6- La coupe des souvenirs

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Il n'était pas très sûr de la revoir. Elle lui a semblé si changée, si différente. Depuis le temps quand même ! Il ne peut lui en vouloir. Les gens changent, et lui a changé. Les gens sont en constante métamorphose, surtout ceux qui avancent, qui construisent, produisent. Elle, Lydia, avance, construit et produit.
"Si elle ne vient pas, je comprendrai pensa t-il"

-Je suis là! dit une voix dans son dos.
Un sourire s'afficha sur ses lèvres. Il s'assura de le faire disparaître avant de se retourner.

-Unh, fit Claude, feignant le dédain. Tu as pris ta décision ?

-Je vais le faire mais à une condition. Je veux passer le casting. Si je joue le rôle, je veux mériter de le faire.

-Mais pourquoi ? L'histoire a été écrite pour toi. Un casting ne serait qu'une perte de temps et le temps, nous n'en avons pas beaucoup. La production nous presse.

-Alors plus vite tu organiseras le casting, plus vite la production sera satisfaite, répond elle en s'éloignant.

-Lydia, attends ! J'ai écrit le scénario, mais je ne serai pas le seul à choisir si il y a un casting. Mon avis ne compterait que peu. La production voudra tout contrôler, déjà que j'ai eu assez de peine à leur faire accepter de te garder sans te faire passer de casting. Ils ont jugé que ta position serait un atout pour plus de visibilité à la sortie du film. Mais moi j'ai vu l'actrice et le talent d'abord. Tu pourrais perdre le rôle si une autre femme trouve grâce à leurs yeux et j'aurai abattu tout ce travail pour rien. Le risque est grand.

Lydia resta pensive. Elle plongeait en lui un regard neutre. Après quelques instants, elle dit:

<<Sais-tu ce qui est triste ? Ce qui est triste, c'est que tu sois capable de partir à l'autre bout du monde écrire un rôle pour moi, mais n'as pas foi en ce qui concerne le fait que je le mérite vraiment>>. Puis elle quitta les lieux sans mot dire.

Elle a raison, pensa Claude. Mais elle a tord de penser qu'il doute d'elle. Au contraire, il connaît ses extraordinaires capacités d'actrice. Le problème, c'est qu'elle ne s'est pas entraînée depuis trop longtemps. Elle est rouillée. Il faut qu'il la remettre au pas avant tout. Si elle veut passer un casting, pourquoi pas? Mais pas dans cet état. Il prit son téléphone et l'appela.

-Allô ? Oui, viens me rejoindre à Gramcity.

-Le Ghetto ?

-Lui même. Surtout ne porte pas de bijoux.

Il n'avait pas besoin de le lui préciser. Elle n'a certainement pas oublié l'épisode où elle a perdu le collier le plus précieux de sa mère dans ce même Ghetto. La première fois qu'ils s'y sont rendus, c'était sous proposition de Claude. Celà remonte à bon bout de temps maintenant, mais elle s'en souvient avec une netteté indiscutable. Claude disait avoir quelque chose de beau à lui montrer.

-Tu verras, c'est extraordinaire ! a t-il plaidé lorsqu'elle a dit non. Pour la convaincre, il lui a dit connaître l'endroit. Il a même juré avoir des amis dans ce ghetto. Bien sûr elle ne le cru pas, mais il s'agit de Claude après tout. Il pourrait vous dire être un intime de la Reine d'Angleterre, vous aurez du mal à ne pas le croire. Elle ne tarda pas à vite être convaincue que Claude n'a aucune connaissance de ce ghetto. Ce jour là, ils perdèrent même leurs chaussures. Elle était en larme. Son téléphone portable difficilement acquis après des mois de cotisation et le collier de que sa mère a hérité de sa grand-mère y sont passés. Claude aussi fut dépouillé de tout, mais contrairement à elle, lui il en riait. Ce connard se moquait d'elle!

-Tu as une drôle de manière de pleurer, osa t-il ajouter pour couronner le tout.

-Toi, je te ferai la peau répondit Lydia entre deux sanglots.

Il s'escaffa alors de plus belle. Lydia était pétrifiée de peur au milieu de tous ces hommes et femmes vêtus de manière ridicule et qui agitent des couteaux ou tout autre objet tranchant, le visage à moitié camouflé par la fumée provenant de leurs joins à la weed.

