CHAPITRE DIX-NEUF

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PDV ALASTAIR.

Le jour J est enfin là. Je l'imaginais sous un grand soleil mais, alors que le réveil vient de sonner, il fait encore nuit dehors. Rex a l'air d'un zombie et je ne peux pas prétendre avoir meilleure mine. Je le soupçonne malgré tout de mal dormir depuis deux jours. Plus que d'habitude, je veux dire. Les cauchemars sont monnaie courante et il n'arrive pas à s'en séparer. Les nuits les plus apaisantes sont celles qu'il passe en journée. Une fois réveillé de son mauvais rêve, il ne ferme plus l'œil. Je le sens souvent se tourner et se retourner contre moi. Pourtant, depuis le diner de l'autre jour, Rex est une ombre. Il ne parle pas beaucoup, se jette dans ses révisions et je sais parfaitement que ce n'est qu'un prétexte.

Cet été, on a beaucoup discuté de notre appréhension des choses face à la dispute que nous avions eue. Enfin, disons plutôt face au passage à tabac qu'il m'a fait subir. Je lui avais expliqué que mon moyen de ne pas réfléchir résidait principalement dans le fait de réviser. J'ai comme l'impression qu'il tente cette technique pour faire barrage à son esprit. Je ne sais pas ce qui lui fait peur à ce point, mais j'en suis convaincu, Aedan n'est pas le principal responsable de ce mal être. Il y a autre chose, de plus sombre et de plus profond. Quelque chose qui refait surface aux moments de la journée où il est le plus vulnérable.

- Tu veux des œufs ? me questionne-t-il depuis la cuisine tandis que je suis en train de m'habiller.

- Heu non, je crois que je vais juste prendre des céréales.

Je n'ai jamais trop faim quand je me réveille de bonne heure. Et là, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il est tôt. Nous devons aller à la gare, prendre le train jusqu'à Londres, puis se rendre à l'aéroport et, ensuite, prendre l'avion. Mon père a dit que quelqu'un viendrait nous chercher une fois à Paris. Nous sommes samedi, je ne pense pas qu'il travaille, mais je suppose qu'il ne veut pas rencontrer Rex dans un aéroport.

- Ça va, tu te sens prêt ?

- Tu connais cette sensation que tu as quand tu attends quelque chose ? Tu es super excité puis, quand l'échéance arrive, tu n'as plus envie, tu réfléchis au moyen d'annuler et de rester bien tranquillement chez toi. Mais tu ne fais rien et puis le jour que tu attendais est là, et alors tu es largué parce que tu ne sais plus ce que tu ressens. Est-ce que tu es si excité que tout te fait flipper et que tu en deviens dément ? Ou au contraire, tu te demandes si c'est vraiment une bonne idée. C'est un peu un mélange de tout ça, là.

Même si la fin de son explication me laisse pantois, je comprends ce qu'il a tenté de me dire. Je pense que ce n'est pas la première fois qu'il ressent ça. Sans doute quand il était escort et qu'il a reçu son premier client ... C'est trop étrange à chaque fois que j'y pense. Il était mineur et personne ne s'est rendu compte de rien. Le pire, c'est qu'il en parle avec un certain détachement, comme s'il m'avait annoncé avoir travaillé dans un fast food étant plus jeune. Bien sûr, c'est un métier comme un autre, mais ce n'est très certainement pas un job étudiant.

- Ça m'a fait ça quand je suis parti en colonie pour la première fois, je réponds en piochant dans mes souvenirs. J'étais super jeune, mais je me souviens que je ressentais trop de trucs à la fois. Je crois que j'ai même fait une crise d'asthme, alors que ... bah je suis pas asthmatique. C'était trop bizarre.

- Ça te pince l'estomac mais tu sais pas si c'est du stress ou de l'adrénaline, continue-t-il.

On continue de débattre sur cette étrange sensation tandis que l'on range nos affaires pour partir. Le timing est serré et nous avons donc tout réglé de façon à avoir un peu d'avance à chaque fois. Enfin, c'est Rex qui a fait ça. Il a tout organisé et il a même fait un plan de ce qu'on pourrait voir à Paris en fonction d'un tas de paramètres. Je crois qu'il a mis en premier les lieux les moins touristiques.

Vulnérable (Tome2 AVIFic - BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant