Le chef d'oeuvre de Louis le grand

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Paris, Décembre 1673. Vers minuit, alors que le peuple est rentré depuis longtemps chez lui et que la ville s’endort, non loin de la Seine, dans une rue où règne une atmosphère mystérieuse et inquiétante, une faible lumière émerge d’un soupirail. De ce soupirail, on aperçoit un homme, assis sur un tabouret, peignant à la lueur blafarde d’une chandelle presque usée, son pinceau à la main qu’il manie avec délicatesse, parfaisant sa création de quelques retouches ajoutées à petits coups. Ce lieu où baigne une sorte d’ambiance énigmatique assez indescriptible n’est autre que l’atelier du peintre et décorateur français Jouvenet. C’est une petite pièce, dans laquelle se trouve une chaise et une table où sont entassés dans un désordre indéfinissable des palettes, des pinceaux, des piles de gravures, de dessins de préparation et de croquis retouchés. Un chevalet sur lequel sont posées des esquisses ébauchées au crayon noir trône dans un coin. Les traits tirés et le regard sévère de l'artiste témoignent d’une intense concentration. Nicolas Bertin, ainsi se nomme-t-il. Ce jeune parisien, âgé de seulement seize ans, est “l’élève de Jouvenet depuis trois ans” disait-on dans l’atelier. Ce néophyte apprenait ce que tout bon peintre à cette époque se devait d’apprendre, observant par dessus l’épaule de son maître toutes les techniques de la peinture, étudiant les courbes, les couleurs, la physionomie, les mouvements… la liste est longue et les connaisseurs en rhétorique, en éloquence artistique, qui liront cela sauront de quoi il est question ici. Nicolas est une de ces personnes, qui possèdent une sensibilité développée au plus haut point, et qui la mettent en oeuvre, afin d’exprimer dans leurs créations des émotions, des sentiments, faisant passer un message, s’adressant au spectateur dont la propre sensibilité est touchée lorsqu’il admire le travail inégalable d’un de ces artistes. C’est le père de Nicolas qui avait deviné le talent de son fils alors qu’il était encore tout jeune, et c’est lui qui l’avait encouragé à devenir peintre, à s’engager dans cette voie tortueuse, qui menait rarement ceux qui l’empruntaient à la gloire, rendant la vie de la plupart des artistes éreintante, leur faisant endurer bien souvent mille peines, échecs, déception, découragements, désillusions. Alors que vous l’observez attentivement, le jeune homme réalise les finitions d’une oeuvre qui lui a coûté d’innombrables heures de sommeil ; des nuits entières ont été consacrées à la réalisation de ce tableau. C’est le lot de tous ceux qui veulent rencontrer le succès en faisant de l’art, tout le monde vous l’affirmera. Mais quel tableau me direz vous ? Aucun nom encore ne lui a été donné. Depuis plus de 5 mois, Nicolas travaille dessus. Cette toile représente un sujet que le néophyte qualifie lui même, si vous le questionnez, du “plus admirable, honorable parmi les honorables”. Connaissez vous Darius III, dernier grand roi achéménide de l'empire perse, tué à la bataille d’Issos en 330 avant Jésus Christ par le légendaire Alexandre le Grand, roi argéade de Macédoine ? Saviez vous qu’une fois ayant vaincu Darius, Alexandre, roi plein de compassion, accompagné de son fidèle Héphestion, accorda  sa clémence et sa protection à la famille du perdant, dont sa femme, Stateira, sa mère, Sisygambis et ses deux filles ? Cette histoire a inspiré de nombreux récits, des ouvrages, dont celui de l'historien latin Quinte-Curce, des pièces de théâtres telles celles de Boyer, de Morel, des oeuvres d’art, et parmi celles-ci, le tableau de Bertin. Notre jeune peintre, par son oeuvre, veut célébrer la grandeur d’âme du roi de l’époque, Louis XIV, qui s’identifie à Alexandre le Grand, clément, glorieux, tout puissant ; il souhaite témoigner de l’allégeance qu’il porte à ce roi affirmant sa pleine et entière souveraineté. Ayant étudié au collège Louis Le Grand, comme vous chers élèves qui lisez cette petite histoire, il voue une admiration sans bornes au roi Soleil. Comme de nombreux artistes de son temps, le néophyte encore timide mais talentueux n’a qu’un souhait : se faire remarquer par le roi en lui offrant ainsi une oeuvre célébrant sa personne de monarque divin et connaître le début de ses heures de gloire. Nicolas Bertin s’est aidé de l’oeuvre de Charles Lebrun, commandée par le roi Louis XIV, représentant le même sujet. Il s’est rendu plusieurs fois au château de Fontainebleau, là où est exposée la toile de Lebrun, et il l’a observé longuement, minutieusement. Mais Bertin est un peintre particulier, nous pouvons vous l’assurer, différent de tous, doté d’un don que personne d’autre que lui ne possède. Vous l’avez sûrement deviné, Bertin est capable d’exprimer la nature telle qu’elle est réellement, apportant la vie là où un autre artiste aurait tenté de la copier pitoyablement, en vain. Beaucoup d'artistes ont cherché et cherchent encore à l'imiter. On sent dans ses travaux le vent faire tressaillir les arbres, le bruit mélodieux de l’eau... Ses personnages semblent respirer et se mouvoir, on perçoit le battement du coeur des hommes et des animaux sous leur peau. Vous le voyez en ce moment retoucher un pied d’une des figures de son tableau, mais ce pied, comme vous pouvez l’observer, semble vivre, ne trouvez-vous pas ? La chair semble animée, le sang coule sous la peau ! “Ô quel pied délicieux” dirait Balzac ! Quel talent ! Ce jeune homme, à peine sorti de l'adolescence et déjà plus que doué, prodige direz vous, fignole ainsi, alors que nous le regardons, le tableau qui doit marquer son entrée dans l’histoire de la peinture.
Le brillant talent de Bertin n’a d’ailleurs pas échappé à Jouvenet qui voit déjà dans son élève un émérite adversaire, un brillant ennemi, qui sera bientôt récompensé par le succès du tableau qu’il réalise en ce moment. Le talent de son élève lui rappelle d’ailleurs celui de son propre maître. Jouvenet n’en parle que très rarement. Il préfère garder secrète l’identité de l’artiste qui lui a appris les règles de la peinture et qui est devenu très célèbre à sa mort mais malheureusement non pour ses talents de peinture mais pour sa folie. Cher lecteur, vous avez à coup sûr déjà entendu parler de ce personnage et de son histoire, mais vous pensiez qu’il n’était dû qu’à l’imagination d’Honoré de Balzac, hé bien non ! Vous n’allez sûrement pas nous croire et pourtant c’est la vérité. Frenhoffer a bel et bien existé ! Jouvenet a été son élève. Il a été très marqué par la mort de son maître, génie dans son genre, qui se suicida suite à la déception de deux de ses amis face au célèbre “Chef d’oeuvre inconnu”. Depuis, Jouvenet est incapable d’exploiter son talent, quoique moindre que celui de Bertin, angoissé à l’idée d’atteindre la perfection dans la peinture et de mourir comme son maître, qui, voulant exprimer la vie, a sombré dans l'aliénation et n’a représenté qu’un pied perdu au milieu d’un désastre de couleurs.
Mais revenons quelques semaines auparavant, avant que Bertin ne soit en train de parfaire sa toile, là où commence toute notre histoire.
