Un Dimanche De Mai

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Tilmeo était assiégé, stylo en main, dans son canapé angulaire de cuir noir les jambes flèchies pour soutenir un bloc de feuilles. Il listait pour la quatrième fois du vocabulaire pour une interrogation qu'il aurait le lendemain. Il connaissait déjà sa liste. En réalité, le jeune homme essayait d'occuper son temps jusqu'à sa journée de cours du lendemain; chaque instant de sa vie où il ne se passait rien lui paraissait vide, long. C'était peut-être le prix à payer pour avoir une vie parfois si intense.
L'adolescent espérait recevoir un message de son nouveau petit-ami. Il n'en aurait pas, celui-ci était à l'université et devait réviser pour son examen du lendemain. Tilmeo savait qu'il n'avait pas le choix d'accepter cette situation, et le faisait avec plaisir, car son récent petit ami était un passionné. S'égarant dans ses pensées, il replaça le capuchon du stylo à sa place et posa son bloc sur le canapé noir. Après quelques secondes ou minutes d'égarement, son téléphone vibra. L'appareil affichait le prénom de Luna, accompagné d'une photo et d'une petite fée en smiley.
Luna, c'était une amie de Tilmeo. Elle était mince, élégante -l'élégance incarnée selon son ami-, féminine et positivement distinguée. Elle était d'un chic sur la photo qu'affichait le téléphone (en jupe bleu marine, chemise bleue claire et lunettes de vue faisant ressortir ses yeux foncés). Luna, c'était une fille aux fins traits sud-américain qui trahissaient ses origines à-demi péruviennes. Ayant grandi en Europe, elle avait reçu une éducation que tout parent aurait d'extérieur voulu donner à son enfant. Elle était la fille parfaite: une amie gentille, une élève studieuse, une fille respectueuse, mais surtout une terrienne n'ayant pas sa place dans cet univers.
Le message que cet égarée avait laissé à son ami était une demande d'aide - quelques semaines auparavant, Tilmeo avait été le seul à remarqué que sa camarade de classe n'allait pas bien; depuis ce jour, ils étaient passé du stade de camarades d'écoles à de vrais amis, et Luna lui envoyait toujours un message lorsqu'elle ne se sentait pas bien.
L'ami attentif se leva alors de son canapé, fit sortir ses chiens quelques minutes dans son jardin puis se prépara à prendre le vélo pour aller chez son amie, habitant dans Soignies. Il était 23 heures et 12 minutes, et Tilmeo devait rentrer chez lui avant 6heures du matin, pour cacher sa sortie à son géniteur. Il aurait le temps en suffisance de rassurer son amie.
C'est ainsi que le jeune homme de 17 ans seulement parti aider son amie au beau milieu de la nuit.

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Tilmeo était installé sur le vieux sofa aux coussins creux recouverts d'une simple couverture à motif tartan. Il fixait son amie à travers une voûte du mur, servant de séparation et de passage entre la cuisine et le salon.
Luna venait de partir préparer deux chocolats chauds après avoir allumé la cheminée et discuté avec son ami. "Prendre un chocolat chaud, c'est une des meilleures chose à faire lors d'un coup de Blues" avait donné comme astuce le jeune homme à son amie quelques semaines auparavant. "une demi tablette de chocolat, une tasse de lait chaud, et un soupçon de cannelle".
Selon la méthode enseignée, la studieuse Luna venait de casser en deux une tablette de chocolat au lait et à l'orange. Le craquement de la confiserie donna à Tilmeo l'impression -qu'il savait déjà pourtant totalement erronée- que son téléphone venait de vibrer. Il regarda alors avec empressement l'appareil: de toute évidence, il n'allait toujours pas avoir de message de son copain.
Tilmeo avait cette maladie frénétique de regarder en permanence son "GSM" afin de vérifier que son copain ne lui avait rien envoyé. Il espérait recevoir un message spontané, un mot gentil, une douceur; il n'en était rien. Et chaque fois, c'était la désillusion, le crêve-coeur, de voir que rien n'avait été reçu; de voir ce stupide fond d'écran de lui et de la personne qu'il chérissait en ce disant que cela ne devait avoir de l'importance que pour lui.
Le sentimental rangea son téléphone portable dans la poche avant gauche, en grimaçant.
On entendit le bruit d'un tiroir provenir de la cuisine, rompant le silence de la solitude songée de Tilmeo qui ne prit qu'un quart de seconde à se relever et à aller voir son amie.
La cuisine était à la fois ridiculement moderne et vieillotte. Le carrelage composé de carreaux orangés-jaunâtres de 5x5cm ainsi que la lampe à l'ampoule de la même teinte vieillissait la petite cuisine, paradoxalement moderne au vu des appareils -four, gazinière, réfrigérateur et autres- de premier choix.
