PDV ALASTAIR.
Ses expressions changent au fur et à mesure que ses yeux parcourent les mots qu'il a écrits et qu'il a oubliés. Rex passe de l'indignation à l'incrédulité avant de terminer par une douleur sincère qui me tord l'estomac. Son poing fermé empêche ses lèvres de trembler mais son regard empli de larmes ne trompe pas. Il finit par plier la lettre et la laisse retomber mollement sur le drap qui le recouvre en fuyant mon contact.
Pendant un long moment il ne parle pas et refuse de me regarder. Une aide-soignante apporte son plateau repas qu'il mange dans un silence pesant et empli de sous-entendus. Sa fourchette ne cesse de tinter contre son assiette, tic nerveux qui trahit sa faiblesse. Se rappelle-t-il désormais de sa fin de semaine, de ces jours qu'il a passés dans un flou total ? Lorsqu'il termine de manger la compote, il repousse la table roulante et soupire fortement.
- Je ... je me souviens du week-end. Pas de tout, mais de l'essentiel, me confie-t-il sans lever les yeux vers moi.
Il me raconte comment, alors que je dormais sur le fauteuil, il s'est échappé de l'appartement et de la ville, emportant son ordinateur avec lui. Il me conte avec peine les larmes qui roulaient sur ses joues alors qu'il pensait ne plus avoir assez d'eau pour les laisser s'échapper, les souvenirs qui lui donnaient envie de hurler tant ils étaient vivaces dans son esprit. Il m'avoue avoir posé l'enveloppe sur le lit avant de partir à nouveau et d'avoir passé la nuit chez Abby, avant d'enchainer à nouveau les conneries.
- Je me suis levé et, bah, je me sentais toujours aussi vide de l'intérieur. J'avais peur que tu ... je ... j'en sais rien. Peut-être que tu me juges même maintenant et que tu veux plus de moi mais que t'es là par pitié. Je sais que je suis une mauvaise personne et que t...
- Arrête de dire ça ! je m'emporte. Arrête de penser ça, de l'inscrire dans ta tête alors que c'est faux ! T'es coupable de rien du tout ! T'es une victime, Rex. Tu ... t'as ... bref, c'est pas ta faute. Peu importe si tu penses les avoir chauffés avant, on n'est pas des bêtes sauvages. Personne peut se cacher derrière cette excuse. Note bien ça : tu es innocent.
Ce sont peut-être les mots de trop puisqu'il se met à pleurer à chaudes larmes, réclamant mon contact tout en voulant m'éloigner de lui. Il bredouille, tente de parler, mais les mots sont confus et ses phrases n'ont pas de sens. Il lui faut un moment pour se calmer, pendant lequel la colère prend peu à peu sa place en mon sein. Comment peut-il penser ainsi et se flageller pour quelque chose dont il n'est pas responsable ? Depuis tout ce temps, il porte ce fardeau en pensant avoir mérité ce qu'il a vécu ... mais personne ne mérite de vivre une telle chose. Aucun être vivant sur cette planète ne mérite de souffrir et de subir les affronts de pervers dangereux. Ni les Hommes, ni les animaux. Personne.
- Tu comprends pas, tu sais pas, n'arrête-t-il pas de répéter.
- Si je sais ! Je sais que t'as rien fait qui mérite que tu vives ça. Tu es une victime pas un coupable.
- Arrête avec ce mot ! Je suis pas une victime !
Un autre silence ponctué de ses pleurs s'installe dans la chambre, me laissant tout le temps nécessaire pour réfléchir à mon tour. Je ne comprends pas qu'il se sente responsable et je voudrais tant lui ôter cette idée de la tête. Mais d'autres pensées reviennent m'étreindre, me rappelant qu'il a tenté de m'appeler à l'aide et, qu'une fois de plus, je n'ai rien fait. Dans ma bulle utopique je n'aurais jamais pu penser que quelque chose d'aussi épouvantable puisse se passer dans la cabine jouxtant la mienne. Pour être honnête, je ne me souviens même pas de cette soirée. J'en ai trop vécu pour me rappeler de tous les soirs où je suis sorti. Mais j'aurais dû l'entendre m'appeler, le grattement contre la paroi, les gémissements de ces connards. Rien. Je n'ai rien vu, rien entendu. Je suis reparti comme si personne n'était en train de souffrir à quelques centimètres de moi.
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Vulnérable (Tome2 AVIFic - BxB)
RomanceCeci est un tome II. Le tome I se nomme "Apprivoisable" et se trouve dans "mes histoires". Le bonheur est un concept abstrait qui ne peut être saisi qu'en de rares occasions. Alors que tout brille, une part d'ombre nous attire toujours, irrémédiable...