Chapitre 3

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«-J'ai une tique sur l'épaule, peux-tu me l'enlever s'il te plaît ? miaula Feuille du Soir, une ancienne.

-Oui bien sûr », lui répondis-je en sentant déjà sur ma langue le goût amer de la bile de souris.

Pendant que je courrais vers la tanière de Fougère Verte, notre guérisseur, les événements de la veille me revinrent à l'esprit : quand je suis rentrée au camp avec les deux proies que j'avais attrapées, Griffes de Pierre m'a beaucoup grondé et j'ai écopé d'une punition : nettoyer la tanière des anciens puis enlever leur tiques s'ils en avaient. Voilà pourquoi je me retrouvais à me balader dans le camp avec ce liquide malodorant au bout du museau.

«-Où-est ta tique ? Marmonnai-je en posant la mousse imbibée de bile de souris par terre.

-Là, sur mon épaule », me souffla la vieille chatte.

Tout de suite j'entrepris d'écarter les poils de l'ancienne pour repérer l'insecte indésirable. Après l'avoir retrouvé, j'appliquai le liquide malodorant dessus en luttant contre l'envie qui me suggérait d'aller me plonger dans le lac pour effacer l'effroyable odeur, qui, sans aucun doute, avait déjà imprégné mon pelage immaculé.

«-Te reste-t'il d'autre tiques ?

-Non, cette saleté était là depuis longtemps et je pense que Bois Fendu est d'accord avec moi. On dirait que la nature s'acharne sur lui ! Après lui avoir enlevé la moitié de ses deux oreilles, elle lui envoie continuellement des tiques !

-C'est vrai ?

-Bien sûr, mais avant de te raconter cette histoire, il faut que tu enlèves ces abominables insectes aux fourrures de Bois Fendu et de Trois Griffes, me dit gentiment Feuille du Soir.

-Oui ! Je suis bien d'accord avec toi ! Cracha une voie grave venant du fond de la tanière des anciens.

-J'arrive !

-J'espère bien oui ! Ces tiques se sont mises sur mon dos pile là où je ne peux pas les atteindre ! » Se lamenta l'ancien.

Bois Fendu était allongé au fond de la tanière sur des herbes hautes. Son pelage brun foncé se fondait dans les ombres de la paroi le rendant difficile à localiser et, malgré les nombreuses fois où j'étais venue lui quémander une histoire avec Petite Écorce et Patte de Marbre, j'ai eu des frissons en apercevant ce qui restait de ces deux oreilles.

«-Et bien, qu'attends tu pour venir faire partir ces tiques de mon vieux dos ?! Miaula-t'il mi-amusé, mi-impatient.

-Pardon, je vais les faire partir, m'excusai-je en baissant mes oreilles pendant que je m'approchais du vieux chat.

-Ce n'est pas grave ! Je te taquinais... Ce sont mes oreilles qui t'intriguent ?

-Oui, répondis-je toute penaude.

-J'ai l'habitude ne t'inquiète pas, ronronna Bois Fendu, je te propose de te raconter cette histoire pendant que tu m'enlèves mes tiques. Tu es d'accord ?

-Bien sûr, en plus, tu ne m'as jamais expliqué comment c'était arrivé, miaulai-je toute contente d'entendre une histoire de l'ancien.

-Il y a de nombreuses lunes, quand j'étais encore un guerrier, le meneur de l'époque, Étoile de Pierre, m'avait demandé de mener une patrouille près de la frontière que nous avions avec le clans de l'Ombre. Une fois là-bas, mes amis et moi avons pris le chemin de patrouille habituel. Tout se passait bien, quand, en passant devant un bouquet d'orties, nous entendîmes une dizaine de chats qui tentaient tant-bien que mal de se faufiler discrètement à travers les bois dense de notre territoire. Heureusement, Patte Rousse, qui s'appelait alors Nuage Roux, fila vers le camp demander des renforts. En attendant qu'elle revienne, mes compagnons et moi nous étions interposés devant l'ennemi et avions commencé à nous battre.

-Tu a gagné ? m'enquis-je en enlevant une tique.

-Évidemment ! Mais attends que je te raconte toute l'histoire avant de poser des questions, miaula l'ancien.

-Oui, pardons, continue.

-Bien ! Où en étais-je déjà ?... À voila ! Donc en attendant que Nuage Roux revienne avec du renfort, la bataille faisait rage. C'était impressionnant, moi-même j'avais du mal à distinguer mes alliés de mes ennemis, je griffais, mordais, écrasais et repoussais tous mes opposants. Tout d'un coup, le calme se fit et tous les guerriers du clan de l'Ombre battirent en retraite. Heureux, nous poussâmes des cris de joie, mais, elle fut de courte durée car un de mes camarades poussa un cri de peur en hurlant : Blaireau !!! . Toute la patrouille se retourna en un même mouvement pour fixer l'immense bête qui nous regardait de ses deux petits yeux noirs luisants de mépris.

-Un blaireau ? Ici ? Paniquais-je en me redressant.

-Hélas oui ...

-C'est lui qui t'a arraché les oreilles ?

-Pas vraiment, tous mes camarades avaient pris la fuite, il ne restait plus que le blaireau ... ou presque car, tétanisé par la peur, je n'avais pas pu esquisser le moindre mouvement. Le blaireau, qui, comme tous ceux de son espèce, avait une mauvaise vue, commença à repartir en pensant qu'il n'y avait plus aucun chat. C'est là que je fis une grave erreur en poussant un soupir de soulagement, qui, malheureusement, fit assez de bruit pour alerter le prédateur que toutes ses proies n'avaient pas fui. En un instant, l'énorme bête était sur moi, et, sauvé par mon instinct, je me mis à courir à travers les bois, j'allais tellement vite que mes pattes touchaient à peine le sol. Je me croyais sorti d'affaire, mais je trébuchai sur une racine, fit un roulé-boulé et atterrit dans des ronces. Je pensais que ça ne pouvait pas être pire jusqu'à ce qu'une douleur me vrille les côtes. Le blaireau n'avait pas abandonné la poursuite et essayait à présent de me sortir des ronces. Au bord de l'évanouissement, je me sentis glisser par terre, il y eut une douleur lancinante dans mes oreilles puis tout devint noir. Je ne pouvais plus qu'entendre les sons et ressentir la douleur, c'était atroce. Je me croyais perdu quand je perçu un feulement suivi de nombreux autres. C'était Étoile de Pierre avec les renforts et Nuage Roux qui venaient me sauver. Les bruits du combat parvenaient de manière haché à mes oreilles... Du moins ce qu'il en restait. Des pas légers vinrent dans ma direction, à l'odeur je reconnu Patte d'Ortie, l'ancienne guérisseuse, qui venait me donner les premiers soins :«-Où as-tu mal Pelage de Bois (mon nom à l'époque) ? ». Je lui répondis aux côtes et aux oreilles, puis, je perdis connaissance.

-Ai-je satisfait tes oreilles avec mon histoire ? » Me questionna Bois Fendu.

Il n'eut pas de réponse car la jeune apprentie, épuisée par sa sortie nocturne, s'était endormie en écoutant l'histoire de l'ancien.

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⏰ Dernière mise à jour : May 02, 2019 ⏰

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