Vulnérable (Tome2 AVIFic - BxB)

CHAPITRE DIX-SEPT

PDV ALASTAIR.

Nous sommes de drôles de spécimens. La nature humaine est imprévisible et sans doute si corrompue depuis la nuit des temps qu'elle en devient hideuse. Les vices se transmettent, se multiplient. C'est finalement peut-être plus simple de n'être qu'un cheval.

Telle est la réflexion que je me fais tandis que je suis supposé terminer ma recherche sur la mécanique de défense de l'organisme face à une greffe du cœur. Honnêtement, regarder Rex évoluer sur la piste de sable me semble une bien meilleure façon de passer l'après-midi. Même s'il ne fait plus autant d'équitation qu'avant, il a gardé ce truc. Un peu comme le vélo, ça ne s'oublie pas. Ses mouvements sont gracieux et harmonieux, et le cheval est en communion avec lui. Je ne comprends pas tout du lien qui les unit, mais il semble pur et vertueux.

Après un petit moment à les observer, je finis par fermer la page de recherche sur mon téléphone. C'est ainsi que je retombe sur l'onglet de citations que j'avais conservé. Mes remerciements à propos des clés étaient assez implicites. Parler du chaos m'a donné envie d'ajouter un post-it sur son mur et, comme je suis incapable d'inventer une phrase, j'ai voulu recopier une citation ... Sauf que je suis bloqué depuis. Il y en a tellement. Le pire, c'est qu'elles ont toutes du sens. Je ne peux clairement pas toutes les recopier sinon, on va avoir des post-it même au plafond et dans les autres pièces de l'appartement.

En attendant que Rex termine sa séance, je m'y penche une nouvelle fois et finis par retenir deux citations qui font sens. Elles me parlent tout en gardant suffisamment de mystère pour nous laisser matière à réfléchir. Coline Serreau aura donc sa place sur le mur, en priorité. « Le chaos est rempli d'espoir parce qu'il annonce une renaissance ». Ce sont de belles paroles qui méritent d'être mises en avant. Rex et moi, nous nous détruisons pour mieux nous reconstruire, à chaque fois. Cela nous illustre bien. Je note également une citation de Gao Xingijan. « Il ne faut pas sonder les âmes, il ne faut pas rechercher les causes et les effets, il ne faut pas chercher le sens, tout n'est que chaos. » La promesse de ne pas le forcer à parler tant qu'il n'est pas prêt à le faire. Je l'accepte comme il est et lui promet de lui laisser la liberté qui lui est nécessaire pour avancer vers la délivrance. En quelque sorte. C'est assez compliqué à exprimer de façon claire.

Je range ensuite mon téléphone dans l'une des poches de mon jean, sentant sous mes doigts le fameux trousseau de clés. C'était si étrange, ce moment. J'ai l'impression que c'était hier tant cela me paraît irréaliste. Pourtant, nous sommes bientôt fin novembre. Le week-end prochain, le onze fera place au douze sur les calendriers. C'est fou comme le temps passe vite, en particulier lorsqu'on ne se dispute pas. Je n'arrive pas à croire que l'on puisse autant se tirer dans les pattes. Même lorsque je vivais chez mes parents, je ne me disputais pas comme ça avec eux. Je crois malgré tout que le conflit est quelque chose de quotidien chez Rex. Même si ses parents ont l'air fantastiques, j'ai cru comprendre que des tensions les éloignaient. Cela ne date pas d'hier. Mais une fois encore, Rex est très secret à ce propos.

Depuis que je suis donc officiellement invité à squatter l'appartement autant que je le souhaite, les choses me paraissent totalement abstraites. J'ai l'impression de vivre sur une autre planète, avec juste mon corps coincé sur Terre. Tout me paraît euphorique, comme le fait que Evan soit en fait très proche de Cole. C'est étrange, cette façon que j'ai eu de le prendre en grippe sans raison. Peut-être que mon inconscient cherchait à me protéger. Je suis un peu nul sur ce genre d'hypothèse, je laisse ça aux psychiatres et à tous ceux qui s'intéressent au cerveau. C'est bien trop complexe pour moi. Toujours est-il que je vois des connexions entre beaucoup de choses qui me semblaient totalement hors sujet. Je dois un peu avoir l'air d'un fou, ou défoncé. Mais c'est véritablement fascinant.