Chapitre 7

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Cette soirée fut la première d'une petite série de rendez-vous en tête-à-tête. Mohamed se réjouissait d'avance du couple qu'il estimait avoir formé par son habileté de marieur hors-pair. Celui qu'il appelait « le Fennec » presque affectueusement lui devait une fière chandelle.

Ken, de son côté, n'en menait pas large. Des myriades de perches qu'il tendait à sa beauté des îles, celle-ci n'en saisissait aucune. Pire : elle le repoussait avec une naïveté assassine, nourrie par de nombreux malentendus à son égard. Quand, devant les tableaux de Van Gogh, il lui avait parlé d'amour, elle n'avait pas manqué de ramener la conversation à ses innombrables conquêtes, et ce plusieurs fois, avec ce regard plein de sous-entendus qui l'horripilait. Il avait été avec quelques filles, certes, mais il n'avait pas couché avec la moitié de la Terre !

Il se ressaisit, se redressant sur le banc sur lequel il était assis. Où en était-il ? Sa main s'était figée sur la page blanche de son carnet. Il n'avait rien écrit. Le soleil commençait à taper. Le printemps était bel et bien là, et ses tourments avec lui. Il consulta son téléphone et tressaillit. Un message d'Athénaïs. C'était rare qu'elle le contactât. Il ne put s'empêcher de s'en réjouir, malgré la lassitude qui pointait depuis quelques jours. Athénaïs lui demandait si elle pouvait passer chez lui, pour lui faire écouter un nouvel instrumental. Passer chez lui ? s'étonna-t-il ; cependant, il s'empressa d'accepter. L'occasion était trop belle.

Une fois sa réponse envoyée, il posa un regard empli de réflexion sur le paysage devant lui. Ce petit jeu traînait en longueur, il était temps d'en finir.

*****

Dans le métro parisien, Athénaïs observait distraitement les allées et venues des gens qui s'empressaient de rentrer chez eux. Elle aussi, voudrait bien se prélasser sous une douche bien chaude mais elle devait se rendre chez Ken d'abord. Elle avait failli l'inviter chez elle mais s'étant souvenue de la manie de ce dernier d'arriver systématiquement en retard, surtout quand il s'agissait du crew, elle avait préféré se déplacer. De toute manière, il habitait Paris et non en banlieue, contrairement à elle ; son appartement n'était pas très loin de l'hôpital où elle travaillait.

Une voix annonça la station à laquelle la jeune femme devait sortir. Elle se leva et quitta le métro. Sur le chemin qui la menait vers la sortie, elle percuta un jeune homme.

« Oh, Athé' !

— Ah tiens, Hary ! » s'exclama-t-elle en reconnaissant un des pianistes qui servait dans l'église malgache qu'elle fréquentait.

Ils conversèrent brièvement à propos de leurs journées respectives, chargée à l'hôpital pour Athénaïs et quelque peu stressante pour Hary qui sortait d'un entretien avec son supérieur hiérarchique. Ce dernier finit par proposer à Athénaïs de l'accompagner jusque chez Ken, ce qu'elle accepta avec grand plaisir.

La famille de Hary faisait partie de l'élite de la société malgache ; lui-même était un ingénieur dans une des plus grandes boîtes informatiques de rang mondial implantées à Paris. Il allait sans dire qu'il était un excellent parti aux yeux de la diaspora malgache. Pour ne rien arranger, il était quelqu'un d'aimable et de très serviable ; par conséquent, tous s'arrachaient son aide, que ce fût au travail ou en dehors.

Toutes ces considérations avaient un jour fait un chemin dans l'esprit d'Athénaïs. Puis Thibault s'était montré plus insistant et elle avait cédé devant l'empressement de ce dernier à la courtiser. Hary avait toujours été plus amical avec elle qu'entreprenant. Depuis, elle avait calmé ses ardeurs et gardait une relation cordiale, voire presque complice avec lui. Cependant, l'écho de sa rupture et le vide qui en résultait résonnaient en elle, ce jour-ci ; et sur la route, elle se prit à imaginer quel serait le futur avec un homme comme Hary.

" Non. "Où les histoires vivent. Découvrez maintenant