Chapitre 12 / Un mot

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Partir en cours le lundi matin me sembla parfaitement irréel, du trajet en bus jusqu'à me retrouver au milieu de la foule qui se plaignait de la reprise des cours, tout était si loin dans ma tête. Je ne fis pas attention à ceux qui me bousculaient, au bruit autour de moi. Je lançais mon sac sur mon dos et m'enfonçais dans la masse.


Antoine se trouvait au milieu de ses autres amis, ceux qui n'étaient pas moi et pas comme moi, son bras passé autour des épaules d'une fille tout sourire qui avait posé sa tête sur son épaule. Je grimaçais, amer. Il ne m'avait rien dit, lui qui soi-disant me disait tout et je me sentis profondément vexé.

Il me vit, ne sourit pas. Nous nous toisâmes alors que je passais devant eux et qu'il me suivait du regard. Je rentrais dans le bâtiment une boule dans la gorge.


Et nous ne nous parlâmes pas de la journée, comme si quelque chose s'était tari entre nous. Je me repliais sur moi-même, la tête basse toute la journée, enfoncée dans l'écharpe de Sergueï que j'avais honteusement emportée avec moi.

Il n'était plus là au matin, le canapé intact et une couverture pliée à côté. Sa veste et l'arme avaient été emportées, le carton de pizza débarrassée, Akim aussi avait déserté, et cet enfoiré avait emmené une partie de moi en partant de l'appartement en pleine nuit.


Alors comme souvent, j'avais été seul toute la journée, sautant le repas pour une pause clope. J'envoyais un message à Marie pour la remercier d'être venu la veille et lui confier que rien n'était plus clair même après vu l'intéressé. Bien au contraire.

A dix sept heures, Antoine était toujours au bras de la même fille que j'avais décidé de ne pas apprécier, sans aucune raison. Sans pouvoir m'en empêcher, une vague de jalousie me transperça en la voyant l'embrasser. Je n'avais aucun droit sur lui, mais je voulais quelqu'un qui sois là pour moi, comme il l'avait toujours été depuis plus de deux ans. J'allumais ma clope sans le lâcher des yeux et il me fixait aussi, puis partis, sans un mot, sans un geste.



Ma mère était rentrée. Je passais devant elle avant de courir dans ma chambre, balançant mon sac par terre, enfilant un pull propre. Comme tous les lundis soir, j'avais fait mes devoirs à la bibliothèque du lycée parce que mon service commençait à dix-huit heures au Starbucks et que j'avais à peine le temps de me changer. Ne sachant jamais qui ou quoi pouvait être chez moi, surtout maintenant, je ne faisais jamais mes devoirs ici si je travaillais après.

Dans le bordel ambiant de la pièce, je découvris un papier plié sur mon oreiller que je fourrais dans ma poche sans le lire avant de ressortir en claquant la porte derrière moi.

« Myron ! Viens me voir, maman à quelque chose à te demander ! »

A contre cœur, je rentrais dans la cuisine où ma mère se tenait devant le frigo vide, sous l'ampoule grésillant qui menaçait de péter, dans la même robe que deux jours plus tôt. Les cheveux sales et le maquillage défait, elle tenta un sourire.

« Tu aurais un peu d'argent à prêter à maman mon cœur ? Le frigo est vide.

- Comme depuis une semaine. Tu ne devais pas trouver du travail ?

- Tu sais, maintenant il n'y a plus beaucoup de travail et ...

- C'est con. Non, je n'ai pas d'argent à te prêter.

- Mais comment tu vas manger mon poussin ?

- Je vais me démerder, maman. Comme toujours. »

Je tournais le dos, enfilais ma veste dans le couloir. J'attrapais mes clefs, vérifiais que j'avais bien pris mon badge et mes papiers.

« Tu vends de la drogue c'est ça ? C'est ça l'argent dans ta chambre hein ?!

- C'est ça, t'inquiètes, je t'en mettrai de côté ! »

Je dévalais les escaliers, allumais à nouveau une clope sans même être arrivé dehors. Je pris le métro, marchais dans la nuit déjà tombée et le froid qui me pris aux poumons, pour arriver au boulot, énervé, toujours à cran de la situation qui j'avais l'impression, n'évoluait jamais.

Je restais enfermé dans les mêmes murs, les mêmes cases, avec les mêmes personnes.

Je retirais prestement mon sweat dans les vestiaires, déjà en retard, faisant voler le petit papier plié que j'avais déjà oublié. C'était la feuille d'un de mes cahiers, où je découvrais quelques lignes couchées d'une écriture incroyablement belle.

Je ne suis pas la personne que tu crois Myron. Je dois partir qu

elques jours, accorde-moi un moment jeudi soir, au Saphir. Attends-moi près du bar, qu'importe l'heure, je serai là.

PS : Je vois que tu as gardé mon écharpe. Excuse-moi, j'ai donc procédé à un échange ; ne cherche pas le sweat que tu portais hier soir, il est avec moi.


Poupées Russes [BxB]  AUTO-EDITEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant