"Bois" m'avait-il ordonné, sa main ferme poussant un verre jusqu'à moi et son regard de cendre posé sur mon expression de lassitude.
Un soupir, ce fut la première chose que mes lèvres s'autorisèrent à laisser échapper depuis que j'avais passé la porte du Seventeen cette nuit là. Mes fidèles amis ne s'étaient plus soucié de mes états d'âmes depuis que les premiers verres d'alcool avaient été servis, et pourtant, alors que la soirée battait son plein, Harry s'était tourné vers moi avec cet air froid qu'il avait l'habitude d'aborder. Je pouvais voir dans l'ombre de sa voix que ses peines étaient semblables aux miennes, et c'était peut-être pour cette raison qu'une amitié aussi forte nous liait. Mes yeux balayaient les visages m'entourant, et cette situation me semblait si familière, car une fois de plus, je me retrouvais figurant de la table 4 du Seventeen club. J'avais juste besoin d'être entouré au fond, car la solitude me semblait si morose qu'elle en devenait effrayante, alors je ne me plaignais pas, parce qu'ils étaient là, et que même si j'avais un jour fait l'erreur de penser qu'ils m'offriraient l'affection dont je manquais, il me restait toujours leur compagnie, et la rare attention qu'ils me portaient.
Je m'étais laissé tenté par le verre qu'on m'avait tendu, et l'alcool m'avait brûlé la gorge à m'en arracher les poumons. Je n'en voulu pas à Harry quand les rires moqueurs des garçons me parvinrent, il essayait seulement de me faire sortir de la timidité dans laquelle je m'enfoncais à chaque fois que l'on sortait tous ensemble, et puis le sanglant regard qu'il leur avait jeté les avait fait taire, m'évitant la totale humiliation. Mon existence redisparu aussitôt et les conversations aussi inintéressantes qu'obscènes reprirent sous mon regard méprisant.
Je marchais pieds nus sur les verres de mes souvenirs quand un regard aussi noir que mes lugubres pensées se posa sur moi, et une main devant moi se tendait, m'invitant d'une manière galante à me lever. Si seulement j'avais connu cet homme au beau visage, peut-être que mon hésitation ne se serait pas autant fait ressentir dans le silence soudain qui traduisait l'intrigue générale. Cette offre était si inhabituelle que tous les yeux autour de la table s'étaient dirigés vers la scène dont il était le protagoniste premier, car j'étais dans toutes les pensées condamné au rabaissement. Il me fallut plusieurs secondes, et une tape encourageante d'Harry dans les cotes pour qu'enfin je daigne me lever et poser ma main dans celle de l'homme silencieux qui me tirait déjà jusqu'au bar. J'osais espérer juste une seconde que ma naiveté ne me conduisait pas dans les limbes amers qui m'étaient communes à présent. Sans que je n'ai trop eut le temps de réaliser que je m'engageais à passer la soirée avec un inconnu, la main qui avait lâché la mienne quelques secondes auparavant me tendait un verre de champagne.
"Que me vaut votre attention ?" osais-je questionner d'une voix plus assurée que je ne l'étais réellement.
"Les hommes comme vous méritent un peu plus d'attention."
Sa réponse me laissa un peu troublé, et je pris une gorgée de champagne pour cacher la gêne qui envahissait mon être peu habitué à des paroles d'une telle élégance. Après quelques secondes de réfléxion, je tentais une nouvelle fois de percer ses intentions qui, malgré le sourire malicieux qui s'était dessiné sur ses lèvres, ne m'étaient toujours pas claires.
"Les hommes tels que moi ?
-Les hommes distingués.
-Qu'est ce qui vous fait dire que je le suis ?
-Vous n'étiez pas à votre place au milieu de ceux qui ne le sont pas."
Et une fois de plus, je me trouvais dans l'incapacité de répondre. Bien heureusement pour ma répartie qui venait d'en prendre un coup, le silence n'eut pas le temps de s'installer puisqu'une main assurée m'entrainait dans la foule jusqu'à un coin où les danseurs ne se déchainaient plus. Ce nouveau lieu semblait si calme que j'aurais presque pu oublier que nous nous trouvions dans un des clubs les plus convoités de la ville, et que de cette joie escomptée résulterait surement une affliction déchirante.
"Zayn" avait-il déclaré comme s'il avait lu dans mes pensées quand les nombreuses questions qui traversaient mon esprit s'étaient lues sur mon visage, et j'avais effectué un léger hochement de tête en répondant sur le même ton.
"Niall.
-Eh bien, Niall, je suis sur qu'il ne vous arrive pas souvent de vous laisser ainsi conduire par la main d'un inconnu."
La proximité entre nos deux corps me sembla beaucoup plus évidente tout à coup, alors que son souffle caressait ma joue et que les détails de son visage s'offraient à ma vue. Je me pris soudainement à la contemplation de ses traits définis, des nuances de brun dans ses iris sombres, de ses cils courbés d'une façon délicate, mais la panique m'empêcha d'assouvir complètement ma curiosité. Il ne me fallut pas plus longtemps pour comprendre que la situation venait de déraper, et mes convictions sur la bonté d'âme de cet homme au regard froid s'éffondrèrent.