ALBERTA ROAD - 3 - Le jour où tu es apparu

Chapitre - 1 - Première partie

Josh

Une main sur le volant, je m'engage sur la route à la suite du vieux camping-car de Cole et de sa remorque. Les dents serrées, je tente de supporter au mieux les élancements qui ne cessent de vriller mon épaule depuis ma chute, et je regrette déjà d'avoir vidé le flacon d'antidouleurs dans l'évier. Je me fais parfois l'effet d'un véritable abruti, à agir ainsi sous l'impulsion du moment.

Le plus grand silence règne dans l'habitacle du pick-up. Une tranquillité qui apaise peu à peu mes nerfs et mon esprit mis à rude épreuve. Les cauchemars, de plus en plus insoutenables, n'en finissent pas d'envahir mes nuits et l'épuisement me guette à nouveau.

Le ranch des Parker a disparu dans notre dos depuis bien longtemps, lorsque j'étouffe un énième bâillement et bifurque enfin après Cole dans un chemin de terre qui gravit une côte. Là-bas derrière se trouve notre nouveau chez nous.

Le Heaven's Ranch, niché au cœur d'un magnifique paysage montagneux, plus escarpé et sauvage encore que celui du père de Becca. Je découvre de vastes prairies vallonnées qui dévalent à l'infini au pied des Rocheuses majestueuses.

Une femme en tenue de travail nous indique où nous garer et me guide avec de grands gestes tandis que je positionne mon véhicule et sa remorque vide le long d'un immense hangar. L'odeur fraîche des bois et d'un ruisseau tout proche m'emplit les narines au milieu de la touffeur estivale à l'instant où je quitte l'habitacle climatisé pour rejoindre Cole près de son tas de ferraille. La personne qui nous a accueillis s'avance alors vers nous, sourire aux lèvres.

— Bonjour messieurs ! Je suis Tara Ridley, la propriétaire du Heaven's Ranch. Je peux dire que Lucas a eu une riche idée de vous recommander à moi, vous arrivez à temps... je suis surmenée cette année. Toi, tu dois être...

Elle s'approche de Cole en lui tendant la main.

Quand ce dernier s'en empare, je peux lire la surprise dans son regard. Nous n'avons encore jamais été employés par une femme, et je comprends soudain que, contrairement à moi, Lucas n'a pas jugé bon d'informer mon compagnon de route de l'identité de notre nouvelle patronne. La suite de cette journée risque d'être extrêmement divertissante...

Malgré son étonnement, Cole se présente d'une voix ferme.

— Cole. Cole McKnight, Madame Ridley.

Appelle-moi Tara ! C'est un plaisir de te rencontrer, Cole.

Elle se tourne alors vers moi.

— Et tu es donc... Joshua, si ma mémoire est bonne ?

— C'est exact, Madame. Josh Walker, rectifié-je toutefois.

— Lucas m'a expliqué que tu allais devoir faire de la physiothérapie pour cette épaule, c'est bien ça ? me questionne-t-elle en désignant mon écharpe.

Pourquoi ai-je encore l'impression désagréable que tout le monde tente de me materner ?! J'ai trente et un ans, nom de Dieu, je sais prendre soin de moi ! Et quoi qu'en pensent Will et Cole, on ne survit pas à trois déploiements en Afghanistan sans un minimum de bon sens.

— Oui. Mauvaise chute, acquiescé-je en touchant mon membre blessé.

Qu'est-ce que je peux ajouter d'autre ? Ce n'est rien de plus, après tout.

Alors que notre hôtesse s'apprête à poursuivre, un bruit sourd provenant de la remorque de Cole interrompt fort à propos notre échange. Les chevaux piaffent d'impatience. Avec la chaleur de ce début d'après-midi, quoi de plus normal ! Je me dirige à la hâte vers la porte arrière en les remerciant silencieusement d'avoir détourné la conversation sur des considérations moins personnelles.