Jour après jour, alors que Bertin travaille assidûment sur sa toile, Jouvenet, comparant ses réalisations à celle du jeune homme, reconnaît de plus en plus le génie de son disciple, génie qu’il n’avait pas voulu admettre au départ. A cette période là, Jouvenet entretient, il est important de le savoir, de mauvaises relations avec le roi, qui s’est emporté violemment lors d’un entretien avec le peintre quand ce dernier lui a appris qu’il entretenait une liaison depuis cinq ans avec la cousine du monarque, Elisabeth Marguerite d’Orléans, et qu’il souhaitait se marier avec cette jeune femme, avec laquelle il avait eu un enfant. Enfin, faisant preuve d’un hybris démesuré, Jouvenet a osé prétendre à une reconnaissance sociale pour son fils, en réclamant que celui-ci porte un titre légitime du fait de son appartenance “à la branche de la grande famille royale” comme le dit le peintre orgueilleux. Le roi, furieux d’apprendre que sa cousine s’est éprise d’un simple peintre, d’origine modeste avec qui elle a eu un fils hors-mariage, s’est mis, vous n’en doutez pas, dans une terrible colère et a congédié Jouvenet du palais. Ainsi, en ce moment même où nous vous expliquons sa situation, le peintre est en très mauvaise posture auprès du monarque, et cherche à regagner un peu d’estime. Depuis quelques semaines, alors que l’oeuvre de Bertin prend forme, Jouvenet regarde d’un oeil envieux et méchant son disciple. Alors lui vient une idée qui lui semble la solution à tous les problèmes auxquels il est confronté : celle de s'approprier le chef d’oeuvre de son élève et de l’offrir en son nom au roi, qui lui pardonnerait sans doute et “reconnaîtra peut-être mon fils” espère-il. Mais Bertin ne manquerait pas de le dénoncer. Alors, un soir, dans son lit, après être rentré de l’atelier fort tard, il réfléchit longuement et il arrive à la conclusion suivante, qui, il faut le dire, le fait frissonner lui même : “il faut que je tue Bertin, c’est le seul moyen de le faire taire”. Parole affreuse vous me direz pour un homme d’art mais sachez que tous les artistes ne sont pas d'honnêtes et bonnes personnes, certains sont prêts à tout pour servir leurs intérêts, mais n’en faisons pas non plus une généralité, attention ! La jalousie et l’orgueil poussent alors Jouvenet à raisonner de cette manière et cette décision mûrit dans ses pensées, jour après jour, jusqu’à s’imposer à son esprit comme unique remède nécessaire à ses maux…
Bientôt Jouvenet ne pense plus qu'à cela. Il veut anéantir Bertin, cet artiste si jeune et innocent. Il est encouragé par l'idée, voire même le rêve, de revenir à la cour du roi et de se faire une place importante, devenir le peintre officiel du roi, être riche. “L'élève a dépassé le maître”, cette phrase le ronge à la simple vue du jeune Bertin plongé dans son travail et ne fait que nourrir sa haine de jour en jour. Plus les coups de pinceaux de Bertin se baladent sur la toile, bientôt achevée, plus le coeur de Jouvenet devient noir, appelé par le désir du pouvoir et de la richesse. En attendant l'instant où Bertin finira sa toile, Jouvenet passe toutes ses journées à penser à la façon dont il le tuera… Serait-ce avec un couteau ? Un poison peut-être ? Ou même une noyade ? Nous faisons face à un criminel qui pense à sa victime ou à un prédateur qui attend de se jeter sur sa proie. Il était témoin du talent sans limite de son élève. La haine monte en lui. Le crime qu’il est sur le point de commettre n'est plus un devoir mais une volonté. Il ne doit plus tuer Bertin, il le veut. Son souhait le transforme. Il ne passe plus tout son temps dans son atelier, mais reste enfermé dans sa chambre à réfléchir à son crime. Il n’a plus d’inspiration. Lorsqu’il ferme les yeux, il ne voit qu’une seule chose : le tableau de son meurtre, le sang de Bertin coulant sur ses mains. Mais il faut attendre. Attendre que Bertin finisse son chef d’oeuvre. Cette patience est insoutenable, il veut le tuer ici et maintenant. Il a d’ailleurs tout prévu : il l’attaquera par derrière sans qu’il s’en aperçoive en lui plantant le couteau au niveau de son coeur.
