Je vais devoir aller dans les couloirs interminables, manger parmi tous ces gens qui parlent fort, m'installer dans une salle où je ne vois plus la porte. Une salle dans laquelle je me perd, je ne trouve plus la sortie, j'ai peur de ne jamais la trouver. Je vais devoir affronter leurs regards de profs, puis rentrer à la maison et continuer ce que j'ai fais dans la journée.
Ce matin c'est reparti. La boule au ventre, la musique à fond, j'essaye de ne pas m'entendre penser, de ne plus m'entendre respirer.
Je traverse les grandes rues, je passe devant des boulangeries, des restaurants, des bars qui accueillent ceux qui doivent finir leur nuit, je passe devant une école primaire, les enfants tous bien souriants, on dirait que tout est parfait chez eux. L'église rouge, les poubelles, les arrêts de bus, et la longue rue infiniment longue. Je m'arrête. Ma musique s'est arrêtée.
Quelqu'un me donne une tape dans l'épaule, me dit bonjour. Je réponds par un sourire, il marche à côté de moi et me raconte sa soirée, sa vie, ses galères, ses emmerdes. Je suis là, à l'écouter, à répondre "oui" parfois puis on arrive.
On se sépare. Ma musique est un refrain dans ma tête, elle m'empêche de trop penser. Il ne faut pas trop penser, c'est un piège. Si vous penser trop fort, les autres l'entende.
8h20.
Le couloir est sombre. Ma tête tourne. Je ne vois plus où je mets les pieds. Les autres élèves attendent sagement devant leur salle.
8h22.
Je parviens au bout du couloir, celui qui mène devant ma salle. Personne n'est encore là. Ils sont sûrement encore en train de discuter de leur week-end, de leur soirée un peu trop alcoolisée, de leurs amours et pleins de choses encore.
Les minutes passent comme des heures.
8h25.
La sonnerie est enfin là. Je ne veux pas y aller, je ne veux pas y retourner. Je veux tout arrêter. Je veux m'arrêter. Je voudrais arrêter le temps et ne pas voir tous ces gens arriver en groupe près de la salle. Je voudrais tout arrêter et rester là, des heures, voire des jours, à contempler le jaune de la porte de la salle de cours. Mais ils sont bel et bien là. Tous ces gens. Il y en a que j'apprécie. D'autres que j'aime énormément. Mais aucun que je déteste. Où est le problème alors?
Le problème, c'est ce couloir. La foule. Les cours. Les notes. Les parents. Les déceptions. Les cafés dégeulasses à 40 centimes. L'endroit, la masse d'humains, la vie ici, le matin, la musique, tout.
8h32.
La clé tourne dans la porte. Je déteste ce bruit. J'ai horreur de l'odeur de la cage le matin. Le tableau est propre, les chaises sont rangées, les tables ne sont pas plus sales que d'habitude, on sort nos affaires.
Ça recommence. Je retiens ma respiration. Le silence sera lourd dans ma tête ce matin. On reprends le wagon du train, on y va, on se lance dans la gueule du loup. Mais on voudrait juste hurler un bon coup.

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⏰ Dernière mise à jour : Apr 05, 2020 ⏰

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