Prologue

9 0 0
                                    

 « Le destin conduit celui qui consent et tire celui qui résiste. »

Cléanthe

Vancouver, Canada. Année : 2024.

Mardi soir. Le jour habituel de mon entraînement au stade, situé à deux rues de chez moi. En effet, l'endurance était une qualité importante, tout comme la vitesse, en tant qu'espionne et tueuse à gages... pour le compte des Paranormaux. Je saisis donc mon sac de sport, mon trousseau de clés posé dans une petite coupelle en verre sur la table de mon hall d'entrée, ainsi que mon téléphone que je mis dans la poche droite de ma veste. Cinq minutes de marche rapide me suffirent pour atteindre le stade. A vrai dire, j'habitais un quartier résidentiel assez calme, dans la banlieue de Vancouver. Le genre de quartier où chaque maison avait son propre jardin et son garage deux places. Le genre de quartier où les familles des cadres d'entreprises s'installaient avec leur progéniture. Le genre de quartier auquel j'étais une parfaite étrangère par mon mode de vie. Je ne connaissais aucun de mes voisins, je n'avais aucune véritable vie sociale. Discrétion était le mot d'ordre. Cependant, il s'agissait d'un des seuls endroits où je pouvais me permettre de sortir en toute sécurité, sans avoir à surveiller mes arrières. C'était pourquoi je m'imposais trois séances de jogging hebdomadaire de deux heures.

Je traversais l'annexe reliée au stade et trouvai mon vestiaire habituel. Je me déshabillai et enfilai mon short noir, ma brassière de sport et mes baskets. Je nouais mes longs cheveux châtains en une haute queue de cheval. Je rangeai mes affaires, bus une gorgée d'eau et saisis mon sac. Une fois sortie du vestiaire, je traversai le premier étage, le long du terrain d'handball. J'aperçus un homme du coin de l'œil. Il avait la tête baissée vers ce qui semblait être son portable et était assis sur un banc à côté des sanitaires femme. Je ralentis mon allure. Alors, il leva les yeux vers moi. Son visage me parut instantanément familier. Il n'avait pas changé depuis toutes ces années. Ses cheveux blonds et ondulés descendaient jusqu'en dessous de ses oreilles d'une manière décoiffée et naturelle. Ses iris azur me fixaient avec insistance tandis que ses lèvres pleines esquissèrent un sourire narquois. Il avait toujours cette petite fossette sur la joue droite qui égayaient ses pommettes saillantes. Aron Blaine, mon premier amour, ma première fois lorsque j'avais dix-sept ans. Je m'avançai d'un pas hésitant et pris une profonde inspiration avant de prendre place à côté de lui. J'avais conscience de mon cœur qui tambourinait dans ma poitrine. J'étais partagée entre la surprise et l'angoisse. J'ignorais comment réagir envers un homme qui m'avait laissée tombée au bout de deux ans de relation, pour une midinette insignifiante.

— Ayna ! Quelle surprise de te voir ici ! s'exclama-t-il en me prenant par les épaules.

— Plaisir partagé Aron, je te rassure, répondis-je avec assurance.

— Ça doit bien faire six ans que je ne t'ai pas vu.

— Oui, six ans depuis que tu m'as brisée le cœur après m'avoir trompée.

— Ayna, Ayna... j'étais jeune et immature. Mais maintenant que je te vois, je regrette encore plus de t'avoir fait du mal.

— Tu avais tout de même dix-neuf ans. Voyons voir cela...

— Oui crois-moi, je suis désolé de t'avoir blessée. Tu es magnifique, encore plus que dans mes souvenirs. Tu es devenue une véritable femme.

— Merci Aron, répliquai-je sèchement.

Il jeta un coup d'œil à son téléphone, répondit à un SMS et enchaîna :

— Ne perdons pas de temps ma chérie.

Avant que je comprenne ses attentions, il plaqua sa bouche violemment contre la mienne. Il m'enserra la taille en maintenant mes bras le long du corps. Quel salaud, il pensait que j'allais le laisser m'humilier ainsi. Essayant de me soustraire à son étreinte, je parvins à dégager mon bras droit. Je le sentis resserrer sa prise sur moi. Une vague de dégoût me submergea. Je devais le repousser, il n'avait pas le droit de me jeter et de me reprendre comme il le voulait. Il n'avait pas le droit de me toucher contre mon gré. Je ne voulais pas sentir ses mains sales sur moi. Qui savait avec combien de filles il avait fait cela. Il m'avait fait deux fois plus mal en m'abandonnant alors que je l'aimais comme une folle. Je m'étais jurée de ne plus jamais tomber dans le piège.

Je me ressaisis tandis qu'il dévorait encore mes lèvres avec une avidité animale. Je lui assenai un crochet droit dans le visage, ce qui le fit suffisamment vaciller pour que je me libère de sa prise. Je me relevai le plus rapidement possible et ramassai mon sac qui avait glissé à terre. Je me mis à courir dans le couloir, mes pas résonnant lourdement. Jetant un coup d'œil au-dessus de mon épaule, je vis Aron courant derrière moi. Un rictus déformait son visage que j'avais connu si paisible, si rassurant, si aimant. Comment un homme pouvait-il m'avoir inspirée de l'amour, de la haine et de la crainte en une seule vie ?

Perdue dans mes questionnements, il profita de mon moment de battement pour me plaquer brutalement au sol. Mon épaule droite s'y heurta en premier et une douleur lancinante remonta le long de mon bras. Aron me retourna brusquement sur le dos, m'immobilisant sous son poids. Mon corps refusait d'exécuter le moindre mouvement. J'étais impuissante face à lui.

— Tu as cru pouvoir m'échapper ma chérie, ricana-t-il

— Laisse-moi Aron, je ne t'ai rien fait ! criai-je tout en me débattant.

Toute la force acquise et les entraînements harassants semblaient n'avoir aucun effet à cet instant précis : je refusais de bouger, paralysée par la tournure étrange des évènements. Alors qu'il levait sa main droite pour me gifler, une autre main robuste saisit son poignet. L'individu le souleva aussi facilement qu'une plume et l'envoya au sol à six mètres de nous. L'inconnu se tenait stoïquement devant moi, me dominant de sa hauteur. Me le relevant doucement, je pris le temps de le dévisager. Ce qui me frappa en premier était ses cheveux noirs comme le jais négligemment relevés qui lui procuraient une allure sauvage. De ses yeux oscillants entre le gris-bleu et le vert, émanait une lueur magnétique et sauvage. Tous les traits de son visage semblaient sculptés soigneusement dans le marbre de son corps : de ses pommettes saillantes à sa mâchoire carrée, sans oublier son nez aquilin. Ses sourcils noirs étaient bien fournis, et ses cils longs et fins. Sa bouche, pleine et délicate, esquissa un bref sourire. Il était vêtu d'un pantalon, de rangers et d'une veste toutes noires, ainsi que d'un T-shirt blanc qui marquait parfaitement sa musculature. Il émettait une aura ténébreuse qui me fit soudainement froid dans le dos. Sa beauté démoniaque me fascinait même si j'avais conscience que je ne connaissais rien de lui. Mes membres étaient tout engourdis par sa proximité troublante.

— Je..., merci, articulai-je gênée.

— Chut, dit-il d'une voix suave en plaçant un doigt sur mes lèvres. Ce fut un véritable plaisir, Ayna. A très bientôt j'espère.

Avant que je puisse prononcer le moindre mot, il avait disparu instantanément. Il ne m'avait même pas laissé son numéro de téléphone ! Qui était cet homme ? Et pourquoi avait-il agi de cette manière à mon égard ? J'étais persuadée de le revoir à l'avenir. Et pour une fois, mon instinct ne me faisait pas défaut.

You've reached the end of published parts.

⏰ Last updated: Apr 27, 2019 ⏰

Add this story to your Library to get notified about new parts!

Ayna MeadWhere stories live. Discover now