2. Le Froid De Californie

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2. Le Froid De Californie

« Il vous en reste une sensation morale et physique d' comme lorsqu'on a mis la main, par hasard, en des choses poisseuses, et qu'on n'a pas d'eau pour se laver. »

Guy De Maupassant


« Les enfants attention ! Ne marchez pas sur sa robe ! »

« Tu as distribué les pétales ? Où est ta soeur ? »

« Qu'ils sont beaux ! Et en plus sous ce soleil, rien de plus romantique ! »

Le vacarme assourdissant de la foule résonnait sans relâche depuis le début de la cérémonie. Des sourires, des applaudissements, des réjouissances, vécues par certains plus par procuration que par sincérité, voilà le décor prenant place en ce 20 juin à la sortie de l'imposante Église Santa Barbara.

Elle descendait enfin les marches. Ses cheveux blonds et fins étaient attachés en un bas chignon qui laissait échapper quelques mèches sur ces épaules. Elle avançait avec une telle légèreté qu'elle semblait flotter au dessus du sol. Sa robe blanche et éclatante reflétait les rayons du soleil, rendant presque le jeune époux happé par cette auréole divine. Le vent emportait les pétales de roses qui s'embourbaient dans le tissu de son voile, et les enfants aux costumes ajustés à leur minuscule taille tentaient de les retirer avec acharnement.

La mariée, c'était Suzanne Marshall. Elle venait d'une célèbre famille de procureurs, autrefois très bien vue dans tout l'État de Floride. Trente ans plus tôt, ils avaient été contraints de s'exiler en Californie, ruinés et discrédités à la suite d'un scandale médiatique qui avait révélé leur visage opportuniste et véreux. Malgré l'anéantissement de leur réputation, ils étaient parvenus à recréer un nouvel empire.

Les parents du mari, les Grayson, n'étaient en rien écoeurés par le passé sulfureux de cette famille. Ce qui leur importait était de trouver un beau parti pour leur fils pour faire fructifier davantage leur rente pétrolière au Vénézuela.

Parmi cette crasse souriait Suzanne. On ne voyait en cette femme que douceur, allégresse, et beauté. Sa voix angélique savait murmurer aux oreilles les plus sourdes, et elle enchantait par son chant de sirène quiconque l'approchait. Elle était jeune, belle et fortunée, la femme idéale.

Et la voilà jetant son bouquet de roses blanches aux invités, embrassant avec fougue son nouvel époux. Tous criaient autour avec gaieté, les acclamaient, certains pleuraient même. Madame Grayson explosait de joie sous son ombrelle fine au côté du clan Marshall qui, lui, applaudissait avec un enthousiasme hypocrite.

Ce beau tableau aux apparences si attrayantes avait en vérité des couleurs  fades.

Les mariés furent invités à gagner la limousine qui les conduirait au manoir de Winchester qu'ils avaient réussi à privatiser pour la première fois dans l'histoire...Quel accomplissement.

Dès la portière close, Suzanne perdit sa mine réjouie. Elle était fermée, le teint gris. Du coin de l'oeil, elle observait Charles les yeux rivés sur son portable. Elle marmonnait des paroles exaspérées. En réponse et sans le moindre regard, il lui prit mollement la main, feignant une moue désolée.

Le ronronnement régulier du moteur endormait les mariés silencieux tandis que les paysages défilaient, hôtels, villas, plages aux larges palmiers, luxe et excès. Chaque arbre semblait faux, chaque fleur était taillée au millimètre, chaque pierre paraissait creuse. C'était le sombre théâtre de ces hommes et femmes, prostituant leur humanité contre pouvoir et argent.

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⏰ Dernière mise à jour : Aug 02, 2019 ⏰

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