Quel est ton plus beau souvenir ?

Alors j'ai trouvé c'te solution, qu'est partie en couille.

– T'sais que ton histoire de l'autre fois, elle m'a tourmentée, tu peux pas savoir...

– J'crois que j'suis encore plus bourrée ce soir.

– Mais, j'avais une p'tite question...

– Dis toujours.

– Tu t'souviens quand tu m'as racontée qu'tu voyais que lui quand on te demandait quel était ton plus beau souvenir ?

– Ouais.

– Bah moi, c'est ça que j'voudrais savoir.

Silence.

– Edwige, quel est ton plus beau souvenir ?

Main droite serrée sur ta bouteille préférée.

– J'en sais rien, Ségolène...

Main gauche tenant fermement ton cigare brûlant.

– J'en sais rien...c'est comme si, avant qu'j'invente Félix, rien était vraiment réel. Comme si c'était pas vraiment ma vie que j'vivais. Comme si je subissais plus que je ne profitais. J'étais seule, j'manquais d'amour. J'avais b'soin d'attention, mais j'voulais pas du monde alentour. Alors j'ai trouvé c'te solution, qu'est partie en couille.

Fumée toxique infiltrant tes poumons.

– T'vois, j'me suis créée les personnes que j'aurais aimé avoir...parce que, ouais, Félix, c'était pas l'seul dans ma tête. Y avait aussi Jordan.

Gorgée d'eau-de-vie cul sec.

– Ce p'tit Jordy...c'était mon meilleur ami. Ouais, j'rêvais d'être pote qu'avec des mecs, quand j'étais p'tite. Fallait remédier à ça, que j'me suis dit. Bah s'en est ajouté Julie, Naomi et Freddie.

Sourire aux lèvres.

– Nan, t'inquiètes. C'était pas son vrai nom. En fait, j'ai jamais su comment le nommer, lui...et, quand j'l'ai créé dans ma tête, j'écoutais Queen...alors t'vois, ça a fait son p'tit bonhomme de ch'min dans ma cervelle et il s'est retrouvé avec l'nom du grand Mercury.

Tête penchée en arrière.

– Mais c'était pas mon préféré, Freddie. Nan. T'sais très bien que Félix restera la plus grande personne qu'j'ai eu la chance d'connaître. Mais Jordy...ouais, Jordy...

Tête relevée, fixant tes pieds.

– J'sais pas. Il avait un truc, lui aussi.

– Un truc comme Félix ?

– Ouais, mais moins poussé chez lui. J'te l'dis, parfois, j'l'imaginais m'faire des choses pas très catholique.

– En gros, tu le trompais, ton Félix...

– Nan. Parce qu'il s'était jamais rien passé. Encore aujourd'hui, il a été l'seul à m'toucher et m'faire craquer.

– Pas de détails, par pitié...

Rire léger.

– 'fin bref. Il était gentil, Jordy. L'était mignon, aussi. Avec ses dreadlocks et sa peau foncée. Ouais, l'était beau à croquer. Et, t'sais quoi ? Il était gay.

– C'est cool ça. Il avait quelqu'un ?

– Malheureusement non. Sa tarée d'famille était hyper croyante. Alors, malgré toutes mes menaces pour qu'il aille enfin avouer ses sentiments à son crush d'autre fois, il a jamais osé sortir avec qui que ce soit. Ça m'fendait l'coeur, p'tain.

– T'es pas la seule. C'est dégueulasse d'penser comme ça. On a qu'une vie. Qu'on s'éclate au lieu d'critiquer celle des autres, merde.

Regard amusé.