Chapitre 1: La Boîte à Musique

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Tout avait commencé il y a une cinquantaine d'années. Les technologies avaient évolué de manière conséquente pour le bien de l'humanité. Par exemple, on avait créé des colliers permettant de comprendre et d'être compris dans toutes les langues. Cela avait facilité les échanges et accru encore la mobilité. On avait inventé des rails permettant aux véhicules de se déplacer en lévitation, et ce de façon automatique, ce qui avait réduit le taux de mortalité sur les routes de 98,7%. Les robots avaient été perfectionnés pour résoudre les conflits entre les humains: ils étaient capables d'analyser les situations les plus complexes et d'y trouver une solution rapide et efficace. Ainsi, ils avaient pu trouver une solution au réchauffement climatique et à la disparition de certaines espèces menacées maintenant hors de danger. De plus, les guerres avaient été éradiquées et les frontières avaient disparu. Les hommes et les femmes vivaient dans la plus parfaite harmonie. Parfois, les anciens se rappelaient la vieille époque, les gens incultes, sans foyer, sans emploi... Tout ça était maintenant bien loin. D'ailleurs, c'était tellement loin que les gens ne s'en rappelaient pas vraiment : comme si tous leurs souvenirs reposaient dans un épais brouillard qui appartenait au passé. Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes, et ce jusqu'à l'Incident.

Cet Incident à cause duquel on avait formellement interdit toute forme de contact physique entre les êtres humains. Cet Incident à cause duquel la peine de mort avait été rétablie pour quiconque braverait la loi à partir de l'instant de sa naissance. Cet Incident dont personne ne connaissait la nature exacte. Pour éviter tout contact physique, chaque cellule du corps humain était reliée à un appareil sophistiqué qui prévenait les autorités de toute infraction. Cette machine qui donnait aux humains une liberté plus que restreinte s'appelait l'Oversight.

Mais il y avait bien pire: en supprimant le droit au contact physique, on avait supprimé l'amour. Il y a vingt-cinq ans, le Professeur Scheffer avait inventé un dispositif utilisant des automates et permettant de créer des humains de façon artificielle. Au début, ce projet ne devait pas être utilisé, mais deux mois après son invention, la loi condamnant les contacts physiques avait été votée. Bientôt, tous les hommes et toutes les femmes étaient conçus dans le Scheffer (nom qu'on avait donné à la machine). Mais le soir du seize mai 2075, le plus grand dysfonctionnement informatique de l'histoire avait eu lieu. Tout le monde assurait que ce trouble n'avait pas affecté le Scheffer, mais le matin suivant, une des infirmières chargées de vérifier les berceaux arriva devant le panier et lu: "Nom: Astride Felton. Sexe: Féminin. Née le 16/05/2075 à 21h05". Cependant, quelque chose d'étrange s'était produit: il n'y avait pas une petite Astride mais deux. La machine avait donné naissance à des jumelles. L'infirmière nommée Kaszia avait alors décidé de garder les enfants (hors-la-loi dès leur naissance car elles seraient bien trop tentées de rentrer en contact) pour ne pas qu'elles se fassent tuées. Elle les avait appelées Aesta et Solvaï, soit l'été et l'hiver.

Elle les cacha dans un grand manoir isolé situé en Ancienne République de Pologne. Puis elle les éleva à l'aide de l'Assistanto, robot qui s'occupait de l'éducation des enfants. Kaszia fit même construire un bunker au cas où quelqu'un découvrait l'existence des jumelles et voudrait leur nuire. Les autorités soupçonnaient Kaszia d'être à l'origine d'un délit mais elles ne savaient pas lequel. Voulant éviter tout risque, Kaszia, Aesta et Solvaï avaient décidé de déménager loin de la grande bâtisse de leur enfance, dans une petite maison située sur les anciennes terres du Canada. Officiellement, elles déménageaient car Kaszia changeait de métier et avait besoin d'être proche de son nouveau lieu de travail. Les autorités semblaient y avoir cru...

Dès leur plus jeune âge, Aesta et Solvaï avaient appris à tout faire comme si elles n'étaient qu'une seule et même personne: Astride Felton. Elles ne sortaient jamais ensembles en public, n'évoquaient jamais l'existence d'une sœur jumelle, connaissaient le moindre petit détail sur l'autre, partageaient exactement les mêmes gestes... Rien ne pouvait laisser penser que des jumelles étaient nées dans le Scheffer, personne ne savait, mis à part Kaszia et quelques rares personnes de confiance qui leur avait apportées une aide précieuse lors du déménagement.

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