-De quoi as-tu peur? lui demanda Claude alors qu'ils continuèrent à marcher. Tu as déjà été dépouillée de tout. Que veux-tu qu'ils nous prennent encore ? Dans cet état actuel des choses, où nous sommes pieds nus, c'est nous les miséreux. Pas eux.

-Tais-toi et marche ! J'ai peur qu'ils me prennent aussi la vie. De toutes manières, geigna t-elle les dents serrées, toi ta vie n'a plus aucune valeur. Si ils ne te la prennent pas, je le ferai moi même et de mes propres mains, une fois que tu m'auras ramener chez moi.

-Nous devons aller vers ce que je voulais te montrer.

-Es-tu fou? Nous nous ferons fumer.

Il s'arrêta un instant, l'examina de haut en bas en silence et lui dit:<<Je t'ai déjà dit qu'ils ne s'en prennent pas aux miséreux. Dans l'état actuel des choses où l'un d'entre eux t'a dépouillé de tout ce que tu possèdes et même de ton collier et de tes chaussures, il est très difficile de sembler plus misérable que tu ne l'es>>.

Elle n'en revient pas qu'il ait dit ça.

-Ça tu me le paieras garçon ! a t-elle répondu en continuant de le suivre.

Ils marchaient encore quelques minutes et se retrouvaient en face d'un bâtiment délabré, en plein cœur du ghetto.

-C'est ici, fit fièrement Claude en montrant du doigt le bâtiment.

- Est-ce une blague ?

-hum?...

- Tu m'as fait traverser la ville, laissant des individus puants la sueur et le shit me raquetter tout ce que j'ai sur moi pour voir un bâtiment abandonné, délabré, laissé dans un piteux état ?

-Ça c'est ce que tu as choisi de voir. Ce que moi je vois, c'est un local pour chanter, danser, rester isoler du monde pour écrire des pièces et les perfectionner. Ce sera notre espace Lydia. Ici tu pourras danser, comme tu voudras.

-Et les gars qui nous raquettent? Tu en fais quoi? Tu crois qu'ils vont nous laisser l'espace juste comme ça?

-Depuis deux mois, chaque soir, des bruits de font entendre à l'intérieur. Des sortes de lamentations... La rumeur cours donc que l'endroit serait hanté, répondit Claude un large sourire aux lèvres en accompagnant ses mots d'un clin d'œil.

- Oh non! Le fantôme c'est toi?

- Peut-être !dit-il en souriant.

-Mais as-tu juste vu l'état de ce truc ? Tu m'auras tout fait voir.

-Eh bien, une petite rénovation s'impose.

-Je n'entrerai pas là.

-Attends moi donc ici, dit-il narquois.

Il sait que jamais Lydia n'accepterait rester toute seule au milieu du ghetto. La bâtisse n'avait plus réellement de porte. On peut y entrer par des sortes de trous, emplacement jadis de fenêtres qui n'ont su résister au temps, à l'abandon et aux assauts répétés des brutes qui l'on découvert avant eux. L'endroit lui donna la chair de poule. Les araignées y avaient construits toute une cité de toile. Un rat dans sa course, passa sur le pied de Lydia. Elle hurla et sauta au cou de Claude. Elle ne voula plus que ses pieds touchent le sol. Claude se garda bien d'éclater de rire, malgré la drôlerie de la situation. Son sein collé contre elle, il pouvait sentir son cœur battre la chamade. Elle a peur et il respecte sa crainte. Elle le serrait si fort qu'il étouffait presque. Elle lui faisait confiance, et se sentait en sécurité avec lui. Il respectait également celà. Délicatement, il la fit descendre et fit quelques pas en avant. Il scruta l'endroit dans sa globalité et se frotta les mains de satisfaction. L'endroit est aussi grand qu'il le souhaite. Il n'abandonnerait pas cet endroit pour des rats, des moustiques et des araignées.

Lydia sourrit au souvenir de cet épisode. Elle n'a depuis longtemps, plus mis le pied dans le ghetto de Gramcity. Elle se mit dans sa voiture, toute heureuse de retourner à l'endroit même où les rêves ont été nourris.

Lady LydiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant