Recueil de One Shot

Texte 10: Adieux

Et d'un coup violent, elle l'avait égorgé. Cet être qui avait été le plus doux des amis venait de crever de ses mains. Ce n'était pas un geste irréfléchi, ni un acte de pure folie.

Quoique.

Et le rouquin face à elle convulsait.

Aramis Madsen était mort.

-Touché, dit-elle fièrement alors que ce mot résonnait comme une bêtise certaine.

Aramis Madsen était mort, sans chercher à combattre. Il était resté silencieux comme acceptant sa défaite. Son règne avait trop duré, ses caprices aussi. Elle le regardait et de son simple regard, semblait venger toutes ses victimes. Son regard était empreint de rage. D'une haine puissante qu'elle n'avait jamais connue.

Aramis Madsen était mort.

Le pays était-il libéré de sa terreur ou laissait-il la place à un autre meurtrier, plus fou et plus terrible encore ?

Eden n'avait toujours été que l'ombre d'Aramis. Et aujourd'hui et d'un seul coup, elle s'était délivrée de sa prison.

On la disait folle. On chuchotait en la voyant arriver. On murmurait qu'il y avait des voix dans sa tête. Tout cela était vrai. Eden n'avait jamais été saine. Pourtant Aramis était son seul équilibre. Plus question de se cacher derrière sa tignasse rousse. Le sang se révélait, la véritable nature coulait. Son rire avait éclaté dans la nuit. Plus rien ne bougeait. Le son de sa voix avait brisé toute humanité.

Ce n'était pas un geste irréfléchi, ni un acte de pure folie.

Quoique.

Et d'un coup violent, elle l'avait égorgé. Laissant le plus infect des criminels crever sur le bord d'une route.

Aramis l'avait regardée dans les yeux. Il savait ce qui venait. Il savait qu'il était mort. Mais il s'était laissé porter. Son succès, ses meurtres, ses perfides escroqueries l'avait mené au plus haut de sa gloire. Sans jamais le voir, piégé par son ego, Aramis avait été un homme fascinant. Eden ne pouvait que le remercier de l'avoir construite et menée jusqu'ici. Mais pour vivre réellement, pour se détacher de ce passé, elle devait le tuer. Ou il reviendrait sans cesse la hanter.

Il était maintenant temps d'enterrer l'emblème qu'il avait incarné.

Elle s'était abaissée à son niveau. Son corps était froid. Bientôt il pourrirait, puerait la mort. Elle lui ferma les yeux, l'embrassa sur le front et se releva.

Aramis Madsen était mort.

Et marchant royalement, Eden s'en allait conquérir ce monde qui l'avait sans cesse bannie.

Mais plus loin, et dans la sombre nuit, loin des yeux indiscrets, un nouveau regard, inconnu, invisible semblait naître, doucement, prêt à surgir.