Merci

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"Salut... vous ne verrez sûrement jamais cet écrit, mais je voulais le faire à tout prix.

Avant de vous découvrir, les BTS, j'étais au fond du trou. J'avais peur de tout, même de mon propre reflet dans le miroir. Je ne m'étais pas regardé dedans depuis une éternité tellement j'étais terrifié à l'idée de voir mes yeux vides, mon visage cerné et insensible. J'avais peur d'avoir envie de briser le verre. De me briser.

J'ai pas grandi dans une famille aimante, joyeuse et parfaite comme les autres l'ont toujours cru. En fait, mes parents se criaient toujours dessus, alors que je resserrais ma petite sœur en larmes dans mes bras, collés l'un à l'autre sous ma couette. Et on attendait, comme ça, que la tempête passe. Mais elle ne passait jamais. Pas avant un bruit mat : mon père qui claquait la porte. Alors on restait comme ça, immobiles. Nos parents n'avaient jamais voulu divorcer, disant que c'était terriblement mal vu par l'église.

Moi, j'allais tous les jours en cours avec ma petite sœur, pour la déposer à l'école primaire, tandis que je prenais le bus pour le collège. Là-bas, tout me semblait silencieux. Fade. Sans intérêt. C'est effrayant de ne rien avoir envie de faire, au point de ne plus avoir simplement envie de respirer. Pourtant, j'avais des amis. Des gens qui me parlaient chaque jour, qui riaient entre eux, m'excluant parfois sans même le voir. Alors je restais figé, les regardant s'éloigner, sans me voir derrière, seul, le regard vide. Pourtant, quand ils revenaient, je souriais à nouveau. Parce que sinon, on me dirait de penser un peu plus aux autres, alors que je ne pensais déjà à moi que pour inspirer et expirer.

Puis, à treize ans, j'ai fait la pire erreur de ma vie. Enfin, c'est parti de rien. Je coupais des carottes alors que mes parents criaient une énième fois dans la pièce à côté. Une frappe partit, me faisant sursauter, et le couteau dévia vers mon doigt. Sur le moment, j'ai complètement oublié mes géniteurs pour me concentrer sur ma peau ouverte, et, après coup, je me suis rendu compte. Je me suis rendu compte que, pendant une minute, tout ce qui se trouvait autour de moi venait de disparaître.

J'ai recommencé.

Une fois.

Deux fois.

Trois fois.

Dix fois.

A chaque erreur que je faisais, je me coupais. Bientôt, tout est devenu une excuse pour me faire mal. Chaque pas de travers. Chaque coup d'œil sur quelqu'un qui ne m'appréciait pas. Chaque fois que je mentais. Chaque fois que mes parents hurlaient et que je ne faisais rien. Chaque fois que je me trompais. Chaque fois que je me trouvais trop heureux.

Peu de temps après, mes bras étaient complètement sillonnés de marques rougeâtres. Et encore moins de temps après, j'étais devenu complètement accroc. Et plus je le faisais, plus je me détestais. Et plus je me détestais, plus je le faisais. Plus j'avais mal, plus je me sentais bien. Et plus je me sentais bien, plus j'avais envie de me faire mal pour ça. C'est effrayant d'avoir sa propre vie en main, et en même temps, c'est si plaisant... un coup de poignet suffirait à me faire mourir. A m'enfoncer plus loin que la surface de la terre. Et savoir ça me rassurait, en un sens.

Plus de trois ans sont passés, et ma sœur a fini par le voir. Ce jour-là, je n'ai jamais vu autant d'émotions passer à travers ses si beaux yeux bleus. Je n'ai jamais vu les larmes couler à flots si interminables. J'ai juste souri, comme toujours. Mais elle ne me l'a pas rendu comme elle le faisait chaque fois.

Elle s'est approchée de moi et a posé ses lèvres sur ma joue avant de me prendre doucement contre elle, comme si j'allais me briser si elle me serrait trop. Puis, elle s'est écartée et m'a juré, les yeux dans les yeux, qu'elle ne me laisserait plus jamais faire une chose pareille.

MerciOù les histoires vivent. Découvrez maintenant