Chapitre 12

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-Alors ? Me pressa-t-il en souriant. Il savait déjà ce que contenait la pochette.

-Des boucles d'oreilles. Dis-je lentement. Elles sont magnifiques.

Je ne mentais pas. Je fis glisser les bijoux dans ma main. Il s'agissait de boucles d'oreilles pendantes en argent, représentant un dragon. L'animal s'enroulait autour d'une perle de jade qui pouvait se marier à merveille avec le vert de la robe. Seulement, je n'allais pas pouvoir les porter.

-Mais, Monsieur... Je m'arrêtai à temps pour ne pas dire « monsieur le comte », et être obligée de répéter son prénom. Je n'ai pas les oreilles percées. Avouais-je déçue.

Je levai les yeux vers lui, j'avais peur de le décevoir. Je sentais qu'il tenait à ce que je les porte. Son sourire disparu, et je lus de la tristesse dans ses yeux couleur océan.

-Désolée, ... J'aurai bien aimé les porter pourtant.

C'est alors qu'il posa ses mains gantées sur les miennes.

-Marianne, ma belle Marianne, accepteriez-vous que je vous les perce ?

Je le regardai dans les yeux, craintive. J'avais peur d'avoir mal, ou que le trou s'infecte par la suite.

-Ne vous inquiétez pas, j'irai doucement. Faites-moi confiance.

Il n'attendit pas ma réponse. Il savait que je ne pouvais refuser. Il prit délicatement les boucles de mes mains. Il ouvrit sa veste, et dégrafa une broche qui se trouvait sur le revers. La broche était associée à un bijoux représentant ses armoiries. Il ouvrit la broche et prit délicatement mon menton de sa main gauche pour faire pivoter ma tête. Je senti le métal froid sur ma peau, puis l'incision. Je me crispai, ressentant une vive douleur, et l'instant d'après, il retirait l'aiguille. Rapidement, il fit tourner ma tête de l'autre côté, comme pour éviter de voir ce qu'il venait de faire. A nouveau, je senti l'aiguille froide entrer dans ma peau. Une larme quitta mes yeux. Je n'avais pas pu la retenir. Je sentais le regard du comte suivre le trajet de cette larme, épousant les traits de mon visage, coulant le long de ma joue, frôler ma bouche et descendre sur mon menton. Il retira enfin la broche, et à ma grande surprise, embrassa mon oreille endolorie. J'avais l'impression qu'il aspirait le sang qui sortait. Je me demandais ce qu'il faisait. Il agissait de façon très bizarre, gênante même. Je n'osai pas bouger, et restait figée, quoique légèrement tremblante, mon oreille tournée vers lui. Alors, il prit mes épaules dans ses mains, et me tourna face à lui. Il prit les boucles d'oreilles une à une et les inséra dans les trous qu'il venait de créer.

-C'est bien, vous avez été courageuse. Dit-il. Puis, il m'embrassa sur le front pour me réconforter de la douleur qu'il venait de m'infliger.

Je me laissai faire, puis comme reprenant mes esprits, je me reculai. Son comportement me dérangeait. Je n'étais qu'une domestique, et je devais rester à ma place.

-M... Merci Monsieur.

Si Madame la comtesse voyait ce qui venait de se passer ! Je n'osais même pas imaginer la scène qu'elle ferait à son mari.

Il se sépara de moi et s'éloigna un peu. Il me sourit. Il prit mon menton de sa main et tourna mon visage pour admirer tous ses côtés.

-Elles vous vont à ravir. Souriez pour voir.

Je m'exécutai timidement. Son visage s'illumina.

-Parfait.

Il me relâcha.

-Qu'y aura-t-il à ce bal ? demandai-je, désireuse de reporter l'attention sur autre chose que moi.

-Des personnes spéciales, vous verrez... me répondit-il en se refermant.

-Comment ça spéciales ?

-Ce n'est pas parce que je parlerai à certaines personnes que vous pourrez leur faire confiance. Ne faites confiance à personne d'autre qu'à moi.

Je commençais vraiment à redouter cette réception. Allait-ce être plus angoissant que mon arrivée au château des Volkov ? je dus pâlir car le comte pris un sourire apaisant.

-Mais tant que vous restez avec moi, vous n'avez rien à craindre. Me rassura-t-il.

Puis, son regard se fit songeur.

-Normalement...

Nous nous tûmes un long moment. Je regardai le paysage défiler à travers la fenêtre. J'étais bien décidée à ne pas quitter Nikita d'une semelle. Mon instinct me criait, me hurlait de ne pas me rendre à cette réception. Même le comportement du comte me paraissait suspect. Ces gestes étaient étranges, inhabituels, et je ne savais quoi en penser. Nous roulâmes toute la journée. Le crépuscule commençait à tomber. Les nuits n'étaient pas chaudes. Je remontai un peu plus haut la couverture que j'avais pris soin de prendre avec moi.

Le comte me jeta un œil. Il savait que j'avais froid, mais ne pouvait rien faire.

-Nous arrivons. Me dit-il enfin.

Je me penchai à la fenêtre. Un château bordé d'un cours d'eau se dessinait, entre les hauts sapins et les nuages noirs de la nuit. Le château était bien plus grand que celui des Volkov. C'était encore plus de raisons d'avoir peur.

-N'ayez pas peur, je suis là. Me répéta Nikita, comme s'il lisait dans mes pensées. J'entendis les chevaux hennir. Une grille en métal s'ouvrit dans un bruit fracassant. Le brouillard était si dense que je ne voyais pas où nous allions. Je remarquai alors des teintes inhabituelles dans le brouillard. Je voyais apparaître ici et là de la brume verte, ou violette. Le comte me prit par l'épaule pour m'éloigner de la fenêtre et me ramener vers l'intérieur de la calèche. Il sorti un loup en dentelle noire et me le tendit.

-Mettez-le, et ne l'enlevez pas si vous n'êtes pas seule.

Je pris le masque et l'accrochait derrière ma tête. Il sorti à son tour un masque en tissu noir, pour lui. Il le mit.

-Pensez-vous pouvoir me reconnaître ainsi ? Me demanda-t-il.

Je le regardai attentivement. Je mémorisais ses traits fin, ses cheveux bruns et souples caressant ses épaules, ses doux yeux bleus, sa fine moustache brune, sa bouche délicate. Il portait un costume bleu marine, brodé de feuilles d'or au niveau des manches et de l'ouverture avant. Oui, je pensais m'en souvenir.

-Bien. De toutes manières, je vous reconnaîtrai. Dit-il en m'offrant sa main.

La calèche s'était arrêtée. Je pris sa main, et nous sortîmes. 

La morsure des VolkovOù les histoires vivent. Découvrez maintenant