Un conduit d'aspiration en aluminium recouvert de mosaïque aspirait une casserole de lait chocolaté fumant.
Luna commença à converser:
"Des nouvelles de...?
-Le néant.
-Depuis ?
-Environ une heure... 56 minutes. Je lui ai dit que je démarrais, il m'a demandé d'être prudent. Il sait que le trajet ne dure qu'une demi-heure, pourquoi ne prend-il pas de mes nouvelles putain ?
-Calme toi Tilm', il veut juste essayer de ne pas être intrusif.
-En attendant, j'ai l'impression que c'est moi l'intrus dans sa vie...
-Ne dis pas ça, tu sais obstinément au fond de toi que c'est faux !
-Ouais... Peut-être bien.
-Aller, arrête et fais moi un sourire."
Le garçon grimaça une fausse joie qui sentait le mensonge à 300km à la ronde.
"Je n'aurai donc pas droit à un vrai sourire ce soir ?"
Il pouffa, puis ses traits s'adoussirent. Il semblait souffrir mais en était apaisé.
"Voilà, t'es contente ?
-Ne sois pas si hargneux, je t'ai rien fait moi !
-T'as raison... Assieds-toi sur la chaise"
Tilmeo désigna une vieille chaise de table de cuisine, puis alla s'occuper lui même du chocolat. Son amie alla s'asseoir comme une enfant obéissant naïvement à ses géniteurs.
"Parle moi un peu princesse. Que s'est-il passé ?
-C'est mon neuveu, au Pérou...
-Que se passe-t-il encore ?
-La vie est difficile là-bas tu sais. Il a du être emmené à l'hôpital car il a attrapé froid. Il a de la fièvre, des maux de têtes et ça semble grave.
-Ne t'en fais pas, ça ne doit être qu'un vilain microbe. Les médecins sont des spécialistes, ils savent ce qu'ils font.
-Probablement mais... Je continuerai de m'inquiéter jusqu'à avoir un message de sa part.
-Ah.. Toi qui est si aimante, le monde a bien de la chance de t'avoir.
-Je n'en serai pas si certaine..."
Tilmeo prit alors deux tasses disposées sur une étagère -la préférée de son ami et une qu'il avait apporté lui-même pour s'en servir durant des soirées comme celle-ci- et versa habilement sa préparation. Il saupoudra ensuite délicatement de cannelle chacune des tasses et apporta la sienne à son amie. Il couppa la hotte et se dirigea vers le salon en suivant son amie.
Luna disposa deux sous-verres sur la table basse en verre et déposa sa chaude tasse sur un de ceux-ci.
"Je me suis encore disputée avec papa et maman..
-À quel sujet ?
-Ça a commencé à cause de mon neveu, ils ne comprennent pas mon inquiétude. Puis ils ont recommencé à parler de l'école et du fait que je n'arrive plus à me concentrer en cours.."
Comme à son habitude, lorsque Luna s'énervait elle se lançait dans d'irraisonnables monologues. Tilmeo la prit par les épaules et la regarda droit dans les yeux dissimulés derrière ses verres de lunettes.
"Luna, calme toi s'il te plaît. Tu n'as pas besoin de tant t'énerver. Je sais très bien ce que tu ressens.
-T'es bien le seul ! Personne d'autre à part toi arrive à comprendre ça étant donné que...
-Luna, Luna, prend une inspiration s'il te plaît. Tu sembles oublier que tes parents sont avant tout des parents: ils veulent ce qui est le meilleur pour leur fille. Bien entendu ils doivent eux aussi affronter les mêmes appréhensions familiales que toi, si ça se voit moins chez eux c'est peut être parce que les années leur ont appris à mieux gérer leurs peurs. Luna, comprend que tu es une fille intelligente, belle et pleine de qualités. Tu dois faire face à ce qu'on appelle la vie, et malheureusement, la vie est une bécasse. C'est à toi de prendre du poil de la bête, de remonter en selle, même si c'est dur.
-Tilm... Tout arrive d'un seul coup, je ne sais plus gérer..
-Pense que tous ceux qui ne sont pas près de toi à chaque instants veulent te voir sourire. Tu es bien plus belle quand tu souris. Sèche-moi tes larmes, pense à ceux qui t'aimeront à jamais et boit une gorgée de chocolat chaud. Et mélange bien la cannelle !"
La jeune fille s'exécuta. Lui, saisit son téléphone encore une fois. Aucun message. Il se résigna alors à allumer sa 4g dans l'espoir éventuel d'avoir reçu un snap de son homme.
Le téléphone se mit alors à vibrer 6 ou 7 fois d'affilié -Tilmeo avait l'habitude de recevoir des messages à toutes les heures- pour avertir d'autant de notification différentes. Il fit glisser le mur de notification de son téléphone et commença à analyser les différentes notifications.
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