Rituel

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Elle l'engloutissait, l'étouffait, sans merci. Kokichi tenta d'inspirer mais la goulée d'air tant espérée n'arriva jamais. Il se mit à tousser, avec toute la force de ses poumons tandis que son cœur se resserrait dans sa poitrine. Sa tête tournait et tournait. Une nouvelle vague noire prit le dessus sur l'esprit de Kokichi, remuant tous les attraits de son âme.

Le sang ne passait plus le long de ses doigts gelés. Ils tremblotaient silencieusement en attendant l'heure de leur propriétaire. Kokichi ferma les yeux, suffoqua, avant de revenir d'entre les morts.

Un mauvais rêve. Réveillé par un sursaut monumental, le pourpre tentait de se reprendre en main. Sa respiration saccadée le mettait encore dans tous ses états et la nuit qui luisait dehors ne le rassurait point. Le pauvre déglutit avant de se lever, encore tremblant. Son cœur battait à cent à l'heure, il l'entendait tambouriner à l'intérieur de son torse.

Kokichi observa trois recoins de sa chambre puis s'avança vers sa fenêtre. Il ne s'était jamais imaginé claustrophobe, pourtant, la vie réservait bien des surprises à ceux qui ne l'attendaient pas. Dehors, des centaines de lumières illuminaient le sol londonien. C'était un beau spectacle, modestement complexe.

_ Il y a des jours où je me demande ce que je fais, murmura-t-il en fixant l'avancée d'un taxi nocturne.

D'un rapide geste de la main, il sortit son téléphone. Sept appels en absence de la part de sa cousine. Kokichi avait vraiment disparu de son monde, semblait-il. N'empêche, c'était mieux ainsi. Peut-être même avait-elle pensé qu'il avait mis fin à sa vie. Le pourpre sentit un sourire égayer son teint affreusement pâle, teint de sueur.

Dans la pièce d'à côté, un bruit grinçant stimula l'ouïe plutôt fine du russe. Il se dirigea doucement vers la porte de sa chambre avant de l'ouvrir en silence. A sa droite, Shuichi s'étirait, l'air mort de fatigue. Après avoir longuement bâillé, il remarqua la présence de son confrère avec une tinte d'étonnement.

_ Oh, tu ne dors pas ? demanda le détective londonien.

_ Il me semble que non, répondit-il. Toi non-plus d'ailleurs.

Shuichi laissa place à un léger sourire avant de répondre.

_ Oui mais moi j'ai une bonne raison.

_ Puisque tu me le demandes si gentiment, j'accepte de te croire. Tu es plus social la nuit que le jour Saihara-chan.

Le britannique haussa ses sourcils d'étonnement avant de retenir un rire franc.

_ Tu ferais mieux d'aller te coucher...Sinon tu peux venir au salon mais bon, je ne te conseille pas. Tu ne pourras plus faire la grasse-matinée.

Intrigué, Kokichi suivit son interlocuteur vers la salle de séjour. Tous les meubles avaient disparu, laissant place à un vide bien spacieux, pouvant permettre à plusieurs personnes de s'y tenir sans trop d'inconfort. Sur la cheminée, au lieu des décorations que Kokichi avait pu observer, trônaient des bouteilles d'eau.

Toujours muet, le pourpre décida de ne poser aucune question et de se contenter de voir ce qu'il allait se passer. Cette habitude lui avait été enfoncée dans le crâne par le passé, lorsqu'il avait été apprenti charpentier deux années auparavant, après avoir été lassé par le métier de aide-confiseur. Ce souvenir le fit légèrement sourire. Il avait vraiment touché à plusieurs domaines et ça ne s'arrêtait pas.

Maki, la dame de l'aéroport entra dans le salon. Vêtue d'une chemise noire et d'un pantalon assorti, elle faisait largement plus sophistiquée que Kokichi qui se noyait dans son short deux fois trop grand (à défaut d'avoir été enserré de la plus petite ceinture qu'il ait pu trouver). Sans un mot, elle s'installa aux côtés du russe puis croisa ses bras à la hauteur de sa poitrine.

_ Ça promet d'être intéressant, déclara-t-elle en fixant le milieu de la pièce.

Devant eux, Shuichi jeta un coup d'œil à son téléphone. Il s'écarta de son chantier vide avant de dire :

_ Plus que trente secondes.

En effet, ça devenait de plus en plus intéressant pour le curieux pourpre. Si les yeux étaient réellement le reflet de l'âme, ceux du russe seraient en train de sautiller partout en quête de réponses.

_ Deux secondes.

Et ce fut fini. Quatre personnes apparurent au beau milieu de la pièce.

_ On a bien fait de se préparer à l'avance, commenta Maki. Sinon, ils seraient apparus au milieu de ta table de séjour.

_ Ne parle pas de malheur, tenta de plaisanter Shuichi, légèrement gêné. Bonjour Rantaro ! Ou plutôt bonne nuit !

Done for meOù les histoires vivent. Découvrez maintenant