Chapitre 1.09

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Il lui offrit son bras en signe d'assentiment, et ils parcoururent tranquillement le chemin inverse, dans le silence que suscitait la poursuite de leurs pensées secrètes, différant chez chacun d'eux. Enveloppés dans une bulle de bien-être, rien ne les avait préparés à la scène qui s'était jouée en leur absence, et qui marqua la fin des festivités. Ils parvinrent sur la place, confus, et bientôt alarmés par le changement brutal d'ambiance ; les musiciens avaient cessé de jouer, un murmure agité se propageait parmi la foule qui trépignait, et des pleurs s'élevaient çà et là en son sein. Loup localisa rapidement et héla son frère qui, non loin d'eux, affichait un regard sombre, le front plissé d'inquiétude. Le soulagement se propagea néanmoins sur son visage lorsqu'il aperçut Loup, et il s'avança à leur rencontre.

— Que se passe-t-il ? s'enquit Loup, troublé.

— Un bûcheron, mort, répondit Nathan avec gravité. Près de la forêt, et seul.

Il échangea avec Loup un regard appuyé, qu'Elfée remarqua sans savoir l'interpréter.

— Il nous faut rentrer chez les parents, ils nous attendent, reprit-il.

Loup se tourna vers Elfée : celle-ci affichait une pâleur préoccupante. Il prit son frère à part, et lui chuchota rapidement :

— Je ne peux pas la laisser seule, laisse-moi la raccompagner et préviens tout le monde. Je vous rejoins dès que possible.

Nathan acquiesça brièvement.

— Fais vite, glissa-t-il avant de s'éclipser.

Loup s'empara avec douceur de la main d'Elfée toujours sous le choc, les yeux écarquillés et le regard lointain.

— Je vais te conduire chez toi, proposa-t-il, te sens-tu capable de marcher ?

La jeune fille cilla et sembla reprendre ses esprits et sa vivacité.

— Non, oui. Je te remercie de ta proposition, mais je suis censée rejoindre Ma'a à l'herboristerie. À bientôt, je suppose...

Elle lui déposa, après un bref instant d'hésitation, un rapide baiser sur la joue, puis s'enfuit en courant à travers la foule agitée.

Le temps qu'Elfée rejoigne l'herboristerie, les nuages qui jamais ne se trouvaient loin s'étaient réunis en une masse grise dans le ciel, et à peine la jeune fille avait-elle passé le pas de la porte, qu'ils commencèrent à déverser leurs larmes. Ma'a se trouvait déjà à l'intérieur, raide et solennelle, la cape rouge entre les mains qu'elle lui tendit lorsqu'elle entra.

— Désormais, ne la quitte sous aucun prétexte lorsque tu te trouves à l'extérieur, elle est pourvue d'un charme protecteur. Il est probable que d'autres attaques de ce genre se reproduisent. Surtout, j'insiste, ne pénètre pas dans la forêt sans moi. Si tu obéis à ce que je te dis, tout se passera pour le mieux.

Luttant contre son envie omniprésente de lui conseiller, avec plus ou moins de force, de se tenir éloignée de Loup, elle évita toute mention de celui-ci ; la confiance de la jeune fille devait lui être définitivement acquise avant de s'y risquer.

— Je ne comprends pas, commença Elfée, les seules créatures que nous ayons jamais aperçues au sein de la forêt sont des oiseaux, et il me paraît évident qu'il ne s'agit là pas de leur œuvre. Je pensais le danger écarté depuis Rose... Quel genre d'animal irait et viendrait au hasard, et attaquer uniquement des humains ?

La vieille herboriste demeura silencieuse et la jeune fille éprouva le sentiment, non pas d'ignorance, mais d'un refus de partager les informations qu'elle avait en sa connaissance. Elle ouvrit la bouche, s'apprêtant à renchérir, mais la vieille femme la devança. Celle-ci s'approcha et, une main appuyée sur chacune de ses épaules, plongeant son regard dans le sien déclara :

— Le moment approche où tout trouvera une explication, aie confiance et reste prudente, dans quelque temps tu en sauras autant que moi.

— Dans ce cas, pourquoi en repousser l'échéance ? tenta la jeune fille, déconcertée.

— Parce qu'elle est liée à l'enseignement que je te transmets et qu'il y a des étapes que je souhaite respecter. Lorsque le moment sera venu, je te confierai certains éléments de réponse.

Et ainsi se conclut la discussion, par une dérobade qui laissa Elfée dans une espèce de frustration circonspecte.

Promenons-nous dans les boisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant