Aujourd'hui encore, je suis témoin de la torture que Maud inflige à son voisin durant le cours de maths. Elle l'insulte en riant comme si c'était un jeu et qu'il n'y avait rien de grave. Le pauvre garçon ne sait quoi répondre et me jette discrètement des regards désespérés. Maud continue en caressant l'épaule d'Alexis et en prenant ses affaires. Soudain, Maud se tourne vers moi, choquée : ma voisine a dit trop fort "Tu as raison, Maud est vraiment une garce !". Merci Anne... Maud se reprend et me défie.
Maud- Tu veux te battre ?!
Moi- Je risquerais de gagner.
Mais pourquoi j'ai dit ça ?! Bon, c'est la vérité mais quand même !
Maud- 15h au parc.
Elle vient vraiment de me donner rendez-vous pour qu'on se batte ?
Moi- J'y serai.
Je viens vraiment d'accepter ?!
14h58. Je suis au parc, assise sur un banc. Maud arrive avec toute une foule de lycéens. Elle se stoppe face à moi déterminée. On va vraiment faire ça ? Je me lève et m'avance jusqu'à elle. Les lycéens forment un cercle autour de nous. Elle pose ses affaires (sac, veste, bijoux,...).
Moi- Ecoute, on ne va pas-
Je n'ai pas le temps de finir : elle vient d'envoyer son poing dans mon visage. Alors là, c'est la guerre ! Je lui rends son coup et l'accompagne de mon coude dans sa tempe. Elle commence à pleurer et me tire les cheveux en m'assénant de nombreux coups de poing au visage. Je laisse la rage me submerger. Je ne contrôle plus rien. Je frappe et cogne et aucun sentiment de douleur ne m'atteint. Je suis soudainement tirée en arrière tandis que Maud est rattrapée par ses amis. Je me retourne et éclate en sanglots dans les bras de la personne qui vient de m'empêcher de tuer Maud. J'ai tellement de colère en moi que j'aurais sérieusement pu la tuer sans son intervention et ça me fait peur. Je pleure et pleure et pleure dans les bras de cet ami qui nous a sauvé de ma colère. Il ne cesse de me murmurer que tout va bien, que je n'ai pas à avoir peur, qu'il est là si je veux parler, qu'il ne me lâcheras pas et que s'il faut, nous resterons dans ce parc, dans les bras l'un de l'autre durant des jours, des semaines voire des mois. Cela me fait rire mais il ne desserre pas pour autant ses bras autour de moi. Il a compris que ce rire n'est que passager et que je vais trop mal pour qu'il me lâche. Nous entendons soudain la sirène des pompiers. Ils emmènent Maud et l'un d'eux dit à mon ami que je n'ai pas besoin de soins approfondis mais qu'il peut les appeler si j'ai besoin.
Nous nous asseyons sur le banc où j'étais précédemment installée et je reste blottie contre Geoffrey.
Moi- Que faisais-tu au parc ?
Geoffrey- Je te cherchais et on m'a dit que tu étais sûrement au parc pour assister à "la baston du siècle". J'étais loin de me douter que c'étais toi qui te battais !
Moi- Si tu n'étais pas arrivé, je crois que je l'aurais tuée.
Geoffrey- Ce n'étais pas volontaire. Ton organisme extériorisait toute la colère que tu refoules depuis longtemps. Ce n'est pas ta faute.
Je me remets à pleurer. Geoffrey prend mes jambes et les pose sur les siennes pour me serrer un peu plus contre lui. J'ai mal partout. Je vais sûrement avoir un oeil au beurre noir et je saigne de la lèvre inférieure. J'espère que Maud n'a rien de grave. J'adore cette amitié entre Geoffrey et moi. Aucune ambiguïté, aucune gène pour se dire les choses, pas de dispute, que du bonheur !
Une semaine plus tard
Les gens ne cessent de me répéter que ce n'est pas de ma faute mais je suis inconsolable. Je ne suis peut-être pas coupable mais ça ne change rien : Maud est morte. Nous sommes tous vêtus de noir, beaucoup de gens pleurent. J'ai pleins de bleus et de coupures, les larmes me brûlent.
Geoffrey- Tu ne l'as pas tuée. Tu t'es battue contre elle, tu l'as blessée mais tu ne l'as pas tuée. Elle était stable et en vie jusqu'à l'hôpital. Elle n'avait que des fractures. Les médecins l'ont opérée et son coeur a lâché. Tu n'as rien à voir là-dedans.
Moi- Elle serait en vie si on ne s'était pas battue...
Geoffrey- Peut-être pas. Peut-être qu'elle aurait eu un accident, peut-être qu'elle aurait fait un AVC ou une crise cardiaque. On ne sait pas et on ne peut pas savoir alors ça ne sert à rien de se torturer l'esprit.
Moi- j'avais juste dit que je trouvais qu'elle étais une garce...
Geoffrey- Tu m'écoutes au moins ? Parce que ça sert à rien que j'essaie de te remonter le morale si tu ne m'écoutes pas !
Un rire s'échappe de ma bouche. Il a raison, il ne faut pas se torturer l'esprit mais c'est dure, notre bagarre est la dernière chose qu'elle a vécu. Les gens autour de moi s'écartent et je me faufile jusqu'à l'extérieur. Soudain, quelqu'un se jette contre moi et me serre. C'est la mère de Maud.
Mère de Maud- Je sais que tu culpabilises mais il ne faut pas. Ma fille ne voudrait pas que tu portes le poids de sa mort. Les médecins ont été catégoriques : Maud allait bien avant l'opération. Tu as la vie devant toi trésor, alors profite !
Je lui souris et elle retourne à l'intérieur. Geoffrey sort et me propose de me ramener. J'accepte puis nous partons, à pieds. Nous passons par le parc, le fameux parc. Je m'arrête devant le banc qui a été témoin de ma colère et m'assois. Geoffrey me rejoint. Je pose ma tête sur son épaule et nous nous remémorons ce qui fut et restera sûrement la baston du siècle.
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Inspirations Furtives
LosowePetit recueil dans lequel vous trouverez des OS, des poèmes, des nouvelles, des histoires en plusieurs épisodes...