For your eyes only

Chapitre 9 : Hangover

J'émerge difficilement de ma nuit sans rêve, n'ayant pas la moindre idée de l'heure qu'il est.

Allongé sur le dos, un bras replié sur mon visage pour préserver mes yeux des rayons de soleil éblouissant, filtrants aux travers des rideaux entrouverts, je soupire profondément, regrettant de m'être autant laissé emporter hier.

Quand on est pompier, il y a toujours une intervention que l'on redoute, soit parce qu'elle nous force à repousser nos limites, soit parce qu'elle nous touche d'un peu trop près et réveille en nous une crainte ou un souvenir difficilement surmontable.

Et cet accident, et ce môme, m'ont vraiment bouleversé. Je ne pouvais m'empêcher de voir Louis à sa place. Ses grand yeux paniqués n'avaient rien à voir avec les siens et pourtant...

J'espère qu'il a pu retrouver son frère et qu'ils vont bien tous les deux. Ils ont échappé au pire hier, ce qui arrive malheureusement peu souvent dans ce genre d'accident. Ils ont eu beaucoup de chance ou une bonne étoile qui veille sur eux.

J'ai eu de la peine à le laisser partir aux urgences, même si je sais que c'était ce qu'il y avait de mieux à faire, j'aurais voulu pouvoir garder un œil sur lui, être sûr qu'il s'en sorte et reprenne sa vie de jeune adolescent.

Pour la première fois depuis longtemps, j'ai ressenti le besoin de prendre soin de quelqu'un d'autre. Je voulais être celui qui le rassure.

Je ne crois pas en dieu, ni en la vie après la mort, mais j'aime penser que cette intervention est un message de mon Lou, un électrochoc pour que je reprenne ma vie en main et que j'arrête de m'enfermer comme un loup apeuré dans sa tanière.

Ça fait si longtemps que je n'aie pas tenté de nouer une quelconque relation avec un autre être humain que je ne sais même pas si j'en suis toujours capable.

Suis-je vraiment prêt à laisser une personne s'approcher de moi, être suffisamment proche au risque de souffrir ou de faire souffrir... ? Suis-je assez fort pour ne pas m'effondrer en cas d'échec, de déception, de perte ? Saurais-je faire face à tout ça ?

Roulant sur le ventre, j'enfouis mon visage dans l'oreiller à la recherche de l'obscurité ou de la moindre solution efficace pour faire passer cette foutue migraine.

Alors que le sang martèle mon crâne, je grogne, me massant les tempes du bout des doigts espérant faire disparaitre cette douleur atroce. Les minutes passent et les pulsations désagréables ne font que s'intensifier.

Je m'assieds au bord du lit, la tête dans les mains, les coudes reposant sur mes genoux.

Le changement de position n'a fait qu'accentuer la douleur et a même déclenché de légers vertiges. Il me faut prendre appui sur ma table de nuit pour tenter de me relever.

Un léger froissement de papier quand je pose la main sur le meuble en bois attire mon attention et j'entrouvre les yeux pour voir de quoi il s'agit.

J'attrape la petite note pliée en deux et l'approche de mon visage pour tenter de déchiffrer l'écriture fine de ma vue légèrement trouble.

Même les plus forts d'entre nous ont parfois besoin d'une épaule pour se reposer... Je suis là si tu as besoin. A.D

Mais qu'est-ce que j'ai foutu hier ? Et qui est AD ? Il me suffirait d'appeler ce numéro pour le savoir ?

De toutes évidences, je ne suis pas rentré seul et c'est loin de me rassurer, quoique ça ferait peut-être plaisir à Trevor de le savoir, ce que je vais bien me garder de lui dire. Il se mêle assez de ma vie comme ça, inutile de lui donner plus de raisons de le faire.