Le jour tant attendu par Jouvenet arrive enfin. Bertin lui a donné rendez-vous à l’atelier afin de lui montrer sa peinture d’une grande beauté. On peut lire un sourire diabolique sur le visage de Jouvenet, le moment de passer à l’acte est enfin arrivé. Il a aiguisé son couteau favoris dès l’aube, celui qu’il utilise seulement pour les grandes occasions. Jouvenet a également acheté de l’alcool pour faciliter son meurtre. Il faut préciser qu’il n’en achète pas souvent du fait de ses revenus assez faibles, c’est donc là une marque d’affection envers son élève et un moyen de le rendre plus euphorique. Il compte sur l’effet de l’alcool pour qu’au moment du passage à l’acte Bertin ne se débatte pas. Ce jour est peut-être le jour le plus important de son existence, le jour qui va tout bouleverser. Jouvenet est déterminé à obtenir ce qu’il veut. Il est prêt à tout. La nuit venue, il rentre dans son atelier. C’est un de ces soirs où le ciel s’anime d’une violente force et se déchaîne, le tonnerre menace, l’orage gronde, la pluie se déverse fougueusement. Dans son atelier, à l’abri de l’averse, Jouvenet prépare un délicieux repas ainsi que les verres de vin. Il retrouve Bertin, placé à côté de la grande toile recouverte d’un long drap blanc afin de cacher l’objet de tentation de Jouvenet, l’objet qui a fait naître en lui une volonté de meurtre. Il contemple ce grand bout de tissu d’un air pensif. Ils sont tous les deux heureux, mais pas pour les mêmes raisons. On peut voir l'excitation d’un enfant dans les yeux de Bertin. Il veut montrer le fruit de son dur labeur à son maître. Le feu de Dieu se fait alors entendre, un coup de tonnerre éclate bruyamment. Jouvenet, nerveux, sursaute à ce brutal grondement du ciel. Durant le repas, Jouvenet fait en sorte de boire le minimum, tandis qu'il sert de nombreux verres à Bertin, qui, dans son innocence ne se rend pas compte de la manipulation de son maître. A la fin du repas, Bertin se lève maladroitement de sa chaise et demande à son maître de se disposer devant la toile et d’attendre, ce qu’exécute Jouvenet presque aussitôt, impatient. À ce moment là, le jeune Bertin tire doucement sur le drap léger qui tombe sans bruit à terre. La chandelle éclaire faiblement la partie de l’atelier où se trouvent Bertin et Jouvenet. Les deux hommes regardent le tableau en silence, aucun des deux ne parle. Jouvenet ne peut en croire ses yeux, l’oeuvre achevée de Bertin est sublime. La jalousie redouble de plus belle dans son coeur. Pourtant, une agitation joyeuse, une ivresse nerveuse le gagne à l'idée que ce tableau puisse lui appartenir. Il remarque alors que l’oeuvre n'est pas signée et interroge son élève à ce propos. Bertin répond qu’il voulait tout d’abord le faire approuver par son maître. Un long silence s’installe de nouveau dans l’atelier baigné dans la pénombre. Bertin, se tenant debout devant sa toile enfin terminée, la regarde avec une grande émotion, émotion que peuvent ressentir de nombreux artistes ayant enfin achevé une toile dans laquelle ils y ont mis toute leur âme, tout leur coeur ! Ivre d’alcool et de joie d’avoir peint son chef d’oeuvre, Bertin a les larmes qui lui montent aux yeux. Ses mains tremblantes, ses yeux rouges, le mordillement de sa lèvre supérieure laissent transparaître son amour pour la peinture et également son inquiétude face à la réaction de son maître. Le coeur battant, il n’ose dire un mot. Alors que Bertin contemple toujours profondément sa toile, vérifiant chaque détail de cette dernière, Jouvenet sort discrètement sans bruit une dague incrustée de fines pierres précieuses de la poche de son manteau. Il la regarde quelques instants se rendant compte de la gravité de l’acte qu'il s'apprête à effectuer, un sourire apparaît sur son visage. Il se dirige alors précautionneusement derrière Bertin, qui, plongé dans l’admiration de son oeuvre, ne s'aperçoit pas du déplacement de son maître. Alors, Jouvenet lève lentement son couteau dont les joyaux scintillent dans l’obscurité et se rapproche encore plus de Bertin qui ne remarque pas la silhouette inquiétante que forme l’ombre de Jouvenet sur le mur. A ce moment-là, Jouvenet enfonce d’un seul coup sec son arme dans le dos de Bertin. Vous vous imaginez peut-être, chers lecteurs, que Jouvenet réalise cet horrible acte meurtrier en tremblant, ressentant de la terreur, de l’effroi et des remords d’ôter ainsi la vie à un homme si jeune. Mais ce serait se tromper sur Jouvenet. Le peintre, plongeant sa dague tranchante dans le corps d’un si inoffensif adolescent, éprouve un indescriptible plaisir, une inexprimable satisfaction d’une rage furieuse. Son regard est traversé par un voile sombre et machiavélique. Un terrible coup de tonnerre à glacer le sang retentit alors et un éclair zébrant le ciel orageux projette une lumière effrayante par le soupirail. Cela ne fait plus sursauter Jouvenet. Bertin ne se débat pas, il pousse simplement un cri rauque avant de tomber à terre. Le manche du couteau, émergeant du corps inanimé qui gît au sol couvert de sang, scintille sous l’effet de la chandelle et projette sur le mur un chatoiement de couleurs étincelantes. Le visage du mort, jadis un beau jeune homme, est déformé par la douleur. Ses yeux encore larmoyants, reflétant son innocence et sa candeur, sont tournés vers son oeuvre. Jouvenet, impassible, enjambe le cadavre du jeune Bertin autour duquel se forme une mare de sang rouge. Un sourire diabolique sur les lèvres, il prend un pinceau et ajoute son nom en guise de signature sur le tableau. “Plus rien n’entrave mon chemin” dit-il à voix basse, agité d’une joie violente. Dehors, un autre coup de tonnerre éclate alors dans la nuit noire ...
Dans son excitation, Jouvenet ne remarque pas le personnage qui l’observe depuis le début par le soupirail et qui disparaît en silence. L’inconnu se dirige d’un pas rapide vers une diligence qui l’emmène direction Versailles. Il rentre dans le château et se rend vers la galerie des glaces où a lieu en ce moment même un des nombreux bals organisés par le roi. Il commence à entendre la musique, une odeur de pâtisserie embaume l’air et fait réagir son estomac qui n’a rien reçu depuis le matin. Après s'être débarrassé de son manteau ruisselant de pluie et avoir essuyé ses chaussures afin de se donner une apparence convenable, il rentre alors dans la galerie des glaces. Cet homme vêtu de noir ralentit le pas voulant comme se camoufler dans la foule dénotant déjà par sa tenue. Il prend quelques gâteaux apéritifs au passage et se permet même un verre de champagne. Il se fraie un chemin parmi la foule de courtisans discutant, dansant, buvant, chacun voulant attirer l'attention des plus importantes personnes de la cour dans une société hypocrite et basée sur l'apparence. Ils tentent tous de se faire remarquer, pour bénéficier du privilège ultime d'obtenir un entretien personnalisé auprès du roi afin de lui faire des requêtes que nous jugerons aujourd'hui de ridicule. Tous aussi occupés les uns que les autres, de la manière la plus égocentrique qui soit, aucun ne s'interroge sur la présence étrange de cet individu tout de noir vêtu. Cherchant le Roi, il finit par le trouver dans une petite salle de jeu sur le côté. Le monarque est en pleine partie de billard avec quelques courtisans privilégiés dont le prince de Condé, madame de la Vallière et madame de Montespan. L’homme n’a pas à attendre longtemps pour que le roi l’aperçoive, ils se regardent quelques instants comme communiquant par télépathie. Le visage de Louis XIV prend alors un air consterné, il s’excuse auprès de sa cour et rejoint d’un pas pressé ce mystérieux personnage. Ils se mettent dans un coin à l’abri des regards et le roi dit presque en chuchotant afin de ne pas être entendu “Assemblée exceptionnelle immédiatement”.
Une lumière bleue envahit toute la galerie, tous les courtisans s'immobilisent comme par magie tandis que le roi et son acolyte se retrouvent téléportés dans une salle immense qui semble appartenir à un autre monde. Les murs sont d’une blancheur surnaturelle, un trône en verre comme tous les rois du monde en ont rêvé est placé légèrement surélevé face à plusieurs dizaines de rangées de siège. Dans tous les murs, des cercles bleus apparaissent d’où sortent un flux de personnes impressionnant. Ils sont habillés de façon diverses et variées conforme à leur lieu d’origine, certains viennent de la galerie des glaces directement et sont vêtus en nobles, d’autres ont l’air de venir de planètes extraterrestres et sont habillés comme des super-héros tandis que d’autres encore viennent de la campagne et sont vêtus comme de simples paysans. Personne ne semble étonné de se trouver ici. Le roi prend alors la parole en ces termes :
“Je vous ai convoqué en assemblée exceptionnelle car l’heure est grave. L’un des nôtres a été tué ce jour par un humain. C’est un humain plutôt particulier car comme vous le savez déjà, il a par le passé porté préjudice à notre monde en nuisant au pouvoir de notre cher Frenhoffer. On ne sait par quel moyen, il lui a troublé l’esprit ce qui le rendait incapable d’extraire la force nécessaire de la nature pour faire peindre ses pinceaux les chef d’oeuvre que nous connaissons tous. Cette incapacité a mené Frenhoffer à la folie et l’a fait se suicider.... Nous avons alors placé sous haute surveillance cet individu représentant un mystère pour le monde des super-héros et avons mis en sa présence un jeune élève du collège Louis le grand dit Collegium Ludovici Magni. Cet adolescent avaient un pouvoir en peinture se différenciant de celui de Frenhoffer puisqu’il devait manier les pinceaux lui même mais était capable de représenter à la perfection tout ce qu’il désirait. Nous avons alors envoyé notre cher Nick Fury afin de voir si l’influence mystérieuse qu’il exerçait sur Frenhoffer, sur notre voyante et sur moi même agit de la même façon sur tous les super-héros. En effet, je suis dans l’incapacité de lire dans les pensées de Jouvenet, comme notre voyante ne voit rien dans le futur à son propos. Nick surveilla avec attention ce jeune sorcier qui durant 3 mois continuait à peindre magnifiquement bien sans aucune difficulté. Nous avons alors baissé la surveillance en n’envoyant Nick Fury qu’une fois par jour sur place. Mais, il arrive à l'instant et m’informe de la catastrophe. Jouvenet, qui pensait savoir bien peindre ne supportait pas que celui qu’il prenait comme un simple élève le surpassa. Nous n’avions pas imaginé qu’il fût capable de cette atrocité mais il vient d’assassiner par un coup de couteau dans le dos ce pauvre garçon de seize ans seulement. Je vous demande alors la plus grande vigilance car en plus de ces actes, cet étrange homme a réussi à séduire ma cousine qui pourtant refusait les avances de tous les grands de ce monde… Les Avengers, je vous charge d’aller chercher ce Jouvenet tant qu’il dort et de le mettre dans notre cellule la plus sécurisée, je ne voudrais pas qu’il s'échappe avant que nous ayons résolu ce mystère ! Nick je te laisse au repos pour cette affaire tu en as déjà assez fait, c'est d'Artagnan qui l’amènera dans la prison du château et les Men in Black surveilleront la cellule de notre prisonnier. Merci à tous d’avoir répondu à l’appel et que la force soit avec vous !” La cinquantaine de super-héros qui est là s'interroge du regard, on peut discerner une certaine tension montrant que les craintes exprimées par le Roi Soleil sont bien fondées. Un simple homme qui résiste aux pouvoirs de nos héros alors qu’aucun d’entre eux ne sont capables de résister aux pouvoirs des autres ? Que cela pourrait-il donner ?
A ces dernières paroles, chacun se téléporte et retourne à ses occupations. La salle disparait comme elle est apparue, le roi se retrouve dans la galerie des glaces auprès de ses courtisans et la vie continue comme si de rien n’était.
Au petit matin, quelques raies de lumière éclairent l’atelier, émergeant du soupirail. Allongé sur un sofa enfoui dans un coin de la pièce se trouve le meurtrier, dont les paupières sont closes. On peut lire sur son visage une grande fatigue. Mais chers lecteurs, vous vous demandez sûrement ce qu’il s’est passé après le crime de Jouvenet, surtout ce qu’est devenu le cadavre de Bertin. Eh bien, après son meurtre, Jouvenet a enveloppé le cadavre de Bertin dans un grand sac de toile qu'il a porté sur son dos jusqu'à la Seine, sous la pluie et l’orage. Arrivé au bord de la fosse profonde où coulait le fleuve, il a pris garde de s’éloigner des flottilles dormantes, canots, yoles, bateaux-lavoirs, bercés par les flots de la Seine. A l’abri de toute présence humaine, il a jeté le corps de Bertin dans les eaux noirâtres. Voilà ce qu’il s’est passé cette nuit, alors que la lune n’éclairait pas le ciel sombre et agité. Mais reconcentrons nous sur notre criminel. Au moment où nous l’observons, on peut lire sur son visage un large sourire carnassier, apportant à sa physionomie un air hideux. Soudain, un bruit vient troubler le doux sommeil du criminel. En ouvrant les yeux, Jouvenet s’aperçoit que la petite porte d’entrée qu'il pensait avoir fermé la veille se trouve grande ouverte. Léthargique, il se lève doucement et marche en direction de la porte, se disant qu’elle peut être abîmée par l’usure au vu de l’ancienneté du bâtiment. A son réveil brutal, il ne se rend pas compte qu'un personnage l'observe, tapis dans un coin encore sombre de l’atelier. Ce personnage s'approche lentement de Jouvenet et l'attrape fermement par le bras. Jouvenet sursaute de surprise. Il se retourne alors vivement. C’est un homme de grande taille à la mine grave qui lui empoigne le bras. “M.Jouvenet”, dit l’homme, “je suis d’Artagnan, mousquetaire du palais. Sa seigneurie elle-même m’a envoyé, il veut vous voir dans les plus brefs délais.”
Jouvenet, pensant que le roi le convoque à propos d'une réconciliation, et espérant enfin faire reconnaître son fils, s'empare du tableau dont il est devenu le propriétaire afin de mettre toutes les chances de son côté. Il suit d’Artagnan dehors, dans la rue qui est déjà agitée depuis très tôt, cinq heures ce matin. “Il est sûr que le roi a changé d’avis et veut me voir pour me donner l’autorisation concernant mon mariage avec ma bien aimée ! En voyant ce magnifique tableau, il restera sans voix et légitimera sûrement ma tendre progéniture ! Je serais alors l’homme le plus heureux, le plus fier du monde!”. Voilà ce que s’imagine Jouvenet tandis qu’on le mène à Versailles en fiacre. Mais toutes ses espérances sont bien illusoires et mal fondées !
Une fois au palais, Jouvenet est, selon les ordres de Louis XIV, enfermé dans une cellule  isolée et surveillée par deux grands colosses tout de noir vêtus. Jouvenet est d’abord surpris de cette décision, mais se dit-il “c’est sans doute une nouvelle question de sécurité, de protection”. Il attend ainsi, ne se doutant de rien. Quelques heures plus tard, d’Artagnan, armé d’un mousquet, entre dans la geôle, et d’un geste vif, saisit fermement les poignets du prisonnier avant de les lier à l’aide d’une épaisse corde. Jouvenet recule d’un pas, stupéfié. “Enfin, pourquoi m’attachez vous les mains ? Je ne comprends pas ! Expliquez-moi !” Il tente de résister mais les deux gardiens le saisissent par les épaules et d’Artagnan lui ligote les poignets. “Le roi veut vous voir” lance sèchement le mousquetaire. “Suivez moi”. Tout en marchant derrière l’homme au chapeau et au mousquet, Jouvenet commence à s'interroger sur la réelle raison de sa présence au château. Il n’est plus euphorique comme il l’était auparavant. La cellule, puis les mains liées… Jouvenet comprend qu’il n’est pas convoqué pour ce qu’il s’imaginait. S’impose alors à son esprit une idée claire de sa situation: “je suis prisonnier” se dit-t-il. “Mais pourquoi ? Je n’ai rien fait de mal ! Mis à part le meurtre, mais personne ne peut être au courant de mes agissements!”. À ce moment-là, Jouvenet se trompe, vous le savez vous même chers lecteurs. Mais lui ne sait rien...
Enfin, Jouvenet et d’Artagnan pénètrent dans une salle où se trouvent trois autres personnes, formant un cercle: sa seigneurie le roi Soleil, un homme nommé Nick ainsi qu’un vieillard au dos courbé. Il a le teint jaunâtre, les yeux allongés, le sourire malicieux et quelques longs cheveux restant  sur son crâne dégarni. Nombreux sont ceux qui trouvent que le physique de cette personne âgée ressemble étrangement à celui d’un renard. Cette étonnante similitude est d’autant plus frappante que son nom “M.Fox“ signifie en réalité “Renard” en anglais.
“Un étrange mystère plane autour de cet homme. Comme je vous l’ai expliqué, M.Frenhofer était incapable d’utiliser ses pouvoirs en sa présence, tout comme la voyante ou encore moi même. C’est pourquoi,  je voudrais, M.Fox, que vous examiniez ce criminel.” demande le roi.
“Bien entendu mon seigneur“ réplique le vieil homme en s’approchant de Jouvenet. Le vieillard regarde alors droit dans les yeux le prisonnier puis ferme les yeux en récitant quelques phrases en latin, dont Jouvenet ne comprends pas un seul mot. Subitement, un éclair bleu aveuglant traverse le corps de Jouvenet puis tout redevient calme.
“Que lui avez vous fait ?” s’étonne Nick en voyant le corps inanimé du criminel. “Ne vous inquiétez pas, il n'a rien, j'ai seulement sondé son âme.” répond M.Fox en se tournant vers le roi.
“Mon cher seigneur, je ne comprends pas, contrairement à vous, je suis toujours en possession de mes pouvoirs, j'ai alors pu fouiller au plus profond de son esprit, mais cette recherche n'a rien donné et je n’ai pas d’explication à cet étrange phénomène. Jouvenet neutralise bel et bien certains pouvoirs et pas d'autres. La seule solution d'après moi serait de l'envoyer sur la planète de l'oubli afin de ne plus avoir de problème avec cet individu qui représente un danger pour l'humanité toute entière.”
Cher lecteur, nous vous devons une petite explication, la planète dont parle ici M. Fox est à l’image d’une prison, un lieu où nos super-héros envoient les grands criminels de ce monde qui risquent de porter atteinte au secret de l’existence des super-héros, au bon fonctionnement de la monarchie absolue ou également qui, comme Jouvenet, portent atteinte directement à nos super-héros. Cette planète accueille encore aujourd’hui les personnes les plus nuisibles de ce monde, mais son existence n’est connue que de très peu de gens et explique la mystérieuse disparition de certains individus. Nous ne pouvons pas vous en dire plus car cette existence est bien sûr tenue secrète encore de nos jours, même si compromise par les importants progrès technologiques actuels.
Revenons à notre histoire qui arrive à sa fin, quelques temps après cet incident, le fabuleux tableau de Nicolas Bertin est remis au roi, après que la signature du maléfique Jouvenet ait été effacée. Le monarque est enchanté par le chef d'oeuvre du jeune artiste Bertin, tragiquement parti trop tôt de ce monde. En hommage à ce talentueux peintre magnoludovicien, le roi Soleil transfère son oeuvre au collège des super-héros : Louis Le Grand. En effet, ce collège abrite et forme depuis sa création des jeunes recrues aux divers super pouvoirs, pour leur apprendre à les maîtriser et à les développer, et même parfois à les découvrir . Ce tableau, depuis sa parution au collège, est très précieusement protégé par des gardiens afin de préserver la mémoire de Nicolas Bertin. Mais aujourd’hui, qui en sont les secrets protecteurs ? Serait-ce le proviseur lui même ? Mystère…

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