Chapitre 15

320 29 12
                                    

C'était une musique très rapide et je ne m'imaginais pas danser dessus.

-Surprise ! s'écria le duc Proklyatyy. Le spectacle n'est pas fini.

Nikita soupira et me lâcha.

-Marianne ne bougez pas. Et il partit. Me laissant seule. Je voulais le supplier de rester, mais il avait déjà disparu.

C'est alors que des hommes habillés de rouge, avec une toque de fourrure sur la tête, et un sabre à la main entrèrent en criant. Ils avancèrent en sautillant, mimant le fait qu'ils étaient à cheval. Leurs pieds s'agitaient dans tous les sens. Puis ils descendirent de leurs chevaux imaginaires et formèrent une ronde en pas-chassés, les bras tendus. Les sabres claquèrent entre eux. Ils se tournaient de tous les côtés en sautant, montant leurs jambes très haut et ouvrant leurs bras. Leurs sauts et jeux de jambes étaient impressionnants. Je devais avouer que ce spectacle-ci était plaisant. Il s'agissait d'une danse guerrière des pays de l'est. Puis les hommes se regroupèrent deux par deux et firent des cabrioles les uns sur les autres. Leur coordination était parfaite. Ils tournaient à une vitesse folle en se donnant les mains et j'avais l'impression que leur danse les étourdissait moins que moi. Puis des tambours retentirent, les duos se mirent face à face et mimèrent un duel, esquivant les coups de sabres en sautant ou en roulant sur le sol. Les sabres s'agitaient sans toucher personne. Ils dansaient. Puis les tambours s'arrêtèrent, marquant la fin des duels. Les danseurs regagnèrent en quelques enjambées la périphérie de la scène pour laisser entrer un nouveau danseur... Nikita.

Il entrait en saltos arrières, et entre chaque saut, repliait son corps en arrière, de façon à ce que ses pieds touchent sa tête. J'étais ébahie par la force et la souplesse du comte. Puis, genoux à terre, il se mit à tourner comme une toupie folle, tantôt sur les genoux, tantôt sur ses pieds. Derrière lui les autres danseurs faisaient des croisés de jambes et mimaient une chevauchée effrénée. C'est alors que le comte se releva et fit un saut incroyable, écartant ses jambes au maximum, il toucha ses orteils du bout de ses doigts. Il recommença trois fois son grand écart aérien sous les applaudissements de tous. Ce n'était pas la comtesse qui aurait pu faire ça. Mon maître avait décidément des talents insoupçonnés.

-Comtesse Volkova ?

Je mis un peu de temps avant de comprendre que l'on m'appelait. Un jeune homme brun se tenait derrière moi et me salua. Il portait un masque dont la partie droite était noire, et la partie gauche, blanche.

-M'accorderiez-vous cette prochaine danse ?

Je déglutis. Pourquoi me proposait-il cela ! Il y avait plein d'autres femmes autour !

-Désolée, j'ai réservé toutes mes danses à mon mari. Répondis-je avec une voix la plus assurée possible.

-Je suis Alexei. Se présenta-t-il en faisant une révérence.

-Et moi Tatiana.

Je devinai ses sourcils se fronçant sous on masque. Il partit.

Mon cher comte était toujours à faire des cabrioles. A présent, accroupis et les bras croisés, il jetait ses jambes en l'air. Enfin, la musique prit fin, et il salua la foule sous un tonnerre d'applaudissement. Il avait été remarquable. J'applaudis aussi.

Une valse commença et les convives se ruèrent sur la piste de danse. J'eus juste le temps d'apercevoir Nikita me faisant signe de la rejoindre, avant qu'il ne soit noyé dans la foule.

Je devais aller vers lui le plus vite possible. Je ne voulais pas le perdre de vue une seconde de plus. Mais les autres danseurs me compliquaient la tâche. Il fallait que je me faufile entre les couples. Certains me regardaient passer avec un drôle d'air. Ils me faisaient peur avec leurs masques aux nez crochus. Ils me rappelaient les masques que portaient les médecins lors de la peste. Enfin, j'aperçu mon cher comte au milieu des danseurs. Droit et souriant, il m'attendait. Un grossier personnage me barra le passage en m'attrapant par la taille. Je me libérai rapidement en tournant sur moi-même et en me déportant sur le côté.

Je remarquai alors le pommeau de la canne d'un autre invité. Elle représentait une tête d'oiseau, mais elle avait quelque chose d'effrayant. Ce n'était pas un bel oiseau, cela ressemblait plus à une tête de lézard décharné. C'est alors que le pommeau ouvrit son bec pour me pincer. Je fis un bond en arrière, épouvantée. J'avais crié, mais la musique avait couvert ma voix. Le propriétaire de la canne et sa cavalière se retournèrent vers moi et explosèrent de rire. J'étais paniquée et priai pour retrouver Nikita le plus vite possible. Je le cherchai des yeux. Il n'était plus là. Je commençais sérieusement à paniquer. Le souffle court, je tournais la tête de tous les côtés.

-On a perdu quelque chose ma belle ? me demanda une voix grinçante.

L'homme qui m'avait posé la question avait le dos courbé, et un mauvais sourire sur la figure. Son masque brun était hideux, avec un nez crochu et des cornes.

-Non. Répondis-je en m'éloignant.

Mais je l'avais sous-estimé. Il avait beau être laid, il gardait une grande vivacité. Il m'attrapa par le poignet et me tira vers lui.

-Vous sentez bon. Fit-il en me reniflant.

-Lâchez-moi ! Me débattis-je.

-Je ne savais pas que les sorcières sentaient aussi bon... la chair fraîche.

Ces paroles glacèrent mon sang. Grâce à un dernier élan de survie ou de désespoir, je parvins à me libérer, et m'éloignai le plus vite possible de ce dangereux personnage. Je devais être livide, mon cœur battait comme s'il voulait sortir de ma poitrine et s'enfuir loin de tous ces gens bizarres. Je transpirais à grosses gouttes. Je devais retrouver Nikita ! Lui seul pourrait me sauver.

Je sursautai quand je sentis une main se poser sur mon épaule, et un souffle chaud courir sur ma nuque.

-N'ayez pas peur, moya dorogaya, vous n'avez rien à craindre avec moi. Me chuchota alors une voix rassurante. 

La morsure des VolkovOù les histoires vivent. Découvrez